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Présentation: Aux frontières de l’intime
Au cours des années 50 et 60, les poètes québécois ontappris à parler au Nous. Soucieux de contribuer à l’affranchissement des contraintes idéologiques, politiques et religieuses de même qu’à l’affirmation nationale, ils ont créé entre autres ce qu’on a nommé la «poésie du pays». Le meilleur exemple en est la naissance des éditions de l’Hexagone (en 1953), maison caractérisée tant par la culture qui l’animait alors que par la nature des écrits qu’elle publiait. Les années 70, traversées par une succession d’avant-gardes littéraires, présentent deux tendances: dans la production inspirée par la contre-culture, on observe une sorte de prolongement du sujet collectif, tandis que les tenants du formalisme tentent pour leur part d’évacuer le sujet. Les premiers se rencontrent dans des revues comme Mainmise et Hobo-Qllébec. Les seconds publient entre autres à La (Nouvelle) Barre du jour et aux Herbes rouges. Les années 80 sont marquées par l’essor de ce qu’ il est convenu d’appeler la «poésie intimiste», qui s’exprime notamment par l’affirmation d’un sujet singulier et un retour au lyrisme. Il semble alors que les cloisons sautent. Si les lieux de diffusion demeurent en aussi grand nombre, les écoles et les idéologies d’avant-garde se font de plus en plus timides et s’édulcorent finalement jusqu’à disparaître, jusqu’au reniement parfois. On assiste à un phénomène de fragmentation des anciennes communautés d’intérêts. De cette nouvelle société d’individus émerge une littérature où le sujet, celui qui dit je, semble de plus en plus isolé. Or comment un sujet qui, somme toute, n’a pas appris à le faire, peut-il du jour au lendemain dire je? Comment se représente-t-il dans son discours, et qu’est-ce que son rapport au langage nous apprend de son rapport au monde? Quels cadres lui servent à définir ses valeurs et ainsi à éprouver son identité? Voilà les questions à la base des travaux ayant mené à l’édition du présent collectif.