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Lecture littéraire et construction de l’imaginaire
Depuis une dizaine d’années, nous pratiquons dans les collèges du Québec un enseignement de la littérature orienté vers l’apprentissage par nos étudiants d’une pratique de la lecture que l’on pourrait qualifier d’objective et savante des textes littéraires. Dans le cadre de cette formation, nous invitons nos étudiants à mettre en veilleuse, voire à abandonner leur pratique habituelle de la lecture, si tant est qu’ils en aient une, et qui est ordonnée soit au divertissement, à la recherche d’un plaisir immédiat procuré par une attention exclusivement accordée à l’histoire racontée, soit à la quête, dans une perspective éthico-pratique, de modèles propres à les guider dans la conduite de leur vie. Bref, nous invitons nos étudiants à s’émanciper d’une pratique de la lecture centrée sur le sujet lecteur et fort peu soucieuse de l’objet texte et de son caractère esthétique. Aussi cherchons-nous à faire de nos étudiants des lecteurs qui sachent analyser des oeuvres littéraires, expliquer les représentations du monde dont elles sont porteuses et apprécier des oeuvres de la littérature québécoise, et ce, avec un souci d’objectivité et en mettant à contribution toutes les connaissances pertinentes pour ce faire. Nous exigeons d’eux qu’ils rendent compte de leur maîtrise de ces nouvelles compétences que nous cherchons à leur faire acquérir dans des explications de textes ou des commentaires composés —que nous appelons analyses littéraires— ou encore dans des dissertations explicatives ou critiques, tous types de textes qui ne laissent, somme toute, que fort peu de place au sujet empirique et à l’expression de sa subjectivité.