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Un parcours. Une lecture de «Hors les murs» de Jacques Réda

Philippe Archambault
couverture
Article paru dans Les écrivains déambulateurs: poètes et déambulateurs de l’espace urbain, sous la responsabilité de André Carpentier et Alexis L'Allier (2004)

Les premiers mots, tout comme les premiers pas, sont soumis à un étrange vertige: sans appui, ils accomplissent un saut —un passage— initiant et déterminant une marche singulière, qui sans cesse cherche son équilibre dans le pas-à-pas de l’écriture. Cette défaillance qui naît de l’affrontement à la page blanche, surface immaculée qui appelle et réclame l’écriture, est également alimentée par un trop-plein, un foisonnement d’idées et de parcours possibles.

Ainsi, chancelant, nous amorçons une démarche en vue d’explorer et de comprendre une parcelle de l’oeuvre poétique de Jacques Réda. La critique —certains exégètes, du moins— a tôt fait de désigner ce poète français du vingtième siècle par le biais d’expressions («piéton de Paris», «poète en solex», etc.) qui, bien qu’elles ne soient pas dépréciatives, demeurent superficielles comme tout cliché et arbitraires comme toute caricature. Il est vrai que Réda circule parfois en solex, il est vrai également que sa principale aire de déambulation est la région parisienne, mais il y a plus important. Au fil de la poésie rédienne se dessinent des itinéraires qui n’ont rien de touristique, des parcours en marge, loin du centre et de ses attractions; et si parfois, à fleur de bitume ou au long de la Seine, le poète s’aventure au coeur de la métropole, il ne s’y attarde guère, il s’en éloigne pour reprendre sa ronde de rôdeur des périphéries. Chez Réda, et cela dès Les Ruines de Paris (1977), se fait sentir un amour, fait d’attirance et d’attachement, pour les banlieues, pour les espaces suburbains, lieux du bord où la ruine et le vague (l’indéterminé) abritent la merveille et l’espoir. Ce rapport à un territoire particulier (la banlieue) met en perspective non seulement une caractéristique importante de l’oeuvre de Réda, mais aussi et surtout, il ouvre la voie à un questionnement essentiel sur la pratique de l’espace. Ce qui tient à distance le cliché et la caricature.

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