Cahiers Figura, numéro 24, 2010

Fictions et images du 11 septembre 2001

Bertrand Gervais
Patrick Tillard
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Par leur force et leur caractère photogénique d’événement image, les attentats du 11 septembre 2001 se sont gravés dans notre conscience, voire notre imagination. Depuis, ils s’imposent comme fait incontournable. Déjà vieux de neuf ans, ils ne cessent d’être réactualisés et leur impact est décisif dans les sphères politique, sociale et culturelle. Ils sont au coeur de l’imaginaire contemporain, comme un mythe qui en serait l’origine. Les articles de ce collectif explorent, à travers un ensemble varié d’oeuvres, l’arc entier des représentations de ces attentats, depuis les premières entreprises de reconstruction symbolique jusqu’aux oeuvres les plus récentes qui mettent en scène les principales figures de cet imaginaire.

Articles de la publication

Bertrand Gervais & Patrick Tillard

Ground Zero

La question s’est souvent posée : quand saurions-nous, au-delà des chiffres, que nous sommes rendus au vingt-et-unième siècle? Les événements du 11 septembre 2001 ont répondu à cette interrogation.

Annie Dulong

Architecture de l’imaginaire

Quelques années après la découverte de la Shoah, Adorno déclarait que la poésie était impossible. La lenteur de la parution des fictions traitant de cette période a pu sembler lui donner raison: il a fallu, après la fin de la guerre et le retour des rescapés, des années pour qu’émerge ce qu’on appelle maintenant la littérature de la Shoah. Des années pour comprendre ce qui s’était passé, des années à compiler des témoignages, des artefacts, des aveux.

Christelle Crumière

Les récits médiatiques du 11 septembre, entre tentatives historicistes et tentations mythiques

Avant même de pouvoir être investis, appropriés par la fiction, les attentats du 11 septembre donnent lieu à une abondante production de récits médiatiques prétendument factuels: les récits informatifs (comptes-rendus, portraits, reportages, enquêtes) parus dans les journaux dans les heures, les jours, et les semaines qui suivent. Or, cette dissociation entre faits et fiction est loin d’être évidente au sein des récits mêmes, l’élaboration narrative du 11 septembre donnant lieu à un impressionnant processus d’hybridation des genres.

Louise Lachapelle

Ground Zero. The Law of the Altar, the Law of the Gate

La reconstruction sur le site du World Trade Center se fonde sur une spectaculaire économie des restes. Cette économie concerne les vestiges matériels qui témoignent encore de l’événement sur le site de Ground Zero, comme les empreintes en creux laissées par l’effondrement des tours, le bathtub ou le slurry wall, le mur qui retient l’Hudson.

Jean-François Chassay

Du 6 août au 11 septembre

Je voudrais dans cet article proposer une hypothèse sous forme de question, qui permet d’imaginer une filiation entre des catastrophes contemporaines qui concernent les États-Unis. On peut la voir comme une fiction, dans la mesure où il s’agit de proposer, d’inventer un lien entre deux événements, de boucler une boucle qui n’existe peut-être que dans mon imagination.

Jean-Philippe Gravel

Temps Ground Zero. Don DeLillo et la «contre-narration» du 11 septembre dans «Falling Man»

Cinéma d’Hollywood mis à part, s’il existe une œuvre dans la culture américaine qui semble avoir écrit d’avance le scénario des attentats du 11 septembre, c’est bien celle de Don DeLillo. Hanté, surtout, par l’héritage de la guerre froide, qui a captivé et inquiété l’imagination d’une Amérique prospère dont les idéaux de progrès et d’autodétermination s’épanouissaient sur un arrière-plan de catastrophe imminente (…)

Éric Giraud

Tension narrative ou infection opportuniste, une lecture d’«Extrêmement fort et incroyablement près» de Jonathan Safran Foer

Le roman de Jonathan Safran Foer, «Extrêmement fort et incroyablement près», se situe à New York et entretient un lien «extrêmement fort» avec les événements du 11 septembre 2001, car ils sont à l’origine de la mort du père du jeune narrateur et de son deuil problématique.

Nicolas Xanthos

Métro, nitro, Ground Zero. Ombres et lumières du 11 septembre dans «Batman Begins», «V for Vendetta» et «Spider-Man 2»

Pour moi comme, je crois, pour la plupart d’entre nous, le 11 septembre n’a jamais existé hors des discours qui l’ont constitué. Même durant cette matinée-là, que j’ai passée devant ma télévision, le 11 septembre n’a pas été un hypothétique «fait bru »: il a été, d’abord, une suite d’images, certaines en direct, d’autres en différé et en boucle, commentée par les journalistes, puis par des experts. Il a été le produit d’un cadrage, d’une segmentation, d’un découpage, visuels ou verbaux.

Charles-Philippe Laperrière

New York en plein cœur. De la double catastrophe dans «25th Hour» de Spike Lee

On connaît surtout le réalisateur Spike Lee pour son exploration des problématiques sociales et identitaires, notamment celles qui touchent la population afro-américaine. De façon générale, et nonobstant les qualités cinématographiques indubitables de celles-ci, des œuvres comme «Do The Right Thing» (1989), «Jungle Fever» (1991) ou «Malcom X» (1992) traduisent une vision plus ou moins manichéenne de la réalité sociale américaine dans laquelle Noirs et Blancs, riches et pauvres, hommes et femmes, luttent, les uns pour la préservation des droits, les autres pour leur conquête.

Françoise Heulot-Petit

Le monologue pour parler du 11 septembre 2001. Le drame de la parole issue du disparu: à propos de «Je rien Te deum» de Fabrice Melquiot et «Trois semaines après le paradis» d’Israël Horovitz

Parler du 11 septembre 2001, c’est évoquer le choc de quelques minutes qui ont frappé des corps et des mémoires, c’est essayer de formuler la brièveté d’une expérience vivante qui ne laisse plus de place aux mots. L’événement touche des humains et semble, au premier abord, bloquer la pensée rationnelle. Comme tout fait historique majeur, il est pourtant sujet à analyses, mais ses conséquences directes restent souffrance et incompréhension. Or, des auteurs dramatiques ont tenté de traduire les actions, les sentiments et les pensées de ceux qui ont vécu la catastrophe.
Nous allons nous attacher à deux d’entre eux.

Aurélie Lagadec

«11 Septembre 2001» de Michel Vinaver. Une reconstruction testimoniale dans un espace polyphonique

«Le 11 septembre 2001, l’impact de deux appareils d’American Airlines sur les tours jumelles du World Trade Center de New- York est filmé en direct. À l’origine était l’image». Cette citation de Jorge Lozano résume avec exactitude et concision la singularité de ces attentats: ils ont donné lieu à un direct télévisuel planétaire. Pour la première fois, un acte pernicieux d’une ampleur historique est représenté en boucle devant nos yeux horrifiés, et nous sommes médusés et incapables d’exprimer nos émotions.

Isabelle Vanquaethem

«La Petite suite au 11 septembre» d’Henry Bauchau. Une réponse poétique au discours médiatique et à sa «folie d’images»

Dans son journal intitulé, d’après le nom de sa rue, Passage de la Bonne-Graine, l’écrivain belge Henry Bauchau témoigne de ce qu’il a ressenti en regardant les tours de Manhattan s’effondrerle 11 septembre 2001: «Les images sont si fortes, l’événement si brutal que dans un premier temps ils écrasent la pensée et le sentiment», écrit-il le soir des attentats.

Christiane Connan-Pintado

11 septembre 2001. Le traitement fictionnel du texte et de l’image dans la littérature de jeunesse

Mon propos dans le cadre de ce collectif sera sans doute un peu marginal, à l’image de la littérature de jeunesse qui, malgré une légitimité mieux affirmée aujourd’hui, reste encore victime de quelques préjugés, en raison des limites inhérentes à un champ qui se désigne et se définit par l’âge de ses lecteurs.

Bertrand Gervais & Patrick Tillard

Conclusion. Le Projet Lower Manhattan

Le collectif «Fictions et images du 11 septembre 2001» s’inscrit dans un programme de recherche plus large, intitulé le Projet Lower
1 Manhattan . Ce programme doit son titre à l’identification du site
de World Trade Center comme «ground zero» et au nom du programme qui a mené à l’invention de l’arme nucléaire, le projet Manhattan. L’objectif du Projet Lower Manhattan est d’analyser le processus de fictionnalisation et de mythification amorcé à partir des événements du 11 septembre.

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