Salon double, 2012
Lectures critiques V
Cette publication rassemble des entrées publiées en 2012 dans la section «Lectures» du site web Salon double, une section dédiée à des textes au caractère hybride se situant entre critique journalistique et la critique spécialisée de type universitaires.
Avec les contributions de Simon Brousseau, Laurence Côté-Fournier, Pierre-Paul Ferland, Brigitte Fontille, Raphaëlle Guillois-Cardinal, Ariane Hivert, Mélissa Jane Gauthier, Désirée Lamoureux, Pierre Luc Landry, Julien Lefort-Favreau, Simon Levesque, Marie Parent, Alice Richir et Gabriel Tremblay-Gaudette.
Articles de la publication
La guerre, menu détail
Œuvre référencée: Echenoz, Jean. (2012) «14». La Grande Guerre sert bien de cadre à son intrigue, pour peu qu’elle le soit, intrigante, mais tout porte à croire que le recours à cette époque sert davantage de prétexte pour décrire des objets du quotidien d’alors –meubles, costumes, le contenu du sac d’un soldat français– que pour revisiter le conflit d’un point de vue politique.
Révolution(s) abandonnée(s)
Œuvre référencée: Thirlwell, Adam. (2012) «Kapow!». Thirlwell annonce un programme esthétique qu’il n’endosse pas entièrement, ou du moins pas jusqu’au bout. L’éclatement du texte est certes spectaculaire aux premiers abords, mais l’auteur ne met pas complètement son procédé au service de sa diégèse.
Roadkill
Œuvre référencée: Séguin, Marc. (2009) «La foi du braconnier». Je propose de retracer le processus identitaire du personnage de «La foi du braconnier» de Marc Séguin, qui rejette tour à tour le mode de vie à l’américaine et la religion catholique pour aboutir dans une sorte de néant identitaire dont la fuite constitue la seule issue.
La parole contre l’aliénation
Œuvre référencée: Ouellette, Michel. (2011) «La guerre au ventre». À la suite de «French Town» (1994) et de «Requiem» (1999), «La guerre au ventre» (mise en scène par le Théâtre du Nouvel-Ontario en 2011) commence par du non-dit, par une difficulté de se dire, transmise d’une génération à l’autre.
Une non-lecture de «On the Road»
Œuvre référencée: Robertson, Ray. (2007) «What Happened Later». La relation que développe Robertson avec Kerouac n’est pas littéraire. En aucun temps, le roman ne se permet un commentaire explicite sur l’œuvre littéraire du Franco-Américain. Bien que Robertson mette en valeur avec astuce la réduction du célèbre écrivain au romantisme de «On the Road» qui traduit une véritable méconnaissance de son projet existentiel, il semble que Robertson entretient néanmoins une sorte de mythe autour de Kerouac. En délaissant l’œuvre au détriment de la biographie de l’homme, ne tombe-t-il pas lui aussi dans le piège de la critique traditionnelle?
S’essayer pour se transformer
Œuvre référencée: Chevillard, Éric. (2011) «Dino Egger». Les récits d’Éric Chevillard se présentent comme plusieurs hybridations de formes. Souvent qualifiés de bizarreries tant par les critiques que par les lecteurs, ils réussissent à déjouer les attentes en subvertissant les règles de la logique littéraire, devenant par le fait même d’excellents exemples de «sabotage» du roman.
Vie éclatée, lectures éclectiques, vie électrocutée. Studio de lecture #1
Œuvre référencée: Rossignol, Jean-Philippe. (2011) «Vie électrique». «Vie électrique», c’est un «roman à soi», un «roman continu» dans lequel chaque pulsation correspond à une journée, une œuvre littéraire, un auteur qu’on apprécie, un lieu qu’on a aimé. Un drôle de roman, en somme, qui ne ressemble pas du tout à un roman mais qui donne envie d’aller lire ailleurs pour voir si on y est.
«Un roman français»: un phénomène de réminiscence planifié
Œuvre référencée: Beigbeder, Frédéric. (2009) «Un roman français». «Je vous préviens: si vous ne me libérez pas tout de suite, j’écris un livre.» «Un roman français» en est la preuve: la menace a été exécutée. C’est à la suite d’une garde à vue, après que Beigbeder a été appréhendé pour consommation de drogue sur la voie publique, que le célèbre auteur écrit et publie le livre qui m’intéresse ici.
Une violente mélancolie
Œuvre référencée: Deville, Patrick. (2011) «Kampuchéa». «Kampuchéa» naît d’une fascination ancienne chez Patrick Deville pour les aventuriers et pour les voyages dans les pays éloignés et peu connus, de préférence des anciennes colonies ou des dictatures bureaucratiques sur le déclin.
Derrière les rideaux de scène
Œuvre référencée: Rolin, Jean. (2011) «Le Ravissement de Britney Spears». Dans «Le Ravissement de Britney Spears», Jean Rolin s’intéresse à l’interprète de «…Baby, One More Time» alors qu’elle est timidement revenue sur scène et qu’elle semble avoir retrouvé une certaine forme de santé mentale, bien qu’elle soit désormais un peu plus bouffie et usée que dans sa prime jeunesse. Nous sommes en 2010, et une autre star remporte cette fois la palme du comportement le plus scandaleux: Lindsay Lohan.
Et si le fils Kermeur n’existait pas?
Œuvre référencée: Viel, Tanguy. (2009) «Viel, Tanguy». Cinquième des romans publiés par l’écrivain français Tanguy Viel, «Paris-Brest» retrace l’histoire d’une famille du Finistère, dont la grand-mère, qui a récemment fait fortune en épousant sur le tard un riche vieillard, est un soir victime d’un cambriolage. Les coupables ne sont autres que son petit-fils et un proche de ce dernier, constamment nommé le fils Kermeur.
Des ailes inutiles
Œuvre référencée: Jauffret, Régis. (2012) «Claustria». Si Jauffret a le mérite d’aborder de front la négativité de l’existence contemporaine, ses façons de faire peuvent laisser perplexe. Il a développé une voix narrative qui lui est propre, une vision du monde désacralisante qui donne souvent l’impression que les relations humaines se réduisent à une mécanique égoïste.
L’Estonie à la première personne
Œuvre référencée: Millet, Richard. (2011) «Eesti. Notes sur l’Estonie». C’est cette Estonie mystérieuse et étonnante que je retrouve dans «Eesti. Notes sur l’Estonie» de Richard Millet. Ce petit ouvrage se lit comme on écoute l’«Aliinale» de Pärt: lentement, en respectant les blancs —qui sont d’ailleurs nombreux.
Des vertus de la rumination
Œuvre référencée: Bock, Raymond. (2011) «Atavismes». Il y a une vitalité dans la fiction de Bock qui s’écarte d’un discours de rejet, de répudiation du «destin» québécois. Même si on suit tout au long d’«Atavismes» «l’homme typique, errant, exorbité» d’Aquin, «fatigué de son identité atavique et condamné à elle», il y a chez ce sujet la soif de traquer partout les traces de son histoire, une histoire ancrée dans la mémoire du corps.