Colloque, 16 au 18 mars 2011

Économie et fictionnalité dans la France moderne et contemporaine, XIXe-XXIe siècles

cover

Les 16, 17 et 18 mars 2011 s’est tenu à l’Université Concordia un colloque Figura organisé par Christian Biet, Stéphanie Loncle et Martial Poirson, intitulé: «Économie et fictionnalité dans la France moderne et contemporaine, XIXe-XXIe siècles».

Au cours du XIXe siècle, dans le cadre de l’émergence progressive des sciences humaines et sociales, l’économie s’affirme de façon polémique comme une théorie se voulant capable de rendre compte du fonctionnement du réel et même de l’anticiper, bref comme un savoir à prétention hégémonique. Cet essor de la pensée économique, combiné avec le développement effectif du capitalisme, conduit à la généralisation des schèmes de pensée économiques dans le discours social, et ce, du XIXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. Or ces schèmes de pensée se retrouvent aussi dans les fictions (littéraires et autres). Cependant ils y prennent des formes qui impliquent le plus souvent des réappropriations et des transformations ludiques ou critiques. Le colloque voudra analyser la façon dont les thèmes, les motifs et les figures économiques sont employés dans des représentations artistiques. Il cherchera à décrire les interactions de l’économie et de la fiction et à éclairer les implications idéologiques des propositions fictionnelles.

Document(s) liés:

Communications de l’événement

Guy Bellavance & Christian Poirier

Économie, culture et rationalité(s): pratiques, théories et récits

Nous voudrions poser d’abord globalement ce qui apparait être en toile de fond de nos interrogations: à savoir le rapprochement très actuel entre culture et économie.

Guy Bellavance et Christian Poirier sont professeurs à l’INRS.

Sara Harvey

De quelques modèles économiques de la piraterie: de la chasse partie à la chasse au trésor

Depuis son âge d’or à la fin du 17e siècle, la piraterie a été figurée à travers une pluralité de représentations si bien que l’histoire de sa réception à long terme se déploie en une étonnante constellation. Corsaires, flibustiers et pirates des 17e et 18e siècle inspirent d’abord une vague de romans maritimes et historiques dans la première moitié du 19e siècle avant de surgir dans les premiers romans et illustrations des premiers romans jeunesse.

Sara Havery est stagiaire post-doctorante à l’Université de Paris Ouest.

Marie-Ève Laurin

De la mécanique économique à la dynamique fantasmatique: le personnel féminin des Rougon-Macquart à l’épreuve de la modernité capitaliste

Dans un essai sur la condition féminine dans l’œuvre d’Émile Zola, Anna Krakowski observe que le génie de l’écrivain se prête spontanément aux études de micro-sociologie ayant pour fin d’explorer l’image véridique des maux sociaux et d’indiquer la direction des transformations a envisager. Si l’écriture des Rougon-Macquart fut explicitement guidée par des exigences scientifiques et documentaires, l’analyse de la mécanique économique qui s’y déploie ne peut éluder les sous bassement fantasmatiques de l’ensemble romanesque, modelé par une esthétique où la vision du créateur et son plaisir de raconter l’emportent toujours en définitive. En particulier, la représentation des personnages féminins de l’œuvre, en lien avec les transformations de la sphère économique, laisse percer les angoisses engendrées par le système capitaliste et les bouleversements sociaux induits par l’avènement de la modernité.

Marie-Ève Laurin est chercheure régulière à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Détentrice d’un doctorat en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, en cotutelle avec l’Université de Sienne en Italie, elle enseigne le français et la littérature au Cégep de Saint-Laurent depuis l’automne 2011. Dans sa thèse de doctorat, publiée sous le titre De chaînes en trames, aux Presses de l’Université du Québec en 2011, elle s’est intéressée aux esthétiques naturaliste et vériste de même qu’à la représentation de la grande histoire par le biais de la mise en scène de la vie privée.

Nelson Charest

«Conflit», ou la prose fiduciaire de Mallarmé

L’œuvre de Mallarmé a récemment donné lieu à une réévaluation critique de première importance. Cette œuvre difficile et exigeante qu’on a si longtemps considérée comme emblématique d’une quête de l’idéal commence à montrer son souci pour les mécanismes sociaux et ses divers éléments.

Nelson Charest est professeur à l’Université d’Ottawa.

Martial Poirson

La crise du change dans le théâtre contemporain (1980-2010)

Renouvelant l’imaginaire symbolique de la téléologie pessimiste, mobilisant les structures mentales et les dispositions idéologiques susceptibles d’adhérer à toutes sortes de stratégies de boucs émissaires, avant tout désireuse de désigner coupables idéaux et surtout victimes expiatoires, cette nouvelle eschatologie économique (depuis 2008) construit actuellement dans le discours politique, médiatique et parfois même artistique, le récit fondateur d’un désastre annoncé auquel seul la doctrine économique dominante semble imperméable, verrouillée dans les dogmes d’un néo-libéralisme aveugle. Au sein d’une telle configuration historique, le théâtre, tel qu’il se pratique et s’écrit aujourd’hui, refuse de donner le change, quitte à redéfinir les règles du jeu artistique et à altérer profondément son propre discours esthético-idéologique.

Nelson Charest est professeur à l’Université d’Ottawa.

François-Emmanuël Boucher

De la physiocratie au capitalisme colonial. Balzac et les théories économiques au XIXe siècle

L’exposé sera séparé en deux parties.

Dans la première, je me poserai la question suivante: quels sont les principaux discours économiques qui apparaissent dans l’œuvre de Balzac, quels sont les doctrines que Balzac repère, quelles sont les doctrines que Balzac approuve ou désapprouve dans son œuvre, que dit Balzac des grandes innovations économiques qui apparaissent avant, pendant et après la révolution française?

Dans un deuxième temps je me poserai la question, plus littéraire, à savoir comment la forme du roman représente ces discours?

François-Emmanuël Boucher est professeur au département d’études françaises du Collège militaire royal du Canada.

Jean-Jacques Hamm

Du traité d’économie politique au roman: la révolution stendhalienne

Le domaine économique introduit dans le roman stendhalien des facteurs qui le font dévier de schémas conventionnels, facteurs que le roman n’intègre d’abord que de manière tangentielle ou oblique. Avant de procéder à l’analyse des rapports entre roman et économie, de la révolution que celle-ci apporte au genre, de la difficulté qu’elle engendre pour Stendhal, on peut rappeler ce qui dans le parcours de l’auteur lui a facilité une perspective innovatrice.

Jean-Jacques Hamm est auteur et chercheur.

Sylvain David

Tristes topiques. Nature, culture et capitalisme «sauvage» chez Michel Houellebecq

Dans Extension du domaine de la lutte, le premier roman de Michel Houellebecq, le narrateur a pour particularité, notamment, de produire des fictions animalières, soit des petites fables à significations paraboliques qui mettent en scènes un bestiaire varié.

Dans l’une de celles-ci, un chimpanzé est fait prisonnier par une tribu de cigognes et il déclare: «De tous les systèmes économiques et sociaux, le capitalisme est sans conteste le plus naturel. Ceci suffit déjà à indiquer qu’il devra être le pire.» Une telle vérité n’est apparemment pas bonne à dire car, pour avoir proféré de telles paroles, le singe se voit immédiatement mis à mort par les cigognes.

On a donc finalement un paradoxe qui se profile: d’une part on a un capitalisme naturel, ce qui est relayé par la mise en scène d’animaux, mais qui est assimilé au pire, ce qui est connoté par la mise à mort du singe.

Sylvain David est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Il fait aussi partie du programme de recherche interdisciplinaire RADICAL (Repères pour une articulation des dimensions culturelles, artistiques et littéraires de l’imaginaire contemporain). Il est professeur agrégé au Département d’études françaises de l’Université Concordia, où il enseigne la littérature du XXe siècle et la littérature contemporaine. Ses recherches actuelles portent sur l’imaginaire de l’«après» dans le roman et l’essai français depuis l’après-guerre et sur le mouvement punk comme esthétique et éthique. Il est l’auteur de l’essai Cioran.

Mathieu Beauséjour, Martin Dufrasne & Ianik Marcil

L’art et l’argent, pratiques d’artistes contemporains

Dans le cadre de cette table ronde animée par l’économiste Ianik Marcil, les artistes Mathieu Beauséjour et Martin Dusfrane discutent sur le thème de l’argent dans les pratiques artistiques contemporaines.

Ianik Marcil est un économiste spécialisé en innovation, transformations sociales, justice économique et économie des arts et de la culture.

Martin Dufrasne est un artiste québécois.

Mathieu Beauséjour est un artiste multimédia contemporain.

Geneviève Sicotte

Mise en fiction du luxe et critique de l’économie autour de 1900

En 1857, Flaubert décrit avec Emma Bovary un personnage qui est peut être la première acheteuse compulsive de l’histoire littéraire. Pour Emma, les objets ne cessent d’offrir des promesses toujours neuves, de grands vases de verre bleu à mettre sur la cheminée, un prie-Dieu gothique, de petites pantoufles de couleur grenat avec une touffe de ruban large qui s’étale sur le coup de pied, un foulard de soie algérienne pailleté d’or, même un mobilier de salle à manger entre-aperçu chez le notaire alors qu’Emma est presque ruinée et court après l’argent. Tout cela ouvre, toujours pour Emma, autant d’horizons lumineux vers une vie autre, vers une identité enfin trouvée. Mais, évidemment, il s’agit là d’autant de tromperies qui mènent a la ruine financière et a la faillite et dont les séductions et le fonctionnements se trouvent de la sorte mis-à-plat et objectivés par le texte flaubertien.

Geneviève Sicotte est chercheure régulière à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Spécialiste du thème alimentaire dans la littérature et l’imaginaire social, elle est professeure au Département d’études françaises de l’Université Concordia. Outre plusieurs articles et chapitres de livres, elle a notamment publié Le festin lu. Le repas chez Flaubert, Zola et Huysmans (Liber, réédité en 2008), le recueil Gastronomie québécoise et patrimoine (avec M.-N. Aubertin, 2013), ainsi qu’un dossier dans la revue Captures, «Raconter l’aliment» (avec M.-C. Lambert-Perreault, 2016).

Michel Lacroix

Mines d’or et fausses monnaies: échange et valeur dans les romans de la vie littéraire de Gide et Dunan

La carte et le territoire de Michel Houellebecq s’ouvre sur une mise en abyme spectaculaire: Jed Martin contemplant puis détruisant son dernier tableau, Damien Hirst et Jeff Koons se partageant le marché de l’art. Hirst était au fond facile à saisir, on pouvait le faire brutal, cynique, genre «je chie sur vous du haut de mon fric». On pouvait aussi le faire artiste révolté, mais quand même riche, poursuivant un travail angoissé sur la mort.

Michel Lacroix est professeur au Département d’études littéraires de l’UQAM. Ses recherches portent sur la sociocritique, la sociologie de la littérature, les revues et les groupes littéraires et les réseaux. Il est, entre autres, l’auteur de De la beauté comme violence. L’esthétique du fascisme français 1919-1939 (PUM, 2004) et de L’invention du retour d’Europe. Réseaux transatlantiques et transferts culturels au début du XXe siècle (PUL, 2014).

Jean-Philippe Uzel

Les fictions économiques de l’art contemporain français

«Est-ce qu’il y a des particularités que partagent les artistes français? Je dirais: oui, ils traitent tous d’économie.»

Jean-Philippe Uzel est professeur au département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal.

Stéphanie Loncle

Théâtre et (néo-)libéralisme: la performance en question

Je vais revenir sur ce qui a été beaucoup évoqué hier: l’idée qu’on a assisté au cours de la dernière décennie à la promotion des valeurs de l’art (dans tous les sens du terme) au service du règlement de l’actuelle crise du capitalisme. Qu’il s’agisse d’y trouver dans ces valeurs de l’art la source d’une reprise de la croissance économique ou bien l’inspiration pour le dépassement du système capitalisme, l’art et la culture ont très manifestement émergé dans le débat économique comme si la marginalité artistique revenait au devant de la scène économique à la faveur de la crise.

Stéphanie Loncle est maître de conférences en Études théâtrales à l’Université de Caen Basse-Normandie.

Christian Biet

L’impropriété théâtrale/le théâtre impropre: louer une place de théâtre; emprunter un rôle; posséder un livre?

Ce que je voudrais faire ici est essayer de revenir sur un certain nombre de questions que j’avais déjà posées il y avait quelque temps. J’avais essayé d’avancer que les échanges théâtraux ressemblaient trait pour trait au point de vue économique à une sorte d’échange assez particulier qui est la prostitution.

Auteur de nombreux articles et ouvrages, Christian Biet est professeur d’histoire et esthétique du théâtre à l’université de Paris X-Nanterre et a publié de nombreux ouvrages sur ces questions. il a dirigé l’ouvrage intitulé Théâtre de la Cruauté et récits sanglants en France (16ème et 17ème siècles).

Yann Moulier Boutang

Fables de l’économie et économie de la fiction économique

Je vais essayer d’introduire le sujet, pour ensuite traiter de pourquoi l’économie dans sa littéralité même a besoin de la littérature et des histoires. Je vais ensuite revenir sur mon dada de prédilection, qui est la finance de marché et la fiction. Finalement, je vais revenir aux nouvelles perspectives, nouvelles fables de l’économie.

Yann Moulier-Boutang est un économiste et essayiste français.

Type de contenu:
Ce site fait partie de l'outil Encodage.