Cahiers Figura, numéro 17, 2007
Aux frontières de l’intime: le sujet lyrique dans la poésie québécoise actuelle
Depuis 1980, une part importante de la production poétique québécoise affiche un parti pris individualiste qui se manifeste notamment par une valorisation de l’intime. Plus récemment, les pratiques semblent se diversifier: tandis que certains auteurs conservent et actualisent l’héritage romantique en adoptant une approche ontologique (demeurant proche de l’intime et s’attachant à la dimension philosophique de la poésie), d’autres manifestent un intérêt renouvelé pour le langage comme forme, adoptant une approche sémiologique. Un troisième courant enfin se fait jour, qui se situe à mi-chemin entre les deux précédents; on revalorise la dimension éthique et politique du poème sans faire de compromis sur les exigences formelles.
La recherche actuelle sur la poésie s’entend à définir le sujet lyrique comme un sujet en procès, jamais fixé, dont l’identité est essentiellement problématique. C’est dire que le sujet poétique ne se pose pas en observateur distant du monde, comme une lecture rapide de certains auteurs pourrait le laisser entendre, mais est partie prenante du monde qu’il constitue en le donnant à lire. À partir d’un corpus d’œuvres poétiques québécoises publiées entre 1980 et aujourd’hui, et à la lumière des plus récents travaux sur la poésie contemporaine et le sujet lyrique, ce collectif étudiera les modes de représentation du sujet, en observant la façon dont le discours poétique s’inscrit dans la réalité contemporaine et ce qu’il en donne à saisir.
Articles de la publication
Présentation: Aux frontières de l’intime
Or comment un sujet qui, somme toute, n’a pas appris à le faire, peut-il du jour au lendemain dire je? Comment se représente-t-il dans son discours, et qu’est-ce que son rapport au langage nous apprend de son rapport au monde? Quels cadres lui servent à définir ses valeurs et ainsi à éprouver son identité? Voilà les questions à la base des travaux ayant mené à l’édition du présent collectif.
Des nous pluriels à la réinvention du groupe
Depuis quelques années, la poésie à visée spirituelle côtoie ainsi sans trop de problèmes un retour aux préoccupations formelles, interdisciplinaires, géographiques, nationales, autant qu’un recours à l’ironie ou, ce qu’il ne faut pas minimiser, une persistance des discours de l’intime, aucune de ces avenues n’ayant d’ailleurs de difficulté à se trouver des ancêtres.
Une poétique de la résistance
À moins de vivre coupé du monde et de toute source d’information, nul ne peut ignorer la pression que nous exerçons sur la planète et les conséquences que nous en subissons déjà. On accuse tour à tour l’individualisme, le capitalisme, l’État, la bureaucratie ou encore les États-Unis, mais imputer l’entière responsabilité à une seule de ces causes, sans tenir compte de la complexité du monde, tiendrait de l’erreur intellectuelle.
Benoit Jutras, l’apaisante violence de l’intime
Le paysage poétique québécois actuel nous donne à lire des oeuvres où le corps est mis à mal. On l’inquiète, on remet en cause son intégrité, on en doute, on le place en situation de danger, de déséquilibre, on le configure autrement, on en arrache parfois des bouts.
Le sujet lyrique en ventriloque. Les proses poétiques de Jean-François Dowd
Pour mieux comprendre les enjeux qui ont orienté les réflexions sur le sujet lyrique au Québec depuis les années 80, il peut être utile d’effectuer un bref retour au milieu des années 60, au moment où Jacques Brault entreprend une critique de l’éloquence, de cette parole qui «débride les passions», comme il le dit dans son texte de 1964 intitulé «Notes sur un faux dilemme»,et «ne vit que de l’inconditionnel et de la croyance».
La faille comme intervalle prolongé chez Hélène Dorion
Au coeur de la poésie d’Hélène Dorion: une faille. Au coeur de la faille: le sujet lyrique. Au coeur du sujet lyrique: une faille. Si cette formule gigogne peut presque à elle seule résumer la portée d’un des motifs les plus récurrents de l’oeuvre poétique d’Hélène Dorion, la faille, dont les derniers recueils continuent de confirmer l’importance, il s’agira ici de questionner l’émergence de ce motif dans le tout premier recueil de Dorion.
Nicole Brossard, le je en mouvement, l’exploration de l’intime
Nicole Brossard se définit comme écrivaine à partir des années 80 (après une période où l’engagement indépendantiste et l’engagement féministe l’ont emporté), et c’est dans cette décennie que son écriture se transforme. Le je réapparaît alors, devient objet d’analyse et la voix intime s’exprime.
Entre lyrisme et autobiographie dans «N’être» de Thérèse Renaud
Thérèse Renaud est signataire du Refus global. Elle publie un recueil de poésie à l’époque où elle fréquente le groupe automatiste, en 1946. Puis, à la suite de son mariage et de la venue d’un enfant, un silence d’une vingtaine d’années la sépare de la reprise de l’écriture. Le reste de l’oeuvre se caractérise par une forte quête identitaire où le sujet féminin tente d’ inscrire sa subjectivité en dehors du discours dominant.
Au rythme blanc des «Lignes aériennes» de Pierre Nepveu
L’espace est occupé. Il l’est par la subsistance du tragique dans un monde qui l’a oublié, ou qui lui a donné d’autres noms. Autant dire qu’il est occupé par un problème posé directement à la poésie.
Poétique d’Hélène Dorion. Un sillon dans la spirale
Quel est le lieu du sujet lyrique’? Cette interrogation permet d’emblée de repenser la notion même de lieu. Est-ce là où l’on se situe ou là où l’on va?