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L’Encyclopédie et le palimpseste. Des débordements de la mémoire à la réécriture du deuil dans «Méroé» d’Olivier Rolin
Retiré dans sa chambre de l’hôtel des Solitaires à Khartoum, le narrateur de Méroé, dont le soliloque habite tout l’espace de ce roman, voue à l’écriture une sorte de survie désoeuvrée dans laquelle il attend la police, ou il ne sait quoi d’autre encore, la fin du monde peut-être. C’est à rebours du Nil qu’il remonte le temps, qu’il raconte les grandeurs du passé, reconstruisant ainsi sa vie entre un passe amoureux qui le hante, un présent sans ancrage et un avenir incertain. Voyant dans ce lieu sa propre perte se refléter, le narrateur, dont on ne connaît pas le nom, ressuscitera deux autres personnages en désastre: le général Gordon, assiégé dans Khartoum en 1884, et un siècle plus tard, l’archéologue allemand Vollender, spécialiste des antiquités médiévales et chrétiennes du Soudan. Le fleuve, figure d’un temps qui emporte et emmêle toute chose, entraînant les histoires des hauts plateaux vers la mer, mélange les époques dans son limon: «Rien ne commence jamais, pas plus le Nil que nos petites histoires.»