Cahiers de l'IREF, numéro 04, 2012

La traite des femmes pour l’exploitation sexuelle commerciale: entre le déni et l’invisibilité

Sandrine Ricci
Lyne Kurtzman
Marie-Andrée Roy
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«Depuis le tournant du XXIe siècle, la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle commerciale a pris une ampleur considérable à travers le monde. Cette situation découle de la mondialisation des marchés et de l’essor des nouvelles technologies de la communication, qui ont permis aux mafias locales, régionales et internationales, d’étendre leurs réseaux d’affaires pour intensifier l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, afin d’alimenter une industrie du sexe en pleine expansion. Par «industrie du sexe», nous comprenons l’ensemble des activités –légales ou illégales– d’individus ou d’entreprises qui exploitent à des fins commerciales la nudité et la sexualité d’une personne, généralement une fille ou une femme, dans divers contextes: prostitution de rue, tourisme sexuel, pornographie, mariages forcés ou par correspondance, téléphone ou internet, ainsi que dans différents lieux tels que bars de danseuses nues, agences d’escortes, peep-shows, bordels, salons de massage érotique, agences matrimoniales, etc.»

Remerciements

Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier de :

  • Condition féminine Canada (CFC)
  • Alliance de recherche IREF/Relais-femmes sur le mouvement des femmes québécois (ARIR) financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)
  • PAFARC volet II Services aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal
  • Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) 
  • Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’Université du Québec à Montréal
  • Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS)
  • Marche mondiale des femmes (MMF) – volet international
  • Réseau québécois en études féministes (RéQEF) financé par le Fonds de recherche Société et culture du Québec (FRSCQ)
  • Secrétariat à la Condition féminine du Gouvernement du Québec

Nous remercions particulièrement nos groupes partenaires dans l’élaboration et la conduite de la recherche, le Regroupement des CALACS, la Marche mondiale des femmes – volet international, puis la CLES dont les représentantes Michèle Roy, Diane Matte et Yolande Geadah : leur apport a été précieux tout au long de la recherche. 

Nos mercis vont aussi à des personnes dont la collaboration ou l’appui a été précieux:

  • Agnès Billa
  • Isabelle Courcy
  • Francine Descarries
  • Louise Dionne 
  • Sophia Grabowiecka
  • Anahi Morales-Hudon
  • Rhéa Jean
  • Aurélie Lebrun
  • Ginette Plamondon
  • Geneviève Szczepanik
  • Hélène Van Nieuwenhuyse

Enfin, nous exprimons toute notre gratitude aux personnes qui ont bien voulu partager leur expérience avec nous, spécialement aux femmes, nos semblables, qui ont subi la violence dont il est question dans cette étude.

Articles de la publication

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Introduction. La traite des femmes pour l’exploitation sexuelle commerciale

C’est dans le contexte de ce difficile débat qu’un partenariat université-communauté s’est formé à l’UQAM avec pour objectif de documenter la traite à des fins d’exploitation sexuelle au Québec, un phénomène qui était alors très peu connu et perçu comme inexistant au Canada et au Québec, mais que des organisations internationales décrivaient comme un délit grave et en voie de devenir un problème mondialisé.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 1. Méthodologie

Notre démarche de recherche à visée compréhensive a nécessité le recours à diverses approches associées aux méthodes qualitatives. Nous nous sommes appliquées, d’une part, à cerner les processus et les dynamiques à l’œuvre dans le phénomène de la traite et, d’autre part, à comprendre les différentes facettes de l’expérience vécue par les femmes touchées par la traite au Québec afin de proposer des stratégies d’intervention adaptées.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 2. Repères théoriques

Deux principales pistes conceptuelles guident notre réflexion critique: le patriarcat et le capitalisme néolibéral. Dans un premier temps, nous esquissons les contours du nouvel ordre patriarcal qui prend place dans nos sociétés. Nous proposons quelques pistes de réflexion sur la difficile question du consentement et sur le mode de reproduction du sexage. Dans un deuxième temps, nous présentons quelques caractéristiques du capitalisme néolibéral en contexte de mondialisation des marchés et examinons ses liens avec le développement de l’industrie du sexe et de la traite. Enfin, nous présentons les logiques politiques à l’œuvre dans les deux principales postures sur la prostitution inscrites pour l’une, dans le courant abolitionniste, et, pour l’autre, dans le courant réglementariste. Nous terminons ce chapitre avec quelques éléments à retenir.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 3. Les facteurs déterminants dans la traite des femmes

Dans ce chapitre, nous passons en revue les principaux éléments reconnus pour leurs effets directs sur l’augmentation du problème, en lien avec «la nécessité d’alimenter les marchés locaux de prostitution», ce qui pose forcément la question de la demande (Conseil du statut de la femme, 2002: 20). Nous soulignons ainsi le rôle de la demande grandissante pour de nouvelles «marchandises» dans l’industrie du sexe.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 4. Le contexte juridico-politique

Ce chapitre est consacré à une présentation synthétique des principaux instruments juridiques internationaux et canadiens concernant la traite, sachant que la lutte contre ce crime constitue un domaine de compétence fédérale. Il évoque aussi l’impact des poursuites en justice relatives à la prostitution et à la dérèglementation de l’industrie du sexe, dont le récent jugement «Bedford», et relate quelques cas de condamnations pour traite au Québec et en Ontario.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 5. Les milieux policiers et la lutte contre la traite

Le présent chapitre expose les résultats de notre enquête sur les initiatives des milieux policiers et leur compréhension de la traite aux fins d’exploitation sexuelle. Le phénomène de la traite à des fins d’exploitation sexuelle est appréhendé différemment selon les corps de police qui interviennent, en fonction des niveaux de juridiction de ceux-ci et des dispositions légales qu’ils sont appelés à appliquer.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 6. Les perspectives du secteur communautaire

Les organismes communautaires constituent un vaste réseau de défense des droits et de soutien offrant une gamme diversifiée de services aux citoyens et citoyennes du Québec. Orientée vers le changement social, leur action s’adresse bien souvent à celles et ceux qui apparaissent parmi les plus vulnérables, notamment à la traite, dont les filles et les femmes prostituées, aux prises avec des problèmes de violence et de dépendance à la drogue, les personnes migrantes ou appartenant à des minorités ethnoculturelles ou racisées, lesquelles connaissent des difficultés variées, liées à leur statut d’immigration ou à leur intégration au Québec. Nous avons donc fait appel aux travailleuses en milieu communautaire afin d’identifier les différents acteurs et actrices de la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle, d’améliorer notre connaissance des marchés du sexe et d’appréhender les forces structurelles en présence. Parfois, nous avons aussi sollicité ces personnes afin qu’elles nous mettent éventuellement en contact avec des femmes trafiquées.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 7. Trajectoires de vie dans l’industrie du sexe

Ce chapitre présente des cas de femmes trafiquées ou exploitées dans l’industrie du sexe au Québec et au Canada. Quatre d’entre eux nous renseignent sur des expériences de la traite à des fins d’exploitation sexuelle vécues par les femmes migrantes ou sur leur connaissance de ce problème, tandis que quatre autres cas nous informent sur la traite locale de jeunes femmes originaires du Québec et nous offrent un regard empirique sur l’industrie du sexe au Québec.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 8. Analyse des témoignages: des leurres du recrutement à l’exploitation sexuelle

Le présent chapitre analyse les propos ou les expériences des femmes dont nous avons présenté les trajectoires individuelles au chapitre précédent, et qui ont, pour la plupart, fait l’objet de traite à des fins d’exploitation sexuelle au sein de différents secteurs d’activités de l’industrie du sexe, le plus souvent sur le territoire du Québec. Nous intégrons également quelques résultats de recherche issus de deux entretiens réalisés auprès de Luc et Paul, acteurs «multifonctions» de l’industrie du sexe, initialement contactés pour agir comme intermédiaires auprès de femmes potentiellement trafiquées.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 9. Les obstacles rencontrés pour s’affranchir de l’esclavage sexuel

Se défaire de ce joug s’est avéré très difficile et l’incarcération du proxénète s’est avérée instrumentale à cet égard, démontrant les risques de la décriminalisation que certains-es revendiquent. Les lendemains de ces arrestations s’avèrent pourtant difficiles car, libérées de leur pimp, les femmes aux prises avec l’esclavage sexuel ont perdu tous leurs repères. Soulignons l’état psychologique et physique déplorable dans lequel elles se trouvent après des semaines, des mois, voire des années d’esclavage sexuel.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Chapitre 10. Bilan analytique: le dispositif de violence à l’oeuvre dans la traite prostitutionnelle

La traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle est le fait d’organisations et d’individus qui alimentent le marché du sexe, souvent par l’intermédiaire d’agences, dans des établissements ayant pignon sur rue, comme des bars de danseuses nues, des salons de massage, des hôtels, des lieux discrets comme des bordels dans des résidences privées ou encore dans le contexte de la prostitution de rue ou des activités des compagnies de productions pornographiques. Souvent reliée au crime organisé, cette industrie du sexe utilise la vulnérabilité de femmes et de jeunes filles désirant échapper à des conditions de vie difficiles pour en tirer des revenus considérables. Le dispositif de violence à l’œuvre dans ce type de traite qu’il convient d’appeler de l’esclavage sexuel à des fins commerciales permet la reproduction des rapports de domination et d’exploitation.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Conclusion générale

Avec cette recherche, nous avons développé une meilleure connaissance de la réalité de la traite prostitutionnelle au Québec en documentant concrètement la question à partir des connaissances ou des perceptions qu’en ont les principaux acteurs et actrices institutionnels et communautaires, incluant les propos ou récits de femmes victimes de traite.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Recommandations pour une stratégie concertée de lutte contre la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle

Toutes les femmes se doivent d’être solidaires dans la lutte contre l’exploitation sexuelle car du point de vue des prostitueurs, clients et proxénètes, toutes les femmes sont potentiellement à vendre ou à acheter, le corps des femmes étant de facto considéré comme une «ressource naturelle inépuisable», à haute valeur marchande.

Il est urgent d’agir.

Diane Matte

Annexe. Une pratique de mobilisation: la concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle

Composée d’individus et d’organismes s’opposant à la banalisation de la prostitution, la CLES fait désormais partie du paysage des groupes communautaires et féministes du Québec, et ce, à partir d’une approche féministe abolitionniste. La CLES intervient à trois niveaux: la prévention de l’entrée dans la prostitution, les services directs auprès des femmes et la défense des droits des femmes dont celui de ne pas être prostituées.

Lyne Kurtzman, Sandrine Ricci & Marie-Andrée Roy

Bibliographie

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