Colloque, 22 octobre 2010
L’atelier des icônes. Théorie de l’image médiatique
Avec Mythologies (1954-1956), Roland Barthes faisait l’hypothèse que sous les images médiatiques, il y a des histoires. Cette proposition suggère un changement d’échelle. Plutôt qu’à partir de la grille œuvre/auteur, elle propose, à la manière de l’anthropologie, l’analyse d’une société à partir de ses mythes. Ce faisant, elle rabat tous les énoncés sur un seul plan, et définit les images comme supports de récit.
Le XXe siècle, qui voit l’émergence simultanée de la classe moyenne et des industries culturelles, creuse un fossé entre la culture lettrée et la «culture populaire», structurée par les médias audiovisuels. Les industries culturelles produisent une objectivation des récits. Effectuées pour des raisons d’opportunité économique, la reprise et la circulation intermédiale des récits leur confère une valeur de généralité, et fait progressivement oublier leur caractère d’œuvre créée. L’objectivation ainsi réalisée favorise l’appropriation collective. La viralité des récits est perçue comme un indicateur de leur pertinence symbolique.
Le récit objectivé devient un métarécit (Lyotard). On distinguera entre récits sociaux (métarécit réputé vrai), mythologies (métarécit réputé faux) et signaux (métarécit implicite). Dans le contexte des industries culturelles, l’image n’a aucune autonomie: elle fonctionne comme support de récit. Sa faculté de donner forme à l’invisible en fait un outil puissant de l’objectivation. Image construite, l’illustration fournit un exemplum – à la fois un échantillon et un modèle. Le rôle des illustrateurs et graphistes est fondamental dans la construction de l’imaginaire.
L’image est la preuve de l’imaginaire. Ses usages apportent la démonstration du rôle central de l’imaginaire dans nos sociétés. N’est-ce pas plutôt l’histoire événementielle qui passe à côté de l’essentiel en s’en tenant à la fiction de la rationalité des sociétés occidentales? Le paysage que dessine une histoire de l’imaginaire n’est pas le même que celui dressé par l’histoire événementielle. Ce qu’il esquisse est la véritable histoire de nos vies, qui attend encore d’être racontée.
André Gunthert est chercheur en histoire visuelle et éditeur multimédia. Maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il dirige le Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine (Lhivic), première équipe de recherche française consacrée aux visual studies, qu’il a créé en 2005.