Colloque, 23 octobre 2010
Insuffisances photographiques? Photographies de presse au XIXe siècle
Il est souvent convenu que la photographie a comblé toutes les attentes des journaux illustrés et des magazines du XIXe siècle en terme d’information visuelle. Ce postulat a légitimé de nombreuses lectures historiques de l’usage de la photographie dans la presse qui s’est majoritairement concentré sur la production photographique. Dans un souci d’efficacité, ces discours n’ont guère traité des usages à proprement parler de la photographie dans les journaux et, ont plus précisément minimisé la médiatisation proposée par les hommes de presse éditeurs et directeurs artistiques. Ce travail de médiatisation auquel se livre ces acteurs, assurant la jonction entre la production des images et le lecteur, témoigne tout autant de l’importance de la photographie comme image d’information et révèle également ses insuffisances médiatiques. En effet, s’il est indéniable que la photographie devient l’image publique par excellence, porteuse des récits historiques et ciment de la mémoire collective, elle n’a cessé de soulever des problèmes médiatiques aux hommes de presse qui, dans l’ombre, ont alors tenté de surmonter ces obstacles.
Il a d’abord fallu inventer les moyens techniques de mêler la photographie aux caractères typographiques: la gravure sur bois puis la similigravure ont permis cette liaison. Dès lors, la photographie est apparue comme une solution à la fois économique et culturelle aux problèmes d’illustration. Cependant, pour transmettre une information, les photographies ont dues être ajustées. En effet, la photographie a les défauts de ses qualités: si elle peut apparaître comme une représentation mécanique offrant un rapport plus direct au sujet, elle est également un enregistrement dont les formes sont souvent difficiles à interpréter. Dans les discours, les hommes de presse revendiquent l’authenticité de la photographie, mais dans la pratique, ils ne s’en livrent pas moins à des ajustements pour assurer le sens des images qu’ils diffusent. Retouches, mises en pages significatives ou légendes évocatrices sont autant d’interventions apportées pour pallier les «carences» de la photographie appliquée à l’information. Mises en place dès le XIXe siècle, ces adaptations sont toujours à l’œuvre dans la presse contemporaine et continuent d’animer les débats. À partir d’exemple précis, cette conférence se propose de revenir aux origines de ces usages et à leurs enjeux.
Thierry Gervais est l’auteur d’une thèse intitulée L’Illustration photographique, Naissance du spectacle de l’information (1843-1914) et le rédacteur en chef de la revue Études photographiques. Il est actuellement accueilli en post-doctorat par l’université de Ryerson (Toronto, Canada), où il enseigne l’histoire de la photographie et travaille sur l’avènement de la figure du photoreporter. En 2007 et 2008, il a été commissaire d’expositions au Jeu de Paume.