Entrée de carnet
Balade au coeur d’un territoire insoumis: Exploration d’«Area X» de Jeff Vandermeer
La Trilogie du Rempart Sud (The Southern Reach Trilogy, en langue originale) nargue l’appétit de domination et de contrôle que l’humain clame sur l’environnement. Notre monde, aujourd’hui cartographié jusque dans ses moindres aspérités, analysé par une multitude de domaines scientifiques, recèle de moins en moins de mystères. La tendance, présentement, est de prendre la planète pour acquise, tant et si bien que celle-ci en vient à s’estomper, devenant simple décor ou obstacle aux agissements humains. Or, dans sa trilogie, l’écrivain américain Jeff Vandermeer problématise l’indifférence face au territoire en faisant surgir, de manière arbitraire, un espace inconnu au cœur de l’ordinaire.
Vandermeer, né en 1968, est l’auteur de City of Saints and Madmen et plus récemment de Borne. Il s’inscrit dans la mouvance du New Weird qui, suivant les traces de H. P. Lovecraft, oppose l’humanité à des phénomènes hors de son cadre conceptuel, induisant ainsi un sentiment d’inconfort, voire d’angoisse.
Notre analyse portera sur le premier tome de la trilogie, Annihilation, paru en 2014, qui s’inspire des romans d’explorations géographiques à caractère scientifique du XIXe siècle. Nous y accompagnons une troupe de chercheuses pénétrant au cœur d’Area X, un espace incompris situé dans une zone reculée de la Floride. Le récit, relaté au passé, épouse la forme d’un journal d’expédition, celui de la biologiste, où sont consignés observations, souvenirs et réflexions.
Area X se présente comme un endroit soustrait de l’espace balisé. Un emplacement caché, mais que l’on dissimule aussi. Déjà sillonnée par onze expéditions dont les survivants se bornent à décrire un paysage idyllique, l’énigme qui plane sur Area X est difficile à percevoir. Une situation qui confronte le Rempart Sud, l’organisme gouvernemental chargé d’étudier ce lieu, aux limites de la conception humaine du territoire. Continuellement mise en échec dans sa volonté de cerner les anomalies qui entourent Area X, l’institution sombre graduellement dans une attitude paranoïaque, cherchant à camoufler l’existence de ce mystère au grand public, tout en refusant de partager l’ensemble de ses maigres connaissances aux explorateurs qu’elle forme. En résulte un climat de doute et d’irréalité qui complexifie la relation entre les membres de l’expédition, leurs supérieurs et le territoire à circonscrire. Ce contexte n’est pas pour rassurer la biologiste, qui, par ailleurs, entretient déjà une certaine méfiance envers la notion d’objectivité. Un doute qui prendra de l’ampleur au cours de cette exploration et qui culmine avec la découverte des œillères sensorielles dont l’humain est pourvu sans qu’il en ait conscience.
La difficulté à percevoir Area X provient en partie de son statut ambigu de «zone», concept géographique flottant et malaisé à cerner. Une conception tout à fait appropriée à un espace altéré comme celui qui se déploie dans le roman de Vandermeer. La zone, espace hors du monde, inquiète par son altérité radicale aux démarcations incertaines. Une crainte qui découle des conditions particulières de cet espace : la peur de voir ses bordures s’étendre et phagocyter les lieux adjacents, la peur qu’une fois entré, la sortie en soit impossible ou qu’une fois à l’intérieur, on s’y fonde à jamais.
Area X, en tant que zone, explore la porosité des frontières entre l’observateur et l’observé, entre le corps et l’environnement, entre l’humain et la nature. Le territoire devient dès lors un théâtre d’expérimentations sur les manières de redéfinir les contours de chacune de ces limites arbitraires dont l’analyse s’appuiera sur les théories de l’agentivité matérielle avancée par l’écocritique matérialiste.
La première question qui vient à l’esprit en débutant ce récit est : qu’est-ce qu’Area X? La réponse à cette interrogation, qui ne sera jamais véritablement dévoilée au lecteur, s’inscrit dans la volonté de l’auteur d’instaurer une esthétique de l’incertitude et du secret qui pousse le lecteur à remettre en doute toutes les facettes du récit. Aucune instance n’est fiable, un apprentissage que fait la narratrice elle-même alors qu’elle découvre l’ampleur de la mystification que le Rempart Sud applique sur tous les aspects concernant ce territoire confrontant.
Le rôle du Rempart Sud est d’analyser et de comprendre le phénomène nommé Area X, «the ill-defined Event that locked it behind the border thirty years ago and made it subject to so many inexplicable occurrences.» (Vandermeer, 2014 : 62) Trente années pendant lesquelles cet emplacement reculé s’est muré dans un silence lourd et impénétrable. Une brèche dans l’univers du connu qui s’est muée, au fil des échecs répétés à y voir plus clair, en véritable objet de crainte, en catastrophe. Comme Yoan Moreau le fait remarquer : «(…) la catastrophe fait surgir – et c’est ce qui la caractérise – une part qui apparaît, de prime abord, comme ineffable, inédite et inassimilable.» (2015 : 5) C’est une situation quelque peu différente dans le cas d’Area X dans la mesure où elle ne se présente pas véritablement comme un cataclysme naturel, mais plutôt comme une catastrophe géographique et épistémologique. À cet égard, si le territoire, en raison de l’exhaustif savoir théorique et cartographique que nous possédons de lui, tend à s’effacer, l’événement catastrophique le remet à l’avant-plan. Ce qui caractérise Area X, comme incident, se fonde sur un paradoxe, celui de faire apparaitre un territoire complètement inconnu pour ensuite mieux le substituer au regard et à la compréhension humaine.
L’aspect révélateur de la manifestation catastrophique inquiète le Rempart Sud. Relativement isolée, Area X se dissimule d’emblée aux regards inquisiteurs, mais l’étrangeté du phénomène finira inévitablement par attirer la curiosité. Comme son nom l’indique, le Rempart Sud doit idéalement protéger la population de la potentielle menace que pose Area X dont la découverte par le grand public risque de provoquer la panique. Pour faire face à la crise à venir, pour brouiller les pistes face à un inéluctable dévoilement, l’organisme se propose de substituer la catastrophe inédite que représente Area X avec un type d’événement, certes violent, mais dont la présence habite déjà les esprits. La campagne de désinformation entourant l’apparition d’Area X se déploie ainsi :
When Area X first appeared, there was vagueness and confusion, and it is still true that out in the world not many people know that it exists. The government’s version of events emphasized a localized environmental catastrophe stemming from experimental military research. The story leaked into the public sphere over a period of several months so that, like the proverbial frog in a hot pot, people found the news entering their consciousness gradually as part of the general daily noise of media, oversaturation about ongoing ecological devastation. (Vandermeer, 2014 : 63)
L’époque à laquelle se déroule le récit étant en tout point semblable à la nôtre, le nombre d’anomalies climatiques présentes à la surface du globe permet de présenter Area X comme découlant des effets délétères des grandes puissances capitalistes sur l’environnement. Or, ces catastrophes climatiques récurrentes affaiblissent leur capacité à révéler le territoire, devenant si usuelles qu’elles forment, en quelque sorte, un bruit de fond désagréable reconduit incessamment par les médias. La violence de la destruction de la nature, par ses manifestations toujours plus fréquentes et constamment documentées, acquière donc un statut presque routinier. C’est dire qu’au quotidien, ces hécatombes environnementales, plutôt que de stimuler une prise de conscience écologique, accroissent davantage la méfiance des gens envers la nature et stimulent la peur face à ses capacités destructrices, une attitude qui donne les coudées franches au Rempart Sud. Plus surprenante en revanche, est l’attitude tout aussi hermétique que l’organisme réserve aux membres des expéditions.
Phénomène caché au public pour des questions de sécurité, Area X se dérobe aussi au regard de ceux qui cherchent à l’étudier. Refusant de se livrer à distance, de se laisser analyser et cartographier à l’aide d’instruments techniques, il faut, pour comprendre Area X, y poser les pieds. D’où l’obligation de recourir à des équipes d’explorateurs qui, jusqu’à présent, n’ont pu révéler les secrets du territoire parcouru à leur retour, lorsqu’elles sont revenues… C’est dire que le Rempart Sud ne possède aucune véritable connaissance sur le lieu qui est placé sous sa responsabilité. Une lacune qui, inévitablement, remet en question la capacité de l’institution à préparer adéquatement le personnel essentiel à affronter ce territoire. Un constat qui transparaît dans la formation fragmentée et partielle offerte à la biologiste, principalement axée sur deux thèmes, soit la topographie du lieu, qui se déploie par une étude minutieuse de la carte rudimentaire d’Area X, ainsi qu’un approfondissement de certaines notions écologiques. Un endoctrinement mettant l’accent sur quelques sujets très précis, mais échouant, de manière volontaire, à fournir une vision globale de la situation.
La manière dont le Rempart Sud dirige l’étude et l’usage de la carte, est à ce sujet, éclairante. L’écriture de l’espace ne se présente jamais comme un acte innocent. Jean-Loup Rivière, dans son chapitre «La carte et la décision» souligne le caractère autoritaire de cet objet :
La carte ordonne et donne des ordres (…). ITAL Écrire le lieu des choses est un premier geste d’organisation. Mais tout ne peut être sur la carte, ce geste est donc aussi un choix, il ignore, élimine certains traits, en sélectionne et en grossit d’autres; ce choix restreint celui du lecteur de la carte qui détermine alors un champ d’action : la carte donne des ordres. (1980 : 379)
Le procédé de création d’une carte ne relève donc pas de l’inscription, tout à fait impartiale, de la totalité des éléments que contient un territoire. Un assemblage et une sélection précèdent la composition d’un plan. Durant sa formation, la biologiste perçoit ce processus qui apparaît de manière explicite.
The map had been the first form of misdirection, for what was a map but a way of emphasizing some things and making other things invisible? Always, we were directed to the map, to memorizing the details on the map. Our instructor, who remained nameless to us, drilled us for six long months on the position of the lighthouse relative to base camp, the number of miles from one ruined patch of house to the other. (…) Almost always in the context of the lighthouse, not the base camp. We became so comfortable with the map, with the dimension of it, and the thought of what it contained that it stopped us from asking why or even what. (Vandermeer, 2014 : 44, souligné dans le texte)
Ces observations mettent en relief la manière dont la carte et son usage peuvent en venir à «donner des ordres». Le rôle du formateur n’est pas ici de présenter les lieux afin d’offrir une connaissance globale de l’espace, mais bien de forcer un itinéraire et l’étude de quelques points d’intérêt sélectionnés à l’avance pour des raisons qui échappent aux membres de l’expédition. Évidemment, le Rempart Sud ne possède pas la capacité de concevoir une carte plus exacte d’Area X, paralysé dans ce projet par une peur panique d’une potentielle contamination. La biologiste, dans les premières pages de son journal, se remémore que toute découverte ne doit être communiquée qu’au retour de la mission. «One rule for an expedition into Area X was that we were to attempt no outside contact, for fear of some irrevocable contamination.» (5) Une règle qui, considérant l’absence de retour de la majorité des expéditions, diminue considérablement la possibilité d’actualiser les acquis. Malgré les nombreuses explorations, le mystère reste si impénétrable, si humiliant pour le Rempart Sud, qu’un sentiment d’angoisse mâtiné d’échec émane de l’organisation. Un découragement qu’il faut éviter de transmettre aux candidats nécessaires à la collecte de données. La solution à cette situation inconfortable passe, vraisemblablement, par la désinformation.
Malgré ce pessimisme, la volonté de savoir continue de faire rage au Rempart Sud. Déterminée à percer les secrets de ce territoire élusif, l’institution persiste inlassablement à former des expéditions qui, peut-être un jour, rapporteront quelques bribes d’informations. Considérés comme de simples outils de recherche, les membres des missions sont recrutés en raison leur fonction et dans le seul but d’amasser un maximum de renseignements. Pour éviter tout biais, un processus de déshumanisation est imposé aux volontaires, visant à les dépouiller de toute trace de subjectivité, comme se le remémore la narratrice : «They took away our name in the second month, stripped them from us. The only name applied to things in Area X, and only in terms of their most general label.» (45) Instrumentalisées, les scientifiques de la douzième expédition sont uniquement désignées par leur domaine de connaissance respectif, à savoir la biologiste, la géomètre, l’anthropologue et la psychologue. Programmées afin de collecter, compiler et analyser de manière rationnelle et objective, elles entrent dans Area X pour y poser un regard neutre.
Lors des premières pages de son journal, la protagoniste note qu’avant toute chose, avant même de commencer l’exercice de leur fonction, l’équipe doit s’assurer qu’Area X ne les affecte pas. Précaution vague et superflue considérant qu’une fois à l’intérieur du territoire, la nécessaire distance entre le phénomène et son observateur ne peut s’appliquer. Comment être certain, suivant cette mise en garde, que ce qui est décrit par la narratrice provient véritablement de ses perceptions, et non pas de ce qu’Area X désire qu’elle perçoive? Le doute sur la possibilité d’appréhender rationnellement Area X, dès lors, assaille autant le lecteur que la scientifique. En raison de l’absence d’équipement technique, les seules données recueillies doivent inévitablement passer par le filtre perceptif – donc nécessairement subjectif – de chacune des exploratrices, alors que celles-ci sont littéralement plongées dans le phénomène qu’elles doivent analyser. Or, depuis la Renaissance, le facteur premier d’objectivité est la distance qui sépare le sujet pensant de son objet d’étude. Ainsi, l’humain arrive à classifier les lois de la Nature parce qu’il a opéré un divorce entre lui et son environnement. Augustin Berque parle : «[d’] un regard qui prend du recul par rapport aux choses, les toise (c’est-à-dire les mesure), et les institue peu à peu en un environnement objectif, abstrait du sujet.» (2018 : 133) Ce schisme transforme l’individu en un instrument perceptif qui reçoit les informations de son milieu, sans médiation, pour en retourner ensuite une image impartiale. Une attitude que la psychologue de la douzième expédition tente de préserver suite à la découverte d’une structure intrigante absente de la carte. Pour détourner l’attention de cette criante omission, elle déclare : : «Remember that we are to put faith in our mesurements, (…). The mesurement do not lie. » (Vandermeer, 2014 :13) Une réponse bien particulière, qui invoque le concept de croyance pour l’appliquer à des éléments qui devraient pourtant être exacts et objectifs, tout en confirmant l’imprécision de la formation des exploratrices. Néanmoins, il ne suffit pas de s’accorder sur les dimensions d’une chose pour en avoir une perception commune. Le regard que posent les membres de l’expédition sur cette structure varie sensiblement. Pour la biologiste : «At first, only I saw it as a tower. I don’t know why the word tower came to me, given that it tunneled into the ground. I could as easily have considered it a bunker or a submerged building.» (5) Pour la géomètre, habituée à fonder sa conception du territoire à l’aide de cartes, l’occultation d’un élément aussi évident de celle-ci remet en question la réalité même de l’objet. La présence de dissensions entre les exploratrices sur l’exactitude de leurs visions coïncide avec la méfiance que la biologiste entretient envers l’impartialité du regard. La situation présente, qui voit les observatrices impuissantes à démêler le vrai du faux, l’objectif du subjectif en raison de leur proximité trop grande avec le phénomène à étudier porte à confusion. En incluant l’hypothèse de la faculté d’Area X à distordre la réalité, cette situation place les protagonistes dans une angoissante impasse, incapables de continuer à croire en leurs perceptions, mais inaptes à rejeter la croyance en une réalité objective. La biologiste, quant à elle, se laisse moins affecter par cette situation, présentant, depuis longtemps, une certaine méfiance face à l’idée de distance objective. À ce sujet, elle révèle dans son journal l’incapacité qui la caractérise à ne pas se mêler aux habitats qu’elle étudie. Elle affirme : « (…) I melted into my surroundings, could not remain separate from, apart from, objectivity a foreing land to me. » (115, souligné dans le texte)
Éminemment asociale, la biologiste possède une puissante sensibilité à l’environnement qu’elle affine lors de ses expériences professionnelles sur le terrain. Un attrait si fort, en fait, qu’il inhibe sa faculté à conserver une distance scientifique (et professionnelle) envers les milieux qu’elle investit. Or, la capacité à se fondre dans les habitats, mentionnée par la biologiste, n’est pas étrangère au concept d’umwelt proposé par Jacob von Uexkull, qui stipule que chaque espèce, en relation avec son milieu, détermine quels signes lui permettent de s’intégrer efficacement à l’intérieur de celui-ci. Cette sélection élabore un environnement perceptif propre à chaque communauté qui se substitue au donné environnemental exhaustif (que l’on pourrait aussi nommer réalité objective). Se superposant à la théorie de la sémiosphère de Youri Lotman (qui, il n’est pas anodin de le remarquer, s’inspire de la notion de biosphère de Vernandsy), l’umwelt représente à la fois l’univers perceptif, ainsi que l’espace au sein duquel le sens peut advenir. Chez l’humain, dont l’habitat est presque exclusivement urbain ou du moins fortement aménagé de manière artificielle, l’acuité envers les stimulis distincts du milieu naturel s’est émoussée. La désensibilisation dont il est question ici, produite par un changement de biome, s’apparente à ce que Morten Tønnessen nomme « umwelt transition». Le processus se définit de la façon suivante : «An Umwelt transition—so I suggest—can tentatively be defined as a lasting, systematic change, within the life cycle of a being, considered from an ontogenetic (individual), phylogenetic (population, species) or cultural perspective, from one typical appearance of its Umwelt to another.» (2009 : 49) La transition de l’umwelt humain d’un habitat près de la nature à un milieu urbain a pris place sur une longue période, certes, mais elle demeure non moins réelle. L’environnement perceptif qu’il s’est constitué avec l’urbanisation éloigne ainsi l’humain d’une nature dont il ne devrait pas (trop) se retirer. Dans une analyse de Wolf Feuerhahn sur la notion d’umwelt, l’auteur souligne que : «Le rapport intime à la nature est, pour Uexküll, la norme à l’aune de laquelle il s’agit de juger des conduites humaines. » (2009 : 427) Force est de constater que ce rapport intime a continué de s’atténuer au fil du temps. C’est dire que, dans la situation actuelle, la grande majorité de notre espèce ne peut que prendre conscience, malgré elle, de l’ignorance et de l’insensibilité qu’elle entretient par rapport aux milieux naturels qui l’entourent. À contre-courant, la biologiste du récit de Vandermeer, cultive une aversion envers le monde urbain et préfère fuir la ville pour les espaces vierges. À travers une réceptivité acquise à la suite de nombreuses excursions au cœur de contrées sauvages, elle développe la faculté, comme elle le note, de se fondre dans ceux-ci. De ce fait, la scientifique peut circuler plus aisément dans Area X que ses collègues, observant les ressemblances que cette zone entretient avec d’autres biomes connus. Une facilité qui l’induit pourtant en erreur, lui faisant tout d’abord miroiter le caractère normal de ce milieu, plaquant ainsi une modélisation de l’espace et des écosystèmes sur un territoire qui tend à camoufler ses particularités. Une illusion qui est percée à jour à la suite d’une contamination environnementale.
Les effets de cette infection lui apparaissent lors de la seconde descente dans la tour/tunnel. «The first thing I noticed on the staging level before we reached the wider staircase that spiraled down (…) the tower was breathing. The tower breathed, and the walls when I went to touch them carried the echo of a heartbeat…and they were not made of stone, but of living tissue. » (Vandermeer, 2014 : 27, souligné dans le texte) La preuve qu’Area X dissimule certains aspects de sa nature s’impose dès lors à la biologiste, et la clé pour percer à jour ses secrets ne se trouve pas, semble-t-il, dans la précision de la technologie, mais bien dans un abandon à l’environnement lui-même. Une sensibilité accrue aux phénomènes naturels émerge chez la protagoniste, lui faisant découvrir à quel point ses sens d’antan étaient émoussés :
Everything was imbued with emotion, awash in it, and I was no longer a biologist, but somehow the crest of a wave building and building, but never crashing to shore. I saw with such new eyes the subtleties of the transition to the marsh, the salt flats. (…) The strange quality of the light upon this habitat, the stillness of it all, the sense of waiting, brought me halfway to ecstasy. (2014 : 59, souligné dans le texte)
Le changement qui affecte la narratrice la place dans un état d’umwelt transitionnel, dans lequel ses perceptions d’origines se mêlent à de nouvelles. La femme de science distingue cette altération par l’apparition d’une lueur (brightness) en elle, dont la vivacité s’accentue périodiquement, marquant les moments-clés de son adaptation (nous pourrions aussi dire de son intégration) au milieu. Bien que cette assimilation soit en cours, nous n’assistons jamais à la dissolution complète de la biologiste au sein d’Area X. Pourtant, quelques rencontres singulières de la protagoniste avec des habitants non-humains du territoire, sèment un doute sur le sort des nombreuses expéditions précédentes. Area X, derrière ses frontières, s’active à expérimenter avec la matière, et plus spécifiquement, avec la substance humaine. L’autonomie qu’acquiert ce territoire sur la géographie, tout comme sur les entités qui y pénètrent, nécessite une réflexion sur l’unicité de ce territoire en l’abordant à travers le prisme du concept de zone.
À la question posée précédemment, «Qu’est-ce qu’Area X?», une des explications serait : une zone. Une réponse évasive qui entraîne, de manière logique, l’interrogation suivante : «Qu’est-ce qu’une zone?» Jeanne Etelain, dans un article sur le sujet, propose cette définition :
Une zone désignerait un espace autonome plus ou moins délimité qui se singularise par des caractéristiques distinctives. Elle serait le résultat d’un processus spontané de différenciation spatiale. Autrement dit, il faudrait comprendre une zone comme un espace qui se distingue du reste et s’impose de lui-même du fait de ses qualités, plutôt que comme une portion d’espace prélevé sur une étendue plus grande que l’on aurait découpée, qualifiée et administrée en fonction de ses besoins. (2017 : 115-116)
Une analyse qui cadre tout à fait avec Area X. Coupée du territoire par l’érection de mystérieuses limites, impossible à classifier en raison des phénomènes sans précédent qui s’y produisent, Area X, tout comme la zone, possède un caractère unique, singulier, qui en fait un terroir de mystère.
La zone est un espace indéterminé, dont les limites, difficiles à concevoir, demeurent floues. Des bordures d’Area X, la seule certitude est qu’elles existent. Comme le relève la biologiste : «The actual nature of the border had been withheld from us for security reasons; we knew only that it was invisible to the naked eye.» (Vandermeer, 2014 : 7) Toujours inflexible dans sa volonté de camoufler ses maigres connaissances, le Rempart Sud dissimule à ses expéditions la vision des bordures… invisibles en les obligeant à traverser celles-ci sous hypnose. Occultées à tous les niveaux, les frontières d’Area X reposent sur un acte de foi. Or, on retrouve chez Etelain la même difficulté à circonscrire les démarcations de la zone « dont les limites sont toujours floues et arbitraires.» (2017 : 126) Une problématique, par ailleurs, qui ne s’applique pas seulement lorsque l’on considère les bordures d’Area X d’un point de vue extérieur. La biologiste, découvrant le journal d’excursion de son mari, qui lui-même participait à la onzième expédition, remarque qu’une fois à l’intérieur de cette aire, les extrémités de celle-ci demeurent indiscernables, comme en témoigne l’extrait suivant :
They wandered up the coast for an entire week, mapping the landscape, and fully expecting at some point to encounter the border, whatever form it might take – some obstacle that barred their progress. But they never did. Instead, the same habitat confronted them day after day. “We’re heading north, I believe”, he wrote “but even though we cover a good fifteen to twenty miles by nightfall, nothing has changed, It is all the same,” although he was also quite emphatic that he did not mean they were “caught in a strange recurring loop.” Yet, he knew that «by all right, we should have encountered the by now.” (Vandermeer, 2014 : 108)
Invisibles et élastiques, les frontières physiques d’Area X fonctionnent selon un mode qui leur est propre et dont les mécanismes échappent à l’entendement. Elles paraissent se comporter à la manière d’une membrane cellulaire, déterminant ce qui peut y pénétrer et en sortir, tout en faisant preuve d’une mobilité surprenante. Le sort de la onzième expédition constitue un exemple révélateur du fonctionnement particulier de cette frontière :
After a period of time, each one of them had had the intense desire to return home and had set out to do so. None of them could explain how they had manage to come back across the border, or why they had gone straight home instead of first responding to their superiors. One by one they had simply abandoned the expedition, left their journal behind, and drifted home. Somehow. (108)
Les modalités d’entrée et de sortie d’Area X sont inquiétantes. Dans la plupart des cas, on y entre pour s’y perdre à jamais, mais d’autres occasions démontrent que la sortie en est possible, sans que le chemin du retour ne soit révélé. La zone «n’est pas un espace fermé, isolé sur lui-même et coupé du monde. Ses limites sont plus ou moins poreuses et restent ouvertes au franchissement.» (Etelain, 2017 : 133) En fait, si l’on contemple la relative facilité à pénétrer ce territoire en comparaison avec le caractère incertain qui détermine la capacité à quitter ce lieu, Area X se présente comme une zone piège. Ceux qui y entrent y sont soumis à ses lois «surnaturel[les] qui ne laissent pas de place à la rationalité.» (128) Dans la zone, on ne sait pas ce qui nous attend, si on en sortira, si on y survivra. Un traquenard qui semble tendu uniquement pour l’espèce humaine, si l’on considère l’absence d’impact que le développement d’Area X a sur les environnements adjacents. La zone inquiète parce que les habitants qui l’occupaient ont disparu, parce que les expéditions qui l’explorent ne reviennent pas, ou en retournent altérées. La faune et la flore qui peuplent Area X, pour leur part, ne portent aucun stigmate relatif à l’apparition de ce nouvel environnement. La biologiste remarque à quel point la nature est inchangée à l’intérieur des frontières de cet espace: «we had experienced almost nothing out of the ordinary. The birds sang as they should; the deer took flight, their white tails exclamation points against the green and brown of the underbush; the raccoons, bowlegged, swayed about their business, ignoring us. » (Vandermeer, 2014 : 11) Le portrait qui en ressort est celui d’une nature vierge on ne peut plus normale. La raison d’être d’Area X pourrait-elle simplement d’être un rempart, un sanctuaire pour la vie sauvage? Réponse insatisfaisante qui ne résout pas de nombreuses interrogations. La présente zone ne s’efforce pas de préserver, encore moins à restaurer un état antérieur d’un espace immaculé: Area X, bien que cela paraisse improbable, possède une visée, un objectif. Ainsi, comme le mentionne Etelain : «La Zone est un espace qui s’autodétermine, à la fois sujet et objet de sa création.» (2017 : 134) Or, qui dit création, dit aussi, dans une certaine mesure, transformation. Une métamorphose qui cherche, à terme, à harmoniser les contraires et à faire fondre certaines frontières.
Area X se pose comme une manifestation exemplaire des théories de l’écocritique matérialiste. Ce courant considère que les éléments qui constituent l’univers, qu’ils soient humains, non-humains ou inanimés, sont interreliés au sein d’un vaste réseau de signification. L’écocritique matérialiste propose une approche singulière en accordant à la matière une forme d’agentivité. Ainsi, selon Serenella Iovino et Serpil Oppermann : « Agency, therefore, is not necessarily and exclusively associated with human beings and with human intentionality, but with a pervasive and inbuilt property of matter, as part and parcel of its generative dynamism.» (2014 : 3) De ce point de vue, nous comprenons que la matière peut créer du sens en s’organisant d’une manière singulière, en redéfinissant ses propriétés et ses frontières. À cet égard, Serenella Iovino et Serpil Oppermann affirment que: « Even though no preordered plot can rigorously distinguish these stories of matter, what characterizes them is a narrative performance, a dynamic process of material expressions seen in bodies, things, and phenomena coemerging from these networks of intra-acting forces and entities.» (2014 : 7) Ainsi, nous remarquons, chez Area X, une volonté de tester ses capacités transformatives de la matière. D’autant plus qu’il est aisé de constater, suivant le sort des différentes expéditions qui ont sillonné la zone, qu’Area X porte un intérêt particulier envers les individus humains qui se retrouvent sur son territoire. Systématiquement, ceux-ci subissent les effets, parfois difficilement discernables, parfois évidents, du contact avec Area X. Un constat que fait la biologiste après la découverte des journaux appartenant aux missions précédentes :
The individual details chronicled by the journals might tell stories of heroism or cowardice, of good decisions and bad decisions, but ultimately, they spoke to a kind of inevitability. No one had yet plumbed the depths of intent or purpose in a way that had obstructed that intent or purpose. Everyone had died or been killed, returned changed or returned unchanged, but Area X had continued on as it always had… (Vandermeer, 2014 : 126, souligné dans le texte)
Pour quelle raison l’humain attire-t-il l’attention de ce territoire? En fait, Area X paraît agir comme si l’éloignement que notre espèce a développé face à l’environnement était perçu comme une rupture écosystémique à réparer. Pour y mettre fin, l’agentivité matérielle déployée par Area X tend à ébranler l’étanchéité des frontières du corps humain pour l’ouvrir au milieu naturel. La zone, comme le mentionne Etelain, «(…) menace l’existence humaine. La dissolution des frontières affecte effectivement en premier lieu l’unité du sujet.» (2017 : 130) La menace, dans le cas présent, plane sur l’existence humaine telle qu’elle se présente dans sa forme actuelle. Grâce à sa faculté de rendre inopérable la technologie sur son territoire, Area X pousse l’humain à l’expérimenter intimement. Une fois à l’intérieur, les règles du jeu s’inversent, et ce n’est, dès lors, plus l’humain qui parcourt la zone, mais plutôt la zone qui examine l’humain, qui soupèse les moyens de faire tomber ses barrières.
De nombreux indices nous permettent de corroborer cette théorie, en commençant par la transformation d’un espace, certes faiblement peuplé, en une terre inhabitée. Bien que les premiers explorateurs d’Area X en parlent comme d’une nature immaculée d’où l’humain est absent, la biologiste découvre les ruines d’un village particulièrement endommagé, au sein duquel reposent d’étranges agrégats de lichen dont elle propose la description suivante : «(…) I also saw a few peculiar eruptions of moss or lichen, rising four, five, feet tall, misshapen, the vegetative matter forming an approximation of limbs and heads and torsos. » (Vandermeer, 2014 : 63) À ces singulières sculptures, s’ajoutent des rencontres avec des créatures particulières, des dauphins aux regards trop humains, un sanglier livrant un masque de détresse pas tout à fait animal. Traversant le territoire d’une bête inconnue, elle remarque les débris d’une mue, qui la mène vers un constat implacable : «When I bent the knees and shone my flashlight ahead, I saw more detritus from a kind of moltering: a long trail of skin-like debris, husks, and sloughings. Clearly, I might soon meet what had shed this material, and just as clearly the moaning creature was, or had once been human.» (94) Une hypothèse qui sera confirmée par l’analyse d’échantillons prélevés sur des animaux morts, ou encore sur les structures de mousse humanoïdes. Alors que les écosystèmes restent intacts, comme le démontrent les nombreuses descriptions que consigne la biologiste, les habitants ou explorateurs humains, eux, se voient imposés un radical processus de naturalisation. Ce remodelage génétique rappelle le concept de trans-corporéalité proposé par Stacy Alaimo dans Bodily Natures. Pour la théoricienne : «Imagining human corporeality as transcorporeality, in which the human is always inter-meshed with the more-than-human world underlines the extent to which the substance of the human is ultimately inseparable from “the environment.» (Alaimo, 2010 : 1) L’inséparabilité, dans Annihilation, se manifeste de manière transgressive, fracturant complètement les frontières conceptuelles et physiologiques entre l’écosystème naturel et l’humain. La biologiste inscrit un passage éclairant à ce sujet :
Imagine these expeditions, and then recognize that they all still exist in Area X in some form, even the ones that came back, especially the ones that came back: layered over one another, communicating in whatever way is left to them. Imagine that this communication sometimes lends a sense of the uncanny to the landscape because of the narcissism of the human gaze, but that it is just part of the natural world here. (Vandermeer, 2014 : 105, souligné dans le texte)
Un lent, mais inéluctable processus de transformation de l’humain est mis en place où, finalement, celui-ci devient partie intégrante de l’environnement, de sa faune ou de sa flore. Dans son essai, Stacy Alaimo cite Moira Gatens qui affirme que :
The identity of the human body can «never be viewed as a final or finished product as in the case of the Cartesian automaton, since it is a body that is in constant interchange with its environment. The human body is radically open to its surroundings and can be composed, recomposed and decomposed by other bodies.» (2010: 13)
En suivant ce point de vue, nous pouvons observer qu’Area X développe de manière radicale la porosité des frontières des corps humains qui y pénètrent. En effet, en redistribuant et reformant leur matériel génétique à travers la faune ou la flore, elle permet une inclusion radicale de ceux-ci dans l’environnement, les obligeant à adopter une vision, un type d’habiter qui referme la séparation arbitraire que l’humain a construite pour se distancier du milieu naturel.
Incorporer pleinement l’homo sapiens dans le paysage, le décomposer complètement pour le disséminer dans un écosystème clos n’engendre pas uniquement une transformation de celui-ci. La dissolution des représentants de notre espèce au sein d’Area X paraît décupler et complexifier le potentiel agentif et sémiotique de la matière, comme s’il subsistait, dans celle-ci, la mémoire de certaines formes ou compétences exclusives à notre espèce. La théorie écocritique matérialiste prête à la matière une capacité de narrativité et de sémiotisation qui trouvent, dans les agissements d’Area X, une résonnance particulière. C’est dans la tour/tunnel que se manifeste le plus clairement le résultat de ce processus. Lors de leur première descente à l’intérieur de cette structure atypique, les membres de l’expédition douze découvrent que les murs sont constellés d’une écriture d’un type inédit :
I saw that the letters, connected by their cursive script, were made from what would have looked to the layperson like rich fernlike moss but in fact was probably a type of fungi or other eukariotic organism. (…) Other things existed in this miniature ecosystem. Half-hidden by the green filaments, most of these creatures were translucent and shaped like tiny hands embedded by the base of the palm. (Vandermeer, 2014 : 17)
Tout porte à croire que certaines compétences sémiotiques inhérentes à l’humanité se sont intégrées à l’environnement, de sorte que certaines créatures, qui ne maîtrisent pas l’écriture, en viennent à utiliser un type d’organisation de la matière qui puise sa forme dans un pratique culturelle qui leur échappe. Comme le fait remarquer Timo Maran : « Bien que la matière sémiotisée soit incapable de produire elle-même des modélisations, elle peut comprendre des empreintes et des traces de modèles, lesquels ont le potentiel de s’amalgamer à de nouvelles interactions sémiotiques. » (2017) L’insertion intégrale d’une espèce dans le biome d’Area X suppose ainsi une diffusion de modèles sémiotiques uniques. Le partage dont il est question dans cette situation particulière n’implique pas une transformation radicale ou un simple transfert de capacité d’une entité à une autre, mais plutôt à une réinterprétation de celle-ci au sein d’un contexte naturel. Nous pouvons postuler qu’Area X, poursuivant son processus d’inclusion du fait humain, opère ici une traduction de l’écrit, écosystème sémiotique, en un véritable écosystème organique. Tout comme les mots d’un texte sont en relation les uns avec les autres et forment, à divers niveaux, des agencements de plus en plus complexes, les mots rédigés sur les murs de la tour/tunnel sont hôtes d’une multitude de créatures interdépendantes, mais possédant chacune des attributs et des comportements distincts. En ce sens, la linguistique utilise le concept de langue vivante pour décrire un langage dont l’emploi est partagé par de nombreux locuteurs. Le partage impliqué dans la présente situation est encore plus problématique, car il se tisse entre ce qui écrit, ce qui habite le texte et celui qui peut l’interpréter. Un procédé inédit qui engage des acteurs d’espèces différentes et qui trouve, dans cette graphie, des usages qui dépassent la communication et l’expression. Le fait de vivre la langue dans ce contexte ne signifie pas uniquement l’utiliser, mais, fondamentalement, d’exister à travers elle.
Que signifie donc, à la lueur de cette exploration, l’insoumission d’Area X? Elle annonce, tout d’abord, la fin d’une ère, d’une époque où le territoire se réduit à une zone que l’on domine et que l’on exploite. Area X dérange, parce qu’elle fait surgir à nouveau l’inattendu, l’imprévisible sur une terre à la fois trop près et trop loin de nous. Si la zone camoufle son essence, cache ses secrets, c’est dans l’intention de constituer un espace qui renonce à se livrer d’emblée, qui force un contact direct avec lui, un toucher si intime que celui qui s’y risque n’en sort pas indemne. Pourtant, Area X ne cherche pas à provoquer, mais à réinstaurer une proximité avec l’environnement. La réécriture de frontières longtemps considérées comme immuables entre l’être humain et le monde naturel ne se fait pas sans heurts, comme on peut se l’imaginer. Area X agit comme une zone d’essai, et la transformation qu’elle impose à l’humanité est aussi radicale que celle subie par la planète en raison des comportements humains. Le phénomène ne vise cependant pas l’anéantissement d’une espèce, la nôtre, mais plutôt à lui faire expérimenter d’autres modes d’habiter et de percevoir l’espace. Un processus qui passe par l’abandon d’une vision anthropocentrique et par l’adoption d’un vivre ensemble qui se manifeste par une interdépendance entre les différents acteurs environnementaux.
Bibliographie