Colloque, 17 au 19 mai 2023

Temporalités alternatives. Uchronies, mondes parallèles, rétrofuturisme

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Le colloque Temporalités alternatives. Uchronies, mondes parallèles, rétrofuturisme, organisé par Elaine Després, Jean-François Chassay, Gina Cortopassi, Antonio Dominguez Leiva, Hélène Machinal et Louis-Paul Willis, a eu lieu du 17 au 19 mai 2023 à l’Université du Québec à Montréal.

Si nos perceptions et nos représentations du temps ont longtemps été stables, elles se sont diversifiés et complexifiés depuis le 19siècle. Les révolutions industrielles, du transport et des communications nous ont d’abord fait entrer dans le temps accéléré et irrémédiablement tourné vers l’avenir de l’idéologie progressiste. Puis, au 20e siècle, la physique théorique a proposé une relativisation du temps, sa courbure et son maillage avec l’espace, un temps cosmique qui n’a plus rien d’humain et qui donne le vertige. C’est également le siècle de la Seconde Guerre mondiale et son temps de la fin de l’humanité; la fin des empires coloniaux et de son temps universel; la fin de la guerre froide et celle de l’Histoire, selon les vainqueurs néo-libéraux; mais aussi la fin des grands récits et la déconstruction temporelle postmoderniste. Au 21e siècle, le présentisme s’est imposé avec l’arrivée du numérique et des écrans, sans compter la pandémie actuelle dont l’impact sur notre rapport au temps est encore à étudier. Il s’agit là d’un portrait incomplet, mais il montre la complexité de ce qui est en jeu : plutôt que de se succéder, ces changements s’additionnent et demeurent bien prégnants. Ce n’est donc pas un hasard si l’émergence et la montée en popularité des représentations alternatives du temps débute également au 19e siècle. Alors que la solidité du réel s’effrite et que le temps apparaît de moins en moins linéaire, que le rapport au passé, au présent et au futur se fait incertain, l’imaginaire devient l’interface idéale pour l’appréhender, et les différentes formes de fiction et de représentation contemporaines lui offrent un support parfait.

En 1857, le philosophe Charles Renouvier invente le terme «uchronie» – cette «utopie dans l’Histoire» – et marque la naissance d’un genre qui fleurit autant chez les philosophes politiques que chez les littéraires, un genre qui nous ramène aux fondements mêmes de la fiction en posant la question: «Et si… ?». L’uchronie déplace l’utopie spatiale vers une nouvelle frontière, celle du temps, et comme l’utopie, elle est politique dès le départ. Au 19e siècle, les uchronies permettent d’imaginer ce que serait le monde occidental si l’Empire romain ne s’était pas écroulé, si Napoléon avait vaincu, si les rois n’avaient pas perdu la tête, mais au 20e siècle, elles se déplacent vers un point de divergence uchronique quasi unique qui obsède, qui apparaît comme le temps zéro de notre époque: la fin de la Seconde Guerre mondiale. La très vaste majorité des uchronies récentes imaginent ce que serait notre présent après une victoire nazie, si Hitler était mort plus tôt ou s’il était devenu un artiste. Si l’on parle de «ground zero» dans l’imaginaire de la fin (pour parler de la bombe nucléaire ou des attaques du 11 septembre), l’imaginaire uchronique diverge à partir d’un «temps zéro» qui se situe souvent en 1945. Ce choix pourrait s’expliquer de plusieurs manières: une vraie impression qu’il s’agit là d’un moment de basculement majeur; la peur d’un retour du fascisme aujourd’hui; la nostalgie d’une époque sans ambiguïté morale, etc. Aujourd’hui, l’uchronie prend plusieurs formes: individuelle, explorant les enjeux des choix personnels et leurs contingences; économique (Sagan); ou culturelle. Dans ce dernier cas, elle peut offrir la possibilité de ré-imaginer une version de l’histoire avec, au centre de celle-ci, des acteurs autrement marginalisés dans celle de l’Occident, afin de mettre en exergue et de dé-essentialiser cette marginalité.

Un peu moins d’un siècle après l’apparition du mot «uchronie», alors que le genre littéraire est encore en plein essor, Jorge Luis Borges publie «Le jardin aux sentiers qui bifurquent» en 1941, une nouvelle qui utilise la divergence temporelle pour tenter une exploration formelle et fictionnelle encore bien plus vaste: la fiction de mondes parallèles. Et si chacun de nos choix, individuels ou collectifs, était à la source d’uchronies? Si ces uchronies existaient simultanément et opposaient au fatalisme le joyeux chaos de nos libres arbitres? Les auteurs postmodernistes se sont emparés de cette idée comme source de leurs explorations formelles, alors que les auteurs de science-fiction en ont fait des fictions d’idées, des expériences de pensée. D’ailleurs, la science a rapidement rattrapé la littérature, puisque 15 ans après la parution de la nouvelle de Borges, le physicien Hugh Everett proposait une interprétation au problème quantique similaire: et s’il existait un univers où le chat de Schrödinger est vivant et un autre où il est mort? Cette théorie des mondes multiples allait influencer dans les décennies suivantes autant les physiciens que la culture populaire, dans lesquels les multivers ont commencé très tôt à proliférer, autant dans les romans de science-fiction que dans les bandes dessinées, notamment de superhéros. Les mondes multiples permettent à la fiction une sérialisation des possibilités, des recyclages, des prolongements narratifs, mais aussi une prise de contact entre des mondes souvent marquée par l’inquiétante étrangeté, puis par l’échange ou la destruction. Désormais, ce prolongement de l’idée d’uchronie –qui peut alors sembler simpliste puisqu’elle sous-entend qu’un seul événement changerait tout et que seules deux possibilités mutuellement exclusives sont imaginables– la remplace progressivement. Par exemple, le roman uchronique The Man in the High Castle (1962) de Philip K. Dick se transforme en une série télé (2015-2019) de mondes parallèles. De plus, à la fin de la guerre froide, les mondes possibles deviennent une réponse politique et imaginaire au récit néo-libéral initié par Margaret Thatcher et à la fin de l’Histoire décrétée par Francis Fukuyama: il y a bel et bien des alternatives (au libre-marché mondialisé et au conservatisme), il suffit de les imaginer.

Finalement, depuis les années 1980, apparaît une autre version, surtout esthétique, de l’uchronie: le rétrofuturisme. Il ne s’agit plus d’imaginer une temporalité alternative à partir d’un choix ou d’un événement historique différent, mais plutôt à partir d’une évolution technologique et esthétique parallèle et fantasmée, souvent anachronique. En 1983, Lloyd Dunn invente le terme «rétrofuturisme» comme une boutade pour nommer son magazine d’arts graphiques consacré à l’art du plagiat et de la récupération, mais il fait malgré tout école. Dans le rétrofuturisme, on est nostalgique de la vision du futur qu’avaient les gens du passé, en particulier de l’époque victorienne, de ses machines à vapeur et de son anticipation scientifique. On imagine un futur dans laquelle notre présent n’aurait jamais eu lieu, passant directement du passé au futur. D’une certaine façon, ce phénomène peut se comprendre comme une réaction au présentisme et à l’apocalyptisme (futur bloqué), une façon d’échapper à ce présent qui peut ressembler à une prison temporelle.

Dans le cadre de ce colloque, ces trois formes de temporalités alternatives que sont les uchronies, les mondes parallèles et le rétrofuturisme ont été exploré, et leur étude comparée et parallèle a pu révéler un rapport alternatif contemporain à la temporalité. Ces formes sont transdisciplinaires (études littéraires, histoire de l’art, philosophie, science politique) et transmédiatiques (romans, séries télé, films, œuvres hypermédiatiques, etc.) et, malgré leurs origines plus anciennes, continuent d’avoir une pertinence singulière.

Ce colloque a été le premier d’une série de colloques dans le cadre du projet «Temporalités», porté par Hélène Machinal, qui réunit des chercheur.e.s de plusieurs universités françaises et québécoises (Université de Bourgogne, Université de Bretagne occidentale, Université Paris 8, Université Rennes 2, Université de Poitiers, Université de Montpellier, UQAM), mais aussi du pôle du Centre Figura sur la culture populaire contemporaine, sous la direction de Louis-Paul Willis et Antonio Dominguez Leiva.

Communications de l’événement

Irène Langlet

Du «mal de l’avenir» aux «futurs de la nostalgie». Les émotions des temporalités alternatives

En s’appuyant sur l’essai de Boym, The Future of Nostalgia (2012), Irène Langlet propose une approche des temporalités alternatives par les émotions. Flammarion, Quinet ou Valéry formulent par exemple le «mal de l’avenir» qui fait coexister, dans le régime futuriste du tournant du XIXe au XXe siècle, l’enthousiasme pour le progrès avec l’angoisse des disparitions qu’il promet. Dans les dernières années du XXe siècle, le rétrofuturisme puise dans les «futurs passés» (Koselleck) une forme de résistance face à un temps perçu comme bloqué. Ces ramifications ou feuilletages du temps vécu ne sont jamais exempts de mélancolie, comme le dit bien le mot «ostalgie», par exemple (rétrofuturisme lié à la disparition des régimes communistes d’Europe de l’Est). En examinant les futurs par les émotions, on fait apparaître une distribution sociale de ce qu’ils signifient, et on peut défendre l’idée que l’avenir a toujours engagé une temporalité alternative.

Irène Langlet est professeure de littérature contemporaine à l’université Gustave Eiffel. Ses domaines de spécialité sont les littératures non-fictionnelles (comme l’essai littéraire) et la science-fiction, au sujet desquels elle a publié La Science-fiction. Lecture et poétique d’un genre littéraire (2006), L’Abeille et la balance. Penser l’essai (2015), Le Temps rapaillé. Science-fiction et présentisme (2020) et L’Essai médiatique, avec Chloé Conant-Ouaked (2022). Elle a piloté le projet «PARVIS – Paroles de villes» de l’I-Site FUTURE (2019-2022), qui s’intéresse à la ville du futur de façon interdisciplinaire: littérature, arts, musique, architecture, urbanisme, traitement automatique des langues. Elle dirige depuis 2012 ReS Futurae, une revue académique francophone arbitrée consacrée à la science-fiction. Elle prend une part active aux recherches sur les cultures médiatiques, notamment à travers l’association savante Littératures populaires et Cultures médiatiques (LPCM) et la revue internationale en ligne Belphégor.

Cassie Bérard

Contrefaire la mort. Les fictions extrêmes de David Vann

Le sujet de la mort violente dans les écrits de David Vann est abordé dans cette communication où Cassie Bérard s’intéresse à la démarche d’écriture de l’auteur ainsi qu’à son histoire personnelle. Les thématiques récurrentes du danger, des environnements naturels, autant que des humain·es pour leur propre espèce, y sont abordées.

Cassie Bérard est professeure à l’Université du Québec à Montréal, où elle enseigne les théories de la fiction, les théories de la narrativité, et la création littéraire. Elle est également écrivaine; elle a dirigé trois recueils collectifs de fiction parus aux éditions L’instant même au Québec, dont le plus récent s’intitule Le Cas. Quel domaine judiciaire pour la littérature? (2021), et publié quatre romans, dont les deux derniers, La valeur de l’inconnue et L’Équilibre, sont parus aux éditions La Mèche, en 2019 et 2021. Membre de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, elle bénéficie d’une subvention de recherche-création du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture pour son projet intitulé: La condition policière. Exercices de pouvoir et modes de surveillance en littérature narrative.

Stanislas Derrien

«Having no home other than the chronoclastic ether». Temporalité instable et nostalgie réparatrice dans la fiction de Jasper Fforde

Le premier roman de Jasper Fforde, The Eyre Affair (2001), s’ouvre sur ces mots: «My father had a face that could stop a clock.» La mise en application littérale de cette expression idiomatique dans les  mondes parallèles bâtis par l’écrivain britannique contemporain suggère l’existence d’une relation étroite entre l’humour métatextuel ffordien et la notion de temporalité alternative. Toutefois, l’exploitation des  possibilités offertes par l’hybridité générique qui caractérise ses romans sert également, au-delà du ludique, un discours sur l’intime.  Il s’agira de développer une réflexion sur la dimension à la fois ludique et politique du jeu sur l’existence fluctuante et fragile de personnages ou communautés

Stanislas Derrien est doctorant en Études anglophones à l’Université de Bretagne Occidentale et à l’Université d’Orléans, sous la direction de Thierry Robin et Isabelle Le Corff. Sa thèse, intitulée à ce jour «‘Lost in a Good Book’: Forme et idéologie dans la fiction de Jasper Fforde (2001-2020)», interroge notamment les notions de canon et de patrimoine. Il est l’auteur de deux articles publiés en 2022: «‘While humanlike, they are not actually humanful’: hybridité et normativité dans The Constant Rabbit» pour la revue Motifs du laboratoire HCTI, et «Interventionnisme ludique et réparation récréative: du recours à l’histoire contrefactuelle dans la fiction de Jasper Fforde» pour le numéro «Peut-on sauver le passé?» de la revue Cultural Express.

Louis-Paul Willis

Nostalgie des origines? Sur le désir et l’atemporalité dans la série «Dark»

La série Dark (Netflix, 2017-2020) s’impose comme une expérience spectatorielle qui témoigne de tendances actuelles dans l’univers des séries télévisuelles. Plongeant les spectateurs dans la dynamique des narrations complexes contemporaines, où ils sont amenés à se convertir en narratologues amateurs afin de rapiécer les éléments narratifs pour leur donner du sens (Mittell, 2006), la série explore les limites de cette dynamique en faisant intervenir le voyage temporel afin d’exacerber sa complexité narrative. Partant de ce constat, la présente communication s’intéressera à la manifestation de la nostalgie comme mécanisme du désir au sein de la série. Force à la fois génératrice et destructrice, le désir nostalgique de Jonas (Adam), centré sur sa relation impossible avec Martha (Eve), se révèle comme le catalyseur du paradoxe temporel mis en scène dans la série. En se tournant vers les réflexions de Todd McGowan (2011) sur les narrations atemporelles, qu’il perçoit comme marquant le passage d’une logique narrative du désir à une logique de la pulsion, il nous incombera d’examiner le déploiement de cette logique au sein de cette série pour le moins unique.

Louis-Paul Willis est professeur d’études cinématographiques, culturelles et médiatiques au sein de l’unité d’enseignement et de recherche en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Ivan Burel

«The Years of Rice and Salt» de Kim Stanley Robinson. Défendre le progressisme occidental sans l’Occident?

Dans The Years of Rice and Salt (2002), Kim Stanley Robinson efface l’Europe à l’époque médiévale. La peste ayant annihilé les Européens, le continent est conquis par l’Islam. Ce point de divergence sert d’expérience de pensée : la globalisation s’est faite sous l’influence des cultures d’Asie et d’Afrique du Nord. L’évolution politique et sociale est remarquablement proche de notre univers. Ivan Burel montre comment l’auteur se sert de l’uchronie pour rédiger un manifeste progressiste, à rebours de la logique du choc des civilisations, et croyant en une marche de l’humanité vers un futur prometteur. Robinson a-t-il effacé l’Occident et construit une modernité alternative, ou bien a-t-il occidentalisé cet univers, en projetant ses valeurs libérales et progressistes nord-américaines sous un masque extra-occidental?

Ivan Burel est diplômé de Sciences Po Lille, professeur agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine à l’Université de Lille (IRHiS). Ses recherches portent sur la répression des mouvements insurrectionnels en France de la Restauration au Second Empire, sur l’histoire politique et militaire de l’Europe dans la première moitié du XIXe siècle, et mettent aussi en avant les liens entre conquête coloniale et lutte contre les mouvements révolutionnaires européens. Il s’intéresse également aux travaux uchroniques, ayant publié «”Tout devenait grand dans ce siècle.” Napoléon Bonaparte, agent de la fin de l’histoire et fondateur de l’histoire, dans Napoléon apocryphe de Louis Geoffroy» au sein de la revue Les Grandes figures historiques dans les lettres et les arts (2022). Il étudie particulièrement les messages politiques portés par les récits uchroniques, depuis leurs premières occurrences.

Simon Dansereau-Laberge

L’uchronie comme écriture ruiniforme. L’Après de la catastrophe dans «The Yiddish Policemen’s Union» et «L’Avenir»

Nous n’avons pas attendu la crise climatique actuelle pour appréhender l’effondrement de nos sociétés. Que ce soit la crise démographique théorisée (Malthus, 1798) ou l’effondrement des sociétés du Pacifique et de l’Amérique centrale (Diamond, 2005), plusieurs ont tenté des explications à l’extinction des communautés d’hier. Cet intérêt pour les risques passés et futurs irrigue parallèlement les fictions de fin du monde. Or, dans la profusion de ces effondrements spéculatifs, certaines uchronies proposent de (re)faire communauté après la catastrophe. Il s’agira dans cette communication de lire deux textes – The Yiddish Policemen’s Union (Chabon, 2007) et L’Avenir (Leroux, 2020) – portant sur des communautés nord-américaines marginales pour étudier les formes nouvelles de communautés dans les ruines. Dans les deux cas, l’usage d’un jeu de mises à distance et de clins d’œil permet la lecture d’un cadre de référence partagé que je tenterai d’expliciter comme redevable d’un imaginaire contemporain de la résilience communautaire.

Simon Dansereau-Laberge est doctorant en Études littéraires et en Littératures générales et comparées, respectivement à l’UQAM et à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Il s’intéresse à la notion de jeu et de lecture ludique dans les récits contrefactuels (dont l’uchronie) écrits à partir de 1945. Il a publié à ce sujet un article intitulé «Lire l’uchronie comme un jeu: le cas de Mes vrais enfants de Jo Walton» (2021) publié dans la revue ScriptUM. Il termine l’écriture de son premier roman, une uchronie portant sur l’écologie politique américaine intitulée Green Witches. Son texte «Ça fait du bien, c’est des respirations» est paru au sein du recueil Raconter le chômage (2022) dirigé par Vincent Message (Presses universitaires de Vincennes).

Sophie Marcotte

«Mon pays, ce n’est pas un pays…» Le Québec souverain dans «Vies parallèles» et «La Maison-Bleue»

On trouve bien peu de traces du second Référendum sur la souveraineté du Québec, qui s’est tenu en 1995, dans les productions littéraires et culturelles des vingt-sept dernières années. Si on a pu remarquer, dans certaines œuvres, à la suite du premier Référendum de 1980, des signes d’un désenchantement sur le plan politique, c’est plutôt une dépolitisation massive du corpus qui est survenue à partir du milieu des années 1990. Or, deux œuvres récentes, un roman et une série télé, offrent une réécriture de l’histoire du Québec en imaginant que le oui ait triomphé en 1995. Vie parallèles (Boréal, 2022), un roman de Benoît Côté, et La Maison-Bleue (3 saisons; 2020-2022), une série de Ricardo Trogi et Daniel Savoie, inventent en effet un Québec souverain, mais ne correspondant pas au pays idéal(isé) du projet initial. Sophie Marcotte développe sur une réflexion sur ces deux œuvres qui n’abordent pas le pays sous le même éclairage.

Sophie Marcotte est professeure au Département d’études françaises de l’Université Concordia et spécialiste de littérature québécoise des XXe et XXIe siècles. Elle est membre régulière et directrice adjointe du centre Figura. Elle est également cochercheure au sein du partenariat Littérature québécoise mobile, où elle travaille à l’élaboration d’une Histoire des pratiques littéraires numériques au Québec en collaboration avec René Audet, Bertrand Gervais et Mélodie Simard-Houde. Parmi ses plus récentes publications, notons le collectif Archiver le présent. Imaginaire de l’exhaustivité, codirigé avec Bertrand Gervais, sur le point de paraître aux Presses de l’Université Laval.

Shannon Wells-Lassagne

Making it Real/Reel. Newsreel in «The Man in the High Castle» and «The Plot Against America»

Shannon Wells-Lassagne propose d’analyser deux exemples d’uchronie : “et si les nazis avaient gagné”, avec The Man in the Hight Castel, et The Plot against America, deux récits centrés sur une Amérique du Nord influencée par le régime fasciste. Elle aborde entre autres les divergences et similitudes entre ces œuvres, toutes deux des adaptations d’œuvres littéraires, et leur inspirations.

Shannon Wells-Lassagne est professeure des universités à l’Université de Bourgogne (Dijon), où elle travaille notamment sur l’adaptation filmique et télévisuelle. Elle est l’auteur de Television and Serial Adaptation (Routledge), et co éditrice de Adapting Margaret Atwood: The Handmaid’s Tale and Beyond (Palgrave), Filming the Past, Screening the Present: Neo-Victorian Adaptations (WVT Wissenschaftlicher Verlag Trier), et Illustration, Adaptation and Intermediality: New Cartographies (Palgrave, sous presse), entre autres.

Marceau Forêt

Utopie, uchronie, science-fiction. Des temporalités discordantes? Diachronie d’une opposition générique et de sa métabolisation dans les sciences humaines et sociales

Cette communication a pour but d’analyser l’évolution des discours et théories sur ces oppositions et alternances génériques et de comprendre ce qu’elles révèlent de nos rapports au temps. Marceau Forêt tente d’appréhender l’évolution de ces derniers face à l’Anthropocène, au prisme de la construction des genres littéraires et de la socialité des textes avec les sciences (Chassay, 2011) dans une compréhension plus large de leur transtextualité (Genette, 1982). Il se propose de réfléchir au sujet des théorisations, oppositions, et revendications génériques qui seraient révélatrices de nouvelles tentatives de penser les temporalités.

Marceau Forêt réalise une thèse en histoire (U. Lumière Lyon 2) et en études littéraires (UQAM) sur «Les mondes anthropocènes au miroir de la science-fiction. Pour une histoire dialogique des sciences et de la fiction dans le monde francophone des années 1968 à nos jours». Cette thèse fait suite à un mémoire de maîtrise sur la modernité sous le regard de la science-fiction francophone en littérature et en bande dessinée dans lequel il a développé une méthode historienne, nourrie d’outils littéraires et de sociologie de la culture et des sciences, dans une perspective d’approche de la fiction et de ses relations aux sciences. La question des temporalités est au coeur de ses recherches et lui permet autant d’interroger la science-fiction et sa projection narrative, que les sciences et leur nécessité de penser le futur face au changement global.

Gaëlle Debeaux

Vers une cartographie du temps. Multiplication des récits et pensée du temps dans «Cloud Atlas»

Paul Ricoeur, dans Temps et récit, postule que la mise en récit est ce qui permet de résoudre l’aporie, déjà formulée par Saint-Augustin, de notre perception de la temporalité: en effet, le récit, et plus précisément l’intrigue, permettent au lecteur d’expérimenter le passage du temps; le roman, suivant cette analyse, figure voire configure le temps. Cette communication propose, à partir de ce postulat, d’étudier les figurations du temps dans quelques romans de la postmodernité offrant plusieurs récits enchâssés et mettant à mal la linéarité à la fois temporelle et narrative. Gaëlle Debeaux se concentrera en particulier sur Cloud Atlas, roman publié par David Mitchell en 2004 qui présente une pensée du temps véhiculée à la fois par un certain nombre de métaphores présentes dans le récit, et par sa structure même.

Gaëlle Debeaux est maîtresse de conférences en Littérature générale et comparée à l’université Rennes 2, et membre du CELLAM. Ses recherches portent sur les enjeux narratifs des productions de littérature contemporaine (littérature imprimée, littérature numérique), sur l’hybridation médiatique du texte et son implication concernant l’objet livre, et sur les formes de multiplication des récits. Elle s’intéresse en particulier aux domaines anglophones, français et italien.

Hélène Machinal

Et si…. une autre espèce. Fictions de mondes possibles et spéciations divergentes

Hélène Machinal se propose dans cette communication de décliner l’idée de potentialité avec une expérience de penser : “et si ?”. Elle y évoque ces fictions de l’imaginaire, autrement dit la science fiction contemporaine, qui se veut être une alternative proposant un monde possible en réponse au monde néo-libéral plutôt qu’un récit d’anticipation. Il y est question d’espèces, d’espace et de temporalité dans ces narrations science-fictionnelles.

Hélène Machinal est professeure en Études anglophones à l’Université Rennes 2 et membre de ACE (EA 1796). Elle est spécialiste de littérature fantastique, du roman policier et de la fiction spéculative du XIXe au XXIe siècle. Elle travaille par ailleurs sur les séries TV et les représentations du posthumain, plus particulièrement l’imaginaire de la science dans les fictions policières, fantastiques et de SF. Son dernier ouvrage est Le Posthumain paru en 2023 aux Presses universitaires de Clermont-Ferrand. Elle a aussi récemment codirigé avec Lucie Bernard et Sylvie Bauer le dossier «Mutations 3: posthumain et écran», de la revue Otrante en 2022.

Sylvain David

Hypothèses et méta-uchronie. L’épisode «If-Then-Else» de «Person of Interest»

En s’appuyant sur l’épisode «If-Then-Else» de la série Person of Interest, la communication de Sylvain David développera cette idée de la «méta-uchronie» selon trois perspectives  complémentaires: 1) comme représentation visuelle et narrative d’une hypothèse ; 2) comme métacommentaire sur la structure du récit (du fait de révéler les  possible narratifs qui ont été tour à tour éliminés pour parvenir au scénario final); et 3) comme métacommentaire sur les personnages. Le conférence tente de démontrer, une (méta)réflexion sur le principe même de l’uchronie comme «Et si… ?» développé à partir (et à  l’encontre) d’un référent initial.

Sylvain David est professeur au Département d’études françaises de l’Université Concordia, où il enseigne la littérature française du XXe siècle et contemporaine. Il est membre régulier du centre Figura, au sein duquel il est lié au pôle de recherche «Imaginaires populaires contemporains». Il a publié l’essai Cioran. Un héroïsme à rebours (2006) ainsi que les romans Faire violence (2013) et Requiem en punk mineur (2019). Dans le cadre du groupe RADICAL, il a contribué à l’ouvrage collectif Soif de réalité. Plongées dans l’imaginaire contemporain (2018). Il tient, depuis l’été 2016, la chronique «Séries télé» de la revue L’Inconvénient. Il est, depuis juin 2019, directeur de la revue Captures. Ses travaux récents portent sur les liens entre littérature et médias.

Antonio Dominguez Leiva

Généalogies des boucles temporelles

Antonio Dominguez Leiva aborde le sujet de la boucle temporelle autotélique que l’on retrouve sur tous types supports médiatiques fictionnels. Il est question dans cette communication de cycles de répétitions et des concept temporels qui s’opposent et remontent aux origines des conceptions du temps: temps sacré, circulaire et éternel et temps profane du temps historique.

Antonio Dominguez Leiva est professeur de culture populaire au département d’Études littéraires à l’UQAM (Montréal). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la culture populaire contemporaine, dont YouTube Théorie (Ta Mère, 2014), Invasion zombie (Murmure, 2013), Mad Max. L’apocalypse sera motorisée (Murmure, 2016) ou, avec Sébastien Hubier, Schtroumpfologies (Murmure, 2016) et, avec Simon Laperrière, Snuff Movies, naissance d’une légende urbaine (Murmure, 2013) et Éloge de la nanarophilie (Murmure, 2015). Il est aussi spécialiste de l’histoire culturelle de la cruauté et de l’érotisme, à laquelle il a consacré une série d’ouvrages dont Décapitations, du culte des crânes au cinéma gore (PUF, 2004), Esthétique de l’éjaculation (Murmure, 2012), Messaline, impératrice et putain. Généalogie d’un mythe sexuel (Murmure, 2014), Pensionnats sadiques (Murmure, 2014) ou L’amour singe (Harmattan, 2014). Il s’est aussi intéressé à l’histoire des frontières de la catégorie du réel (La vie comme songe. Une tentation de l’Occident, EUD, 2009), le crépuscule des Lumières dans le Manuscrit trouvé à Saragosse (Laberinto imaginario de Jan Potocki, UNED, 2000) et la biographie collective des surréalistes (Sexe, opium et charleston, Murmure, 2007-2011).

André-Philippe Lapointe

Ambiguïté, dualité et simultanéité d’une perspective schrödingerienne

En s’intéressant à deux séries télévisées populaires contemporaines, les deuxièmes saisons de Russian Doll (2022) – à travers l’épisode «Schrödinger’s Ruth» – et de Star Trek: Picard (2022), André-Philippe Lapointe analyse le motif du chat de Schrödinger en montrant comment celui-ci est réinvesti au sein de la fiction et expose la complexité de l’expérience de la temporalité chez les protagonistes. Chaque récit, bien que profondément différent de l’autre, repose sur une mise en tension de la linéarité de la réalité, venant interroger la dualité de leur identité, la persistance du passé dans le présent de la diégèse et la responsabilité à l’égard de l’action individuelle et de l’exploration du temps.

André-Philippe Lapointe a déposé à l’UQAM un mémoire intitulé La fin du superhéros: archétype du héros et son récit initiatique face à l’imaginaire de la fin dans le corpus d’Alan Moore. Il est présentement au doctorat à l’UQAM où il s’intéresse à la récupération culturelle, à la masculinité en crise et aux résistances féministes au sein de l’œuvre du bédéiste britannique. Il a publié plusieurs articles sur Pop-en-stock, participé au podcast éponyme et contribué aux collectifs Le crépuscule des superhéros et Formes et enjeux de la transmission dans les fictions contemporaines pour adolescents et adolescentes. Il a également présenté une trentaine de conférences dans des colloques et en classe; ses analyses portant sur plusieurs figures de la culture populaire, notamment les dinosaures, les zombies, les héros crépusculaires, les guerrières ingouvernables et Disney. Il est également collaborateur au magazine l’Artichaut, où il souligne la bonne santé de la bande dessinée québécoise.

Gaïd Girard

Les temps spectaculaires de Christopher Nolan

Gaïd Girard nous parle du cinéma de Christopher Nolan et de son jeu sur le temps et la discontinuité, plus particulièrement du film Interstellar. Il est question d’images spectaculaires qui compliquent la lecture logique et chronologique, des explorations de la continuité narrative filmique du cinéaste, dont les films mettent en place des lignes de temps parallèles et temporalités alternatives.

Gaïd Girard est Professeure émérite à l’Université de Bretagne occidentale (Brest). Elle est spécialiste de littérature gothique et fantastique (spécifiquement de l’auteur irlandais Sheridan Le Fanu sur lequel elle a publié une monographie chez Champion) et d’arts visuels. Elle est l’autrice de nombreuses contributions sur le cinéma (Kubrick, Roeg, Epstein, Marker). Ces dernières années, elle a plus particulièrement publié sur le cinéma de science-fiction américain des années 1970, ainsi que sur des auteurs comme Eoin McNamee, Stevie Davies, Marge Piercy et William Gibson. Elle fait partie du groupe de recherche brestois sur le post-humain.

Bertrand Gervais

Une promenade en mer. Uchronies privées et lignes brisées en culture de l’écran

Bertrand Gervais évoque des situations et phénomènes de notre quotidien, comme l’oubli, ce moment perdu dont il n’est pas possible de déterminer l’origine comme une boîte noire au contenu inconnu. Il est question de ces uchronies privées, perturbation temporelle quotidienne que le chercheur met en relation avec l’écran et les outils informatiques qui potentiellement génèrent des situations uchroniques.

Bertrand Gervais est le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques, ainsi que le directeur du NT2, le Laboratoire de recherche sur les œuvres hypermédiatiques. Il est professeur titulaire au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Il a fondé et dirigé Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire de 1999 à 2015. Il a publié des essais sur la lecture, la littérature américaine, l’imaginaire et le numérique, de même que des romans, récits et nouvelles. Son essai Un défaut de fabrication. Élégie pour la main gauche (Boréal, 2014) a été finaliste aux Prix du Gouverneur général. Son plus récent roman s’intitule La dernière guerre (XYZ, 2017).

Victor-Arthur Piégay

No «no future!» Le paléofuturisme conservateur de Dr. Stone

Au carrefour de l’anticipation, du voyage dans le temps, de la fiction préhistorique et du récit survivaliste, le manga Dr. Stone scénarisé par Riichiro Inagaki et dessiné par Boichi illustre une forme étonnante de rétrofuturisme. Dans cette communication, Victor-Arthur Piégay questionne le paléofuturisme de Dr. Stone, lequel trouve principalement à s’incarner dans les multiples fétiches – smartphone, automobile, drone, etc. – de l’époque à laquelle il s’agit perpétuellement de faire référence: la nôtre.

Victor-Arthur Piégay est Maître de conférences en Études Culturelles à l’Université de Lorraine où il se consacre à l’étude des cultures de jeunesse et de masse (littérature adolescente et jeunes adultes, séries télévisées, mangas et anime, pratiques ludiques…). Ses recherches actuelles portent notamment sur les fictions scolaires et les représentations des mondes sans adultes. Il est le co-directeur, avec Matthieu Freyheit, de la revue en ligne Cultural Express.

Anne Besson

Le Moyen Âge comme fiction. Réflexions sur les passés imaginaires de la fantasy

Cette proposition de communication s’appuie sur des travaux collectifs récents qu’elle entend prolonger sur le versant théorique: ceux-ci ont porté sur le «médiévalisme» – la (re)création du Moyen Âge par les époques qui l’ont suivi – avec le Dictionnaire du médiévalisme à paraître en septembre 2022, et sur les rapports entre fantasy et périodes historiques, avec le premier volume de la collection «Fantasy et Histoire» consacré au Moyen Âge, à paraître en mai 2023.

Anne Besson est Professeure de Littérature Comparée à l’Université d’Artois (Arras), spécialiste des ensembles romanesques et des constructions de mondes dans les genres de l’imaginaire. Elle a animé les MOOC Fantasy et Science-Fiction, coordonné une vingtaine d’ouvrages collectifs, dont le Dictionnaire de la Fantasy (2018) et assuré la direction scientifique du site de la BnF Fantasy, retour aux sources. Son ouvrage le plus récent, Les Pouvoirs de l’enchantement : usages politiques de la science-fiction et de la fantasy est sorti en 2021 aux éditions Vendémiaire.

Jessy Neau

Recompositions géopolitiques et esthétiques de l’ère victorienne avec la gaslamp fantasy

Dans la Gaslamp fantasy, sortilèges et créatures féériques s’intègrent dans une urbanité évoquant le Londres de la deuxième moitié du XIXe siècle. Le monde de la Gaslamp est le produit d’une autre ère victorienne, dans laquelle la magie a droit de cité et d’importantes altérations géopolitiques ont eu lieu. Des événements comme la Révolution française, les campagnes napoléoniennes ou la guerre franco-prussienne ont souvent connu d’autres résolutions, que la magie ait produit cette bifurcation de l’Histoire ou qu’elle en soit le résultat. Cette Histoire alternative (la pertinence de l’application du terme « uchronie » à des objets de type Fantasy reste à débattre) entraîne un grand mélange des époques, y compris sur le plan esthétique.

Maîtresse de conférences en littératures comparées à l’université de Mayotte et membre du RIRRA21 à l’université Montpellier 3, Jessy Neau s’intéresse à la littérature et au cinéma fantastique dans les aires francophones, anglophones et slaves. Sa thèse, soutenue en 2017 (en cours de publication) a porté sur les adaptations cinématographiques de Wojciech Has. Ses publications les plus récentes portent sur l’adaptation et l’intertextualité dans les productions néo-victoriennes.

Laure Lévêque

Quand les aiguilles tournent à l’envers. «L’Horloge des siècles» d’Albert Robida ou le progrès dans la régression

Laure Lévêque s’intéresse à l’écrivain Robida et son roman atypique L’Horloge des siècles, qui temps de la fiction et de la narration. La chercheuse s’intéresse entre autres aux difficiles négociations engagée par Robida avec son temps comme avec lui-même pour, au-delà du paradoxe, rouvrir l’avenir. Roman d’alerte, L’Horloge des siècles donne aujourd’hui encore l’heure juste en montrant de quels enjeux politiques sont tissus les options néolibérales et l’urgence de les réviser pour que l’horloge du titre n’évolue pas en Doomsday Clock.

Laure Lévêque, Professeure de Littérature française à l’Université de Toulon (France), travaille sur l’écriture de l’histoire dans le long XIXe siècle et s’intéresse notamment à la part des élaborations imaginaires et idéologiques dans la transmission et la construction des référents culturels, aux recompositions symboliques qui travaillent l’imaginaire des sociétés et les idéologies du pouvoir, qu’elle aborde dans une perspective résolument transdisciplinaire. Elle a notamment publié Le Roman de l’Histoire. 1780-1850 (L’Harmattan, 2001), Penser la nation. Mémoire et imaginaire en révolutions (L’Harmattan, 2011), Jules Verne, un lanceur d’alerte dans le meilleur des mondes (L’Harmattan, 2019), Rome et l’histoire. Quand le mythe fait écran (avec Monique Clavel-Lévêque, L’Harmattan, 2017) et, en codirection avec Anita Staroń, Pour une histologie de la crise (Effigi, 2021).

Fleur Hopkins-Loféron

Vanitas Vanitatum. Les spectateurs du temps qui passe dans les récits merveilleux-scientifiques

Contre toute attente, les récits de voyages temporels sont rares dans le corpus merveilleux-scientifique. Les récits merveilleux-scientifiques se concentrent plutôt sur la visibilité du temps qui passe et, avec elle, le tragique de ne plus pouvoir agir sur ces événements révolus. Tout en prenant soin de revenir sur les origines scientifiques (vitesse de déplacement de la lumière, chronophotographie) et métapsychiques (psychométrie, chronoscopie) du motif de la visibilité du temps qui passe, cette exploration mettra l’accent sur l’implication formelle de ce thème, qui fait du protagoniste un spectateur et non pas un voyageur du temps, et la manière dont ce nouveau point de vue de Sirius participe d’une forme de vanité.

Fleur Hopkins-Loféron consacre ses travaux à l’étude de la diffusion des sciences et parasciences dans la culture populaire, littéraire comme visuelle, de la première moitié du XXsiècle. Sa thèse, récompensée par le prix SHS PSL 2020 et à paraître chez Champ Vallon, s’est concentrée sur l’exhumation d’un genre littéraire français méconnu, le merveilleux-scientifique. Cette recherche a donné lieu à de nombreux articles, ainsi qu’à une exposition à la Bibliothèque nationale de France en 2019. Elle dirige aussi la collection « Fantascope » chez l’Arbre vengeur, consacrée à la réédition de textes d’imagination scientifique. Son postdoctorat CNRS, qu’elle poursuit actuellement au sein du laboratoire THALIM, explore l’émergence et le succès d’une forme de néo-fakirisme dans les arts du spectacle et la culture médiatique française dans les années 1880-1930. Elle travaille actuellement à l’étude du roman populaire occulte, aux liens entre covid-19 et science-fiction ainsi qu’à la diffusion de l’imaginaire scientifique dans les illustrés jeunesse des années 1900-1930. Elle est par ailleurs critique cinéma et séries pour la revue La Septième Obsession.

Marie Sommer

Ruines du futur

La publication DEW-Line Sites (Sommer, 2021) questionne l’abandon de dispositifs militaires à l’architecture futuriste, devenus obsolètes. Ces structures, dédiées à une technologie abandonnée, continuent à nous regarder depuis une époque anté-numérique. À travers plusieurs propositions artistiques contemporaines qui traitent d’artefacts de la guerre froide, cette communication explorera les liens qui unissent la ruine au rétrofuturisme.

Photographe et vidéaste, Marie Sommer a notamment exposé au Deichtorhallen à Hambourg, à la Fondation Gulbenkian à Paris et au Kyoto Art Center. Ses travaux ont été publiés en 2010 Teufelsberg (Filigranes & Le BAL), et en 2020 une île (Filigranes) et Dew-Line Sites en 2021 (CNA). Elle est actuellement artiste-chercheuse au sein du groupe de recherche international et interdisciplinaire Archiver le Présent, qui explore l’imaginaire de l’exhaustivité dans les productions culturelles contemporaines.

Elaine Després

Du passé aux futurs. Temporalités, sérialité et déphasage dans «Devs» d’Alex Garland

Dans le cadre de cette communication, Elaine Després propose d’analyser la mini-série Devs d’Alex Garland dans la perspective des temporalités multiples, de la sérialité et de la répétition en explorant explorer un certain nombre d’aspects formels qui rendent l’approche sérielle originale et donne à l’œuvre sa matrice. Elle propose d’adopter trois questions complémentaires comme hypothèse : Le temps est-il linéaire et l’univers déterministe? Les moments de traumatismes, de deuils et de choix (en tant qu’exercice du libre arbitre) déclenchent-ils une multiplication des temporalités alternatives? Est-il plus rassurant de vivre dans un monde déterministe qui nous déresponsabilise ou de vivre dans un monde aux multiples possibles, en sachant que d‘autres versions de nous-mêmes ont fait des choix différents? Afin d’explorer cette hypothèse, elle étudie des procédés spécifiques et leur utilisation narrative et diégétique comme la récurrence des simulations, les images-échos, les surimpressions et la polyphonie.

Elaine Després est professeure associée et coordonnatrice du Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire Figura à l’UQAM. Ses recherches portent sur les représentations fictionnelles de la science dans une perspective sociocritique et épistémocritique. Après une thèse sur les savants fous en littérature, publiée au Quartanier en 2016, elle a notamment travaillé sur le posthumain (PUM, 2020), les dystopies, l’imaginaire post-apocalyptique, la science-fiction et les séries télé.

Lisa Haristoy

«Junkies stoned on history». Échapper au présent dans «The Tiger Flu» de Larissa Lai

The Tiger Flu (2018) de l’écrivaine canadienne Larissa Lai est un roman de fiction spéculative situé dans un monde futur, en l’an 2145 du calendrier grégorien ; où La romancière projette une temporalité alternative, celle d’un monde sans pétrole, ressource phare de la révolution industrielle, où le capitalisme néolibéral n’a pas faibli pour autant. Cette communication propose d’explorer la façon dont le roman présente le passé comme une réalité alternative au présent, et l’immobilisme présentiste (Hartog 2003) que cela dénonce.

Lisa Haristoy est doctorante en littérature anglophone au sein du laboratoire HCTI et travaille sous la direction d’Hélène Machinal. Elle est l’autrice d’un mémoire de master intitulé Le vivant à l’épreuve de la société de consommation: biopolitique et écoféminisme dans la trilogie MaddAddam de Margaret Atwood. Sa thèse, Le temps et l’histoire dans la littérature dystopique féministe contemporaine, porte sur un corpus de romans états-uniens, canadiens et britanniques analysés à la lumière, entre autres, du posthumanisme, du féminisme cyborg et de l’écoféminisme.

Sylvie Bauer

«What do you do with all these tenses, these continuous misplacements in time?» Collisions temporelles entre passé décomposé et futur désincarné dans «Skin Elegies» de Lance Olsen

Sylvie Bauer nous parle de la temporalité alternative désenchantée dans le roman Skin Elegies (2021) de Lance Olsen, dont la forme est peu traditionnelle, fragmentée en période qui se succèdent sur un mode aléatoire. Des événements historiques annoncés par leurs dates recoupent des voix de protagonistes “lambdas” et de leurs histoires personnelles.

Sylvie Bauer est professeure de littérature américaine (États-Unis) à l’Université Rennes 2, où elle est rattachée à l’unité de recherche Anglophonie Communautés Écritures (ACE). Son travail de recherche porte plus précisément sur la littérature américaine contemporaine, sur les figures de l’humain, la question du corps et l’univers immoral du langage. Elle travaille également sur les questions posées par un contemporain marqué par le rapport du sujet à la machine et s’intéresse au rapport entre technologie, corps et langue. Elle est l’auteur d’une monographie sur l’œuvre de Walter Abish et d’articles sur les romans de Percival Everett, Colson Whitehead, Donald Barthelme, Steve Tomasula, Philip Roth, et plusieurs autres.

Jean-François Chassay

Galileo au pays des merveilles (mathématiques)

Jean François Chassay tisse des liens entre Galileo’s Dream, le roman de Kim Stanley Robinson, l’histoire de Galilée et son invention du télescope, ainsi que de la Mission Juice (Jupiter Icy Moons Explorer). Il est question entre autres des effets culturels de la science, et de sa démystification par le biais de la fiction.

Jean-François Chassay est professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal depuis 1991. Il s’intéresse en particulier à l’imaginaire scientifique et à la place de la science dans la fiction et le discours social. Il a publié une trentaine de livres (fictions, essais, anthologies, actes de colloque). Il a codirigé la revue Spirale (1986-1991) et dirigé la revue Voix et Images (1998-2001).

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