Article IREF

Introduction. La traite des femmes pour l’exploitation sexuelle commerciale

Sandrine Ricci
Lyne Kurtzman
Marie-Andrée Roy
couverture
Article paru dans La traite des femmes pour l’exploitation sexuelle commerciale: entre le déni et l’invisibilité, sous la responsabilité de Sandrine Ricci, Lyne Kurtzman et Marie-Andrée Roy (2012)

Depuis le tournant du XXIe siècle, la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle commerciale a pris une ampleur considérable à travers le monde. Cette situation découle de la mondialisation des marchés et de l’essor des nouvelles technologies de la communication, qui ont permis aux mafias locales, régionales et internationales, d’étendre leurs réseaux d’affaires pour intensifier l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, afin d’alimenter une industrie du sexe en pleine expansion. Par «industrie du sexe», nous comprenons l’ensemble des activités –légales ou illégales– d’individus ou d’entreprises qui exploitent à des fins commerciales la nudité et la sexualité d’une personne, généralement une fille ou une femme, dans divers contextes: prostitution de rue, tourisme sexuel, pornographie, mariages forcés ou par correspondance, téléphone ou internet, ainsi que dans différents lieux tels que bars de danseuses nues, agences d’escortes, peep-shows, bordels, salons de massage érotique, agences matrimoniales, etc.

 

1. Définition de la traite à des fins d’exploitation sexuelle

La traite des personnes touche pratiquement tous les pays, comme lieu de recrutement, de destination ou de transit. Des êtres humains sont trafiqués dans de multiples situations impliquant ou non de l’exploitation sexuelle, que l’on associe désormais à de l’esclavage «moderne» ou «contemporain» (Miers, 2005). De fait, la traite a différentes fins, d’exploitation sexuelle, mais aussi de prélèvement d’organes, de mariage forcé ou par correspondance, d’exploitation dans les secteurs agricole, manufacturier ou du soin à autrui (care), incluant le service domestique.

Le Protocole dit de Palerme (ONU, 2000) constitue le plus récent instrument international concernant la traite des personnes1 Le Protocole de Palerme fait l’objet d’une présentation détaillée au chapitre 4. Il est consultable en ligne: http://www2.ohchr.org/french/law/pdf/protocoltraffic_fr.pdf (consulté le 16 avril 2012). L’Assemblée générale des Nations Unies l’a adopté en 2000 dans le cadre de la Convention contre la criminalité transnationale organisée2 La Convention en ligne: http://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/TOC%20Convention /TOCebook-f.pdf et les pays signataires: http://treaties.un.org/doc/publication/mtdsg/volume%20ii/chapter% 20xviii/xviii-12-a.fr.pdf (consulté le 27 juillet 2011) pour régir la traite des femmes et des enfants. La définition que nous proposons de la traite à des fins d’exploitation sexuelle (sex-trafficking, en anglais), que nous pouvons nommer aussi traite à des fins de prostitution ou traite prostitutionnelle, s’inspire de l’article 3 du Protocole de Palerme, des travaux de Louise Langevin et Marie-Claire Belleau (2000) et résulte de nos propres analyses développées au cours de la recherche.

Définition

Par les autrices de l’article

Depuis la loi canadienne C-49 de 2005 sur la traite et en vertu de l’article 3 du Protocole de Palerme, qui en est sans aucun doute l’élément le plus controversé, le consentement d’une victime ne peut être invoqué pour disculper les trafiquants ou les proxénètes lorsque l’un des moyens plus haut mentionnés a été utilisé. Comme le résume la figure qui suit 3 Ce schéma a été inspiré par une démarche similaire des Nations Unies présentée sur le site http://www.unodc.org/unodc/en/human-trafficking/what-is-human-trafficking.html (consulté le 31 octobre 2012), la traite à des fins prostitutionnelles comporte donc les trois éléments suivants: l’acte, c’est-à-dire ce qui est fait; les moyens ou comment cela est fait, et le but: l’exploitation sexuelle.

FIGURE I-1

La traite à des fins d’exploitation sexuelle

Par les autrices, 2012

Malgré la proximité des termes, il faut distinguer la traite des êtres humains (trafficking en anglais) du trafic, c’est-à-dire l’introduction clandestine de migrants ou de migrantes (smuggling en anglais)4 Dans le cadre de notre recherche, après avoir d’abord employé le terme «trafic sexuel» (Roy, 2005; Van Nieuwenhuyse, Hélène, 2004; Kurtzman et Matte, 2003), nous avons retenu l’expression «traite à des fins d’exploitation sexuelle» pour signifier clairement que notre objet d’étude concerne le déplacement local et international de femmes pour la prostitution. Certaines de sources et de nos répondantes peuvent utiliser le terme trafic au lieu de traite.. Dans les cas de trafic, les migrants et les migrantes donnent leur « consentement » au(x) passeur(s) pour qui le profit du passage clandestin vient à terme lorsque la personne migrante arrive à destination. Dans les cas de traite, il n’y a pas de consentement et l’exploitation de la victime considérée comme une marchandise continue une fois arrivée à destination, par des moyens légaux ou illégaux. De plus, le trafic implique un passage clandestin de frontière et est donc nécessairement transnational, tandis que la traite peut être internationale, mais aussi nationale ou locale, c’est-à-dire que les trafiquants peuvent déplacer les personnes d’une région à une autre, à l’intérieur d’un même pays. Même s’il s’agit de deux phénomènes distincts, il arrive fréquemment que traite et trafic se chevauchent, c’est-à-dire que des cas d’introduction clandestine se transforment en situation de traite dans le pays de destination, souvent à des fins d’exploitation sexuelle, sur une période variable. Il importe aussi de préciser que les pratiques de trafic ne sont pas toujours exemptes d’exploitation sexuelle pendant le déplacement clandestin.

 

2. L’ampleur du phénomène

En matière de traite des êtres humains, phénomène illégal et clandestin par excellence, les chiffres demeurent des estimations. Ils varient considérablement selon les sources et sont dès lors à considérer avec prudence. Plus de douze millions d’adultes et d’enfants seraient victimes de traite à l’échelle mondiale, essentiellement à des fins de travail forcé et de prostitution (US Department of State, 2010). Il y a quelques années, les Nations Unies (2000: 25) considéraient que ce phénomène affectait globalement 4 millions de personnes par an, toutes catégories de traite confondues; la traite à des fins d’exploitation sexuelle constituant 79% de l’ensemble des cas, selon l’Office contre la drogue et le crime de cette même institution (ONUDC, 2009). Une étude sur la traite réalisée en 2004 par la Gendarmerie Royale du Canada (GRC, 2004) estime que de 700 000 à 4 millions de personnes sont victimes de traite dans le monde (Oxman-Martinez, Lacroix et Hanley, 2005). Plus souvent citée dans les écrits sur la traite, l’Organisation internationale du travail (OIT) calcule pour sa part qu’environ 1,7 million de personnes sont victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales (forced commercial sexual exploitation), principalement des femmes et des enfants (Besler, 2005).

D’après l’étude de Lynn McDonald, Brooke Moore et Natalya Timoshkina (2000), entre 8 000 et 16 000 migrantes et migrants font annuellement l’objet de traite au Canada. Citée dans la recherche de Jacqueline Oxman-Martinez, Marie Lacroix et Jill Hanley publiée en 2005, la GRC évaluait alors à 3 600 le nombre annuel de victimes au Canada. Les mêmes auteures estiment «de façon conservatrice» que le Canada constitue une porte d’entrée pour la traite à des fins d’exploitation sexuelle d’approximativement 600 femmes et enfants chaque année. En outre, toujours selon la GRC, entre 1 500 et 2 200 personnes sont également victimes de traite en transit vers les États-Unis, dont plus de 40% sont probablement destinées au marché du sexe5 Nous basons cette estimation sur la répartition établie par la GRC entre les différentes formes de traite au Canada: 600 personnes (42,9 %) sont destinées au marché du sexe et 800 personnes (57,1%) aux autres marchés domestiques..

Les données relatives au nombre de permis de séjour temporaire (PST) délivrés par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) peuvent nous renseigner sur les ressortissantes étrangères possiblement trafiquées au Canada. Pour la seule année 2010, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a délivré 55 PST à 47 personnes d’origine étrangère victimes de la traite; tandis que de mai 2006 à décembre 2010, un total de 120 PST ont été octroyés à 68 individus ayant ce profil (Ministère de la Justice Canada, 2011). Chercheur à l’Université de Colombie-Britannique6 Voir le site de The Future group, un organisme fondé par Perrin : www.thefuturegroup.org (consulté le 24 février 2012), Benjamin Perrin (2010) a répertorié 31 cas de traite d’êtres humains identifiés par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) entre 2006 et 20087 CIC a commencé à consigner les cas de traite dans sa base de données en mai 2006, suite à l’introduction de mesures visant à protéger les personnes ressortissantes étrangères exploitées dans le commerce du sexe et du travail forcé.. Les quatre premiers pays sources des victimes étaient la Roumanie, les Philippines, la Moldavie et la Chine. Le chercheur estime que ces trente et un cas repérés ne représentent qu’une fraction des victimes de traite qui sont amenées au Canada pour y être exploitées, généralement dans le commerce du sexe ou du travail forcé.

On peut donc constater à quel point il est périlleux d’estimer le nombre de victimes de la traite, d’autant que les données tendent, d’une part, à amalgamer tous les types de traite et, d’autre part, à ne pas tenir compte de la traite locale à des fins d’exploitation sexuelle touchant des femmes déplacées d’un bout à l’autre d’un pays ou d’une région. Il est néanmoins un fait incontesté : la traite des êtres humains représente un phénomène mondial en hausse constante, à l’instar d’un marché du sexe en pleine expansion. Europol (European Police Office) considère ainsi la traite comme le secteur d’activités criminelles qui connaît la plus forte croissance à l’échelle mondiale (“the fastest growing criminal business in the world”), générant des profits énormes (Europol, 2006: 7). Les Nations Unies estiment que les trafiquants engrangent de 7 à 10 milliards de dollars annuellement grâce à la traite des personnes8 A Human Security Crisis of Global Proportions, en ligne, www.thefuturegroup.org (consulté le 6 novembre 2009).

 

3. La difficulté à cerner la traite

Tout au long de notre recherche, nous avons connu plusieurs obstacles au développement d’une meilleure connaissance de la réalité québécoise de la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle. Un obstacle important a trait à l’omerta qui entoure la traite en raison du contexte de clandestinité et d’illégalité qui caractérise ce phénomène. La présence du crime organisé dans l’industrie du sexe, ses liens entrecroisés avec les réseaux de la drogue, les craintes légitimes de représailles contre les femmes trafiquées, y compris le risque de l’expulsion quand il s’agit de traite internationale, de même que les intérêts de tous ordres, spécifiques tant aux milieux professionnels ou institutionnels, qu’à l’industrie du sexe, sont autant de facteurs bien réels qui bloquent l’accès à des informations ou à des renseignements.

Un deuxième facteur contrarie l’accès à l’information: le tabou lié à la violence masculine envers les femmes et à la prostitution qui est présent dans toutes les cultures. Des organismes, notamment ceux intervenant auprès des communautés ethnoculturelles, manifestent des réserves à identifier l’exploitation sexuelle ou des cas de traite, craignant que rejaillisse sur des communautés entières le stigma de la marchandisation des femmes ou du crime organisé et que, ce faisant, des comportements racistes soient encouragés. Nous avons respecté cette appréhension et en avons tenu compte dans notre mode de collecte des informations et de traitement des données.

Deux dynamiques inhérentes au caractère clandestin et criminel de la traite, l’invisibilisation et l’atomisation/dispersion des victimes, ont donc complexifié notre travail. Comme nous l’expliquons dans le chapitre sur la méthodologie, l’usage de différentes stratégies de cueillette de données nous a néanmoins permis d’obtenir un matériel confirmant et documentant d’un point de vue qualitatif l’existence de la traite des femmes et des filles au Québec.

Dernier obstacle (et non le moindre) quand on tente de cerner ce phénomène complexe: le filtre idéologique à travers lequel la prostitution est perçue par les divers acteurs et actrices sociales susceptibles d’entrer en contact avec des personnes trafiquées. Comme on le verra tout au long du présent rapport, la vision qu’une société entretient de la prostitution n’est pas sans conséquences sur l’ampleur de la traite qui alimente ce marché et sur la capacité d’agir pour lutter contre ce phénomène. La prostitution étant de plus en plus banalisée dans notre société, les actrices et les acteurs sociaux rencontrés dans le cadre de notre recherche s’avèrent souvent inaptes à percevoir la traite, même en présence de divers indices, tel par exemple le déplacement fréquent des personnes prostituées, orchestré par ceux qui les exploitent.

 

4. Le débat féministe sur la prostitution

Depuis presque quinze ans, les milieux féministes sont divisés au sujet de la prostitution. On constate deux grands pôles au débat actuel, deux perspectives qui se fondent sur des prémisses politiques, éthiques et analytiques divergentes9 Voir Toupin (2002: 18) qui distingue trois postures au sein des militantes féministes «anti-trafic».. Le courant dit abolitionniste définit la prostitution comme une atteinte aux droits humains des personnes prostituées, particulièrement les femmes, que l’industrie du sexe exploite à la faveur de rapports sociaux inégalitaires, tels les rapports de sexe, de classe ou liés à l’appartenance ethnique. Le courant réglementariste conçoit plutôt le «travail du sexe» comme une activité professionnelle légitime que des adultes consentants peuvent librement choisir. S’opposent ainsi deux principales écoles de pensée qui ont à la base des définitions différentes de la prostitution et, par voie de conséquence, de la traite à des fins prostitutionnelles10 Voir notre chapitre 2 pour une présentation plus détaillée de ces postures..

C’est au tournant de l’an 2000 que le mouvement des femmes au Québec a été happé par ce débat concernant la prostitution et la traite des êtres humains. Dans le contexte de l’organisation de la Marche mondiale des femmes (MMF), certaines militantes ont proposé que la Marche québécoise porte des revendications en faveur de la décriminalisation totale de la prostitution (personnes prostituées, proxénètes et clients). De leur côté, les groupes et les militantes féministes abolitionnistes ont refusé de considérer que le réel de la prostitution, qui est structuré par une industrie du sexe en plein essor, soit une fatalité à laquelle il faille se résigner. La prostitution est une violence et met en lumière des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes qui ne peuvent être occultés dans la détermination des interventions auprès des femmes prostituées.

Le débat pour ou contre la prostitution n’a pu être résolu à l’intérieur des revendications québécoises de la Marche mondiale des femmes, les positions défendues par les groupes participants étant trop divergentes. Des points de consensus ont toutefois été formulés par le biais de la résolution visant «L’élimination de la discrimination et de la violence à l’égard des travailleuses du sexe notamment dans leurs rapports aux services sociaux, judiciaires, policiers et de santé» (FFQ, 2001: non paginé)11 Pour un point de vue plus détaillé sur ce débat dans le mouvement féministe québécois, voir le texte sur la CLES, en annexe..

À l’échelle internationale, la Marche mondiale des femmes 2000 a pris position pour l’abolition de la traite et de l’exploitation sexuelle en invitant les groupes participants à réclamer de leur gouvernement l’adhésion à la Convention sur la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui des Nations Unies. Tant les abolitionnistes que les groupes réglementaristes (pour la reconnaissance du «travail du sexe») apparaissent contre la traite des femmes et des enfants, et adhèrent aux textes internationaux élaborés à la suite de cette Convention pour éradiquer la traite, notamment le Protocole de Palerme, mais leurs interprétations des textes divergent, de même que leurs façons d’appréhender le travail à faire par les pays signataires pour mettre les conventions en application. Les réglementaristes considèrent que la traite concerne spécifiquement la prostitution «forcée» et promeuvent l’assouplissement des mesures de migration qui, dans l’état actuel des choses, empêchent des migrantes «consentantes» de vendre leurs «services sexuels» et les contraignent à pratiquer dans la clandestinité. Les abolitionnistes, qui adhèrent aux conventions tout en souhaitant l’assouplissement des mesures de migration jugées sexistes, racistes et classistes, interprètent plutôt que les conventions réclament la fin de l’exploitation sexuelle des femmes inhérente à la prostitution.

Les deux écoles de pensée utilisent des cadres d’analyse qui les mènent à des conclusions antagoniques en ce qui a trait au caractère légitime et «réformable» de la prostitution. Sur le terrain politique, cela se traduit le plus souvent par des actions divergentes auprès des femmes prostituées, des victimes de traite et des instances juridiques concernées. Les réglementaristes privilégient une approche fondée sur la reconnaissance du «métier» et la réduction des méfaits, c’est-à-dire qui vise d’abord la diminution des effets néfastes de la pratique (drogues, VIH, etc.) plutôt que son arrêt ou sa sanction, tandis que les abolitionnistes favorisent la mise sur pied de moyens concrets permettant la sortie de la prostitution et la lutte contre l’appropriation et la marchandisation du corps des femmes. Chez beaucoup de militantes et de chercheures féministes, ces questions suscitent un véritable écartèlement entre deux conceptions perçues comme concurrentes et conflictuelles.

C’est dans le contexte de ce difficile débat qu’un partenariat université-communauté s’est formé à l’UQAM avec pour objectif de documenter la traite à des fins d’exploitation sexuelle au Québec, un phénomène qui était alors très peu connu et perçu comme inexistant au Canada et au Québec, mais que des organisations internationales décrivaient comme un délit grave et en voie de devenir un problème mondialisé.

 

5. Objectifs de la recherche et partenariat

En 2003, nous avons entrepris la recherche sur un mode exploratoire, non pas pour cerner la prévalence et l’ampleur de la traite à des fins d’exploitation sexuelle au Québec, −type d’approche qui aurait requis des moyens financiers hors de notre portée− mais bien pour comprendre le phénomène, ce que les actrices et acteurs sociaux concernés en savent ou en pensent, incluant les victimes, et ce, d’un point de vue qualitatif.

La démarche de recherche que nous avons privilégiée s’inspire de la recherche-action. Elle a été initiée sous la responsabilité conjointe de chercheures en études féministes, Lyne Kurtzman et Marie-Andrée Roy, qui ont par la suite notamment fait appel à une professionnelle de recherche, Sandrine Ricci. Les travaux se sont engagés en partenariat avec deux groupes, la Marche mondiale des femmes (volet international) et le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).

Les objectifs poursuivis par la recherche sont les suivants:

  1. développer une meilleure connaissance de la réalité de la traite prostitutionnelle au Québec en documentant concrètement la question à partir des connaissances ou des perceptions qu’en ont les principaux acteurs et actrices institutionnelles et communautaires, ainsi qu’à partir des propos ou récits de femmes victimes de traite et de personnes ayant un vécu dans l’industrie du sexe;
  2. outiller et concerter les groupes de femmes ainsi que les intervenants et intervenantes concernées par la question;
  3. aider à contrer la traite des femmes et des enfants pour l’exploitation sexuelle commerciale en interpellant les lois, les institutions et la société civile.

Plusieurs temps de collecte et d’analyse des données ont été requis dans le cadre de cette recherche exploratoire. Une première phase (2003-2006) a été financée par le Programme Promotion de la femme de Condition féminine Canada (CFC) et par l’Alliance de recherche IREF/Relais-femmes, subventionnée par le Fonds de recherche québécois sur la société et la culture (FQRSC). L’Alliance de recherche IREF/Relais-femmes a financé la deuxième phase de la recherche (2006-2010)

Un comité ad hoc sous la coordination de Lyne Kurtzman a été mis sur pied en 2003 afin de gérer le projet et d’assurer les échanges entre les partenaires universitaires et communautaires. Pour la première phase de la recherche qui s’est déroulée de 2003 à 2006, il a été composé des personnes suivantes:

  • Marie-Andrée Roy, professeure au département de sciences des religions et membre de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF);
  • Lyne Kurtzman, responsable du développement de la recherche à l’IREF;
  • Aurélie Lebrun, professionnelle de recherche (juin 2005 à février 2006);
  • Anahi Morales-Hudon, étudiante à la maîtrise en science politique (janvier à novembre 2006);
  • Diane Matte, alors coordonnatrice du secrétariat international de la Marche mondiale des femmes, puis travailleuse à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES);
  • Michèle Roy, alors représentante du Regroupement québécois des CALACS, puis travailleuse à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES);
  • Hélène Van Nieuwenhuyse, étudiante en sociologie à l’UQAM (2003-2004);
  • Yolande Geadah, chercheure indépendante;
  • Ginette Plamondon, alors agente de recherche au Conseil du statut de la femme (CSF);
  • Rhéa Jean, étudiante au doctorat en éthique à l’Université de Sherbrooke.

Pour la deuxième phase de la recherche qui s’est déroulée de 2006 à 2010, puis de 2011 à 2012, le comité était composé des personnes suivantes:

  • Sandrine Ricci, professionnelle de recherche (mars 2008 – janvier 2010; 2011-2012);
  • Marie-Andrée Roy, professeure au département de sciences des religions et directrice de l’IREF;
  • Lyne Kurtzman, responsable du développement de la recherche à l’IREF, puis responsable du Protocole UQAM/Relais-femmes au Service aux collectivités;
  • Diane Matte, coordonnatrice du secrétariat international de la Marche mondiale des femmes, puis travailleuse à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES);
  • Michèle Roy, représentante du Regroupement québécois des CALACS, puis travailleuse à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES);
  • Yolande Geadah, chercheure indépendante;
  • Rhéa Jean, étudiante au doctorat en éthique à l’Université de Sherbrooke.

Dans une ultime phase de consultation (automne 2011 – hiver 2012), ce comité a pu compter sur la participation de Louise Dionne, coordonnatrice du Comité d’action contre la traite humaine interne et internationale (CATHII). Les aléas du financement de la recherche, combinés à la difficulté de l’objet même de la recherche, se sont traduits par plusieurs suspensions du travail, ce qui explique l’étendue du projet dans le temps.

Le présent rapport de recherche s’organise autour des chapitres suivants: après un bref exposé de la méthodologie utilisée (chapitre 1), il présente quelques repères pour penser la question de la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle (chapitre 2). Ces repères s’articulent autour de deux axes conceptuels : le nouvel ordre patriarcal et le capitalisme. Ils proposent également des pistes de réflexion sur la notion de consentement et sur les principales postures sur la prostitution. Le chapitre 3 est consacré aux facteurs favorisant la traite: à la lumière de notre recension des écrits sur le sujet, il examine l’impact de la mondialisation et des politiques néolibérales. Le chapitre 4 fournit des données sur le contexte juridique de la traite tandis que le chapitre 5 expose la posture des milieux policiers sur cette question. Le chapitre 6 rend compte des perspectives de personnes œuvrant dans le secteur communautaire auprès de personnes potentiellement trafiquées ou vulnérables à l’exploitation sexuelle. Le chapitre 7 présente des trajectoires de femmes trafiquées ou exploitées dans l’industrie du sexe. Le chapitre 8 permet de préciser le fonctionnement de la traite prostitutionnelle, des leurres du recrutement à l’exploitation sexuelle. Le chapitre 9 explore les difficiles voies de sortie de ce système prostitutionnel. Le chapitre 10 propose un bilan analytique des résultats de notre recherche. À la fin de ce rapport, on trouve une série de recommandations pour lutter contre cette forme extrême et occultée d’exploitation des femmes, ainsi que deux annexes en lien avec le «terrain».

  • 1
    Le Protocole de Palerme fait l’objet d’une présentation détaillée au chapitre 4. Il est consultable en ligne: http://www2.ohchr.org/french/law/pdf/protocoltraffic_fr.pdf (consulté le 16 avril 2012)
  • 2
    La Convention en ligne: http://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/TOC%20Convention /TOCebook-f.pdf et les pays signataires: http://treaties.un.org/doc/publication/mtdsg/volume%20ii/chapter% 20xviii/xviii-12-a.fr.pdf (consulté le 27 juillet 2011)
  • 3
    Ce schéma a été inspiré par une démarche similaire des Nations Unies présentée sur le site http://www.unodc.org/unodc/en/human-trafficking/what-is-human-trafficking.html (consulté le 31 octobre 2012)
  • 4
    Dans le cadre de notre recherche, après avoir d’abord employé le terme «trafic sexuel» (Roy, 2005; Van Nieuwenhuyse, Hélène, 2004; Kurtzman et Matte, 2003), nous avons retenu l’expression «traite à des fins d’exploitation sexuelle» pour signifier clairement que notre objet d’étude concerne le déplacement local et international de femmes pour la prostitution. Certaines de sources et de nos répondantes peuvent utiliser le terme trafic au lieu de traite.
  • 5
    Nous basons cette estimation sur la répartition établie par la GRC entre les différentes formes de traite au Canada: 600 personnes (42,9 %) sont destinées au marché du sexe et 800 personnes (57,1%) aux autres marchés domestiques.
  • 6
    Voir le site de The Future group, un organisme fondé par Perrin : www.thefuturegroup.org (consulté le 24 février 2012)
  • 7
    CIC a commencé à consigner les cas de traite dans sa base de données en mai 2006, suite à l’introduction de mesures visant à protéger les personnes ressortissantes étrangères exploitées dans le commerce du sexe et du travail forcé.
  • 8
     A Human Security Crisis of Global Proportions, en ligne, www.thefuturegroup.org (consulté le 6 novembre 2009)
  • 9
    Voir Toupin (2002: 18) qui distingue trois postures au sein des militantes féministes «anti-trafic».
  • 10
    Voir notre chapitre 2 pour une présentation plus détaillée de ces postures.
  • 11
    Pour un point de vue plus détaillé sur ce débat dans le mouvement féministe québécois, voir le texte sur la CLES, en annexe.
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