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Benoit Jutras, l’apaisante violence de l’intime
Le paysage poétique québécois actuel nous donne à lire des oeuvres où le corps est mis à mal. On l’inquiète, on remet en cause son intégrité, on en doute, on le place en situation de danger, de déséquilibre, on le configure autrement, on en arrache parfois des bouts. Bien qu’il serait ridicule de parler, à propos de ces recueils récents, d’un nouveau «courant» de poésie, on peut mettre en relation, au sujet de cette voie éclatée empruntée pour représenter le corps, son intimité et son identité, les livres de jeunes poètes comme Mélanie Grenier, Karine Hubert et Alexandre L’Archevêque. Les deux livres de poèmes en prose de Benoit lutras, Nous serions sans voix et L’étang noir, s’inscrivent dans cette mouvance poétique dont l’un des aspects consiste à déranger le sujet et son corps. Comme ces deux recueils ont été publiés un peu avant ceux mentionnés plus haut, on pourrait avancer que Jutras a en quelque sorte donné le coup d’envoi d’une autre manière de mettre en scène, au vingt-et-unième siècle, la corporéité du sujet poétique.