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The Immensity of the Here and Now

Chloé Tazartez
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: West, Paul (2003) The Immensity of the Here and Now. A Novel of 9.11, Rutherford, Voyant Publishing, 231p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Shrop a perdu sa philosophie et son passé dans les attentats du 11 septembre. Il tente de retrouver la mémoire à l’aide d’une psychothérapie avec son ami Quent. Ayant perdu ses jambes pendant la guerre (du Vietnam, j’imagine), Quent refuse que son infirmité et son traumatisme soient comparés à ceux de Shrop. Il ne retrouvera jamais ses jambes alors que Shrop peut retrouver la mémoire ou bien la reconstruire.

Lors de ces séances puis lors de leurs visites à Ground Zero, les personnages développent une réflexion sur le traumatisme, l’oubli, la violence, la souffrance, le langage, réflexion qui s’engage sur un mode fragmentaire et labyrinthique. Quent est-il un double que Shrop s’est trouvé pour surmonter les événements du 11 septembre ? Que viennent faire les voisins de Quent que Shrop prend pour d’anciens Nazis ? Shrop affirme essayer de surmonter la souffrance qu’il ressent et qui est liée à sa perte d’identité, mais il nous semble plus qu’il s’y complaise. Lorsque Quent se suicide par immolation sur le site même de Ground Zero, Shrop prend conscience qu’il n’a jamais envisagé cette issue radicale.

En quête de mots pour exprimer son désarroi, pour lui permettre de reprendre contact avec la réalité, Shrop triture le langage dans tous les sens, cherche une porte de sortie à sa situation, revenant sans cesse à une fascination pour des lieux devenus sacrés comme Idlewild (l’actuel aéroport JFK) ou Ground Zero.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman fragmentaire.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La première partie du roman est composée d’une alternance de chapitres portant les noms des deux personnages avec une narration à la première personne assumée tour à tour par Quent et par Shrop.

La seconde partie sort de cette dichotomie pour errer jusqu’à Ground Zero et d’autres lieux. La narration est passée à la troisième personne du singulier, avec un narrateur hétérodiégétique très peu présent, qui se focalise par moment sur les personnages, surtout Shrop.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Nous sommes dans l’après 11 septembre. Les attentats ne sont pas racontés. Il n’est fait mention que du traumatisme et de Ground Zero. La présence des attentats est donc générique tout en se focalisant seulement sur New York.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont totalement absents, nous n’avons d’eux que leurs conséquences psychologiques et politiques (il est fait mention de « war on terror »). Le site de Ground Zero est objet de fascination. Il est totalement sacralisé, c’est un lieu de pèlerinage. Les attentats ne sont pas du tout racontés, ni le crash des avions, ni l’effondrement des tours. Il n’est jamais question du pourquoi et du comment, l’objet principal de ce livre est le traumatisme et sa gestion, qu’il soit dû aux attentats du 11 septembre ou bien à la guerre.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Shrop est amnésique depuis les attentats du 11 septembre. Pourtant, il n’était pas dans les tours. Il considère qu’il est quelqu’un de spécial, qu’il a vécu cet événement de manière particulière, pas comme tout le monde. Il était philosophe mais n’a jamais publié. Toute sa pensée s’élaborait à l’oral, c’est pourquoi il n’en reste aucune trace, aucun indice à partir duquel il pourrait la reconstruire. Depuis les attentats, Shrop est paranoïaque, il pense qu’il y a des assassins parmi eux, qu’il faut les trouver et les empêcher de nuire. Il s’est construit une sorte de routine dans laquelle il est en quête de sa philosophie. Quent dit de lui :

« What is clear, to me at any rate, is that he has found in Ground Zero an image to fix on, something recent he has had no chance to forget although his version of it is highly choosy. » (p.30)

Quent n’est pas personnellement affecté par les attentats du World Trade Center. C’est un mutilé de guerre, mais on ne sait pas de laquelle. Il s’agit probablement de la guerre du Vietnam, même s’il est souvent question de la deuxième Guerre mondiale à travers la paranoïa de Shrop qui croit que ses voisins sont des Nazis. Par contre, Quent est fasciné par le site de Ground Zero dès qu’il s’y rend pour la première fois avec Shrop, pour voir de ses propres yeux ce que c’est. Il y retourne par la suite et ne semble plus porter d’intérêt aux autres aspects de sa vie. Il annule notamment des séances de thérapie avec Shrop pour aller en taxi à Ground Zero. Médaillé de guerre, dans un fauteuil roulant, il finit par se suicider par immolation sur le site même des tours.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

pas de son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Pas de travail iconique.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

“West gives voice to two men : Shrop, who struggles to recover his memory and the philosophical “grid” in which he slip-cased the world – both lost with the destruction of the Twin Towers ; and Quent, the war-wounded therapist who tries to restore Shrop’s identity, but loses his own grip on reality in the process.
Both men, pushed beyond their limits in the aftermath of 9.11, become symbols of what the I Ching calls “Brilliance Injured.” With the exhilarating prose that has become his trademark, West evokes a world crippled by terror and fueled by rage.

The Immensity of the Here and Now is a moving and profound meditation on the tragedy of 9.11, spun out in a dialogue between these two men. West brings to the subject his unparalleled skill as an observer, his uncanny ability to fill the gap between the telling and the event, and the verbal alchemy that has made him one of the world’s most critically acclaimed writers.”

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Je n’ai pas trouvé d’informations sur les intentions de l’auteur.

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Pas de dédicace.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

http://www.goodreads.com/book/show/800130.The_Immensity_of_the_Here_and_Now [Page consultée le 8 septembre 2023]

http://www.villagevoice.com/2003-09-09/books/forever-bummer/ [La page n’est plus accessible.]

http://www.nysun.com/comments/22584 [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Impact de l’œuvre

L’impact de l’oeuvre est faible si l’on se fie au peu de critiques que l’on trouve sur internet. L’œuvre n’est jamais citée dans les appels à communication et je n’ai pas encore trouvé de travaux universitaires la mentionnant.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

La fictionnalisation des attentats du 11 septembre commence dès le paratexte à travers la présence d’un sous-titre : « a novel of 9.11 ». Le « of » annonce l’orientation du roman : ce n’est pas un texte sur les attentats, mais qui découle des attentats. Nous sommes à New York, trois ans après les événements, le site n’est pas encore complètement déblayé. Il n’y a jamais d’analepse qui nous renseignerait sur ce que faisaient les personnages ce jour-là. Le cadre, comme l’indique le titre, est bien « l’ici » et le « maintenant ». Les mouvements dans le passé qu’effectuent Shrop et Quent dans le cadre des séances de psychothérapie, sont en réalité de pures constructions fictionnelles : Quent a inventé un passé à Shrop. D’autre part, aucune chronologie ne nous est indiquée, les moments se succèdent sans que nous connaissions leur durée ni combien de temps s’écoule entre eux. Tout ce que que nous savons, c’est que la narration se déroule trois ans après le 11 septembre. L’accent est mis sur les lieux, qui prennent une valeur d’ancrage et de sacré. Quent est fasciné par Ground Zero, au point où il s’y suicide. Le spectacle de ce site a apparemment détruit toute possibilité d’illusions sur sa vie, sa situation et le monde qui l’entoure. Le choix de l’immolation fait d’ailleurs penser à un sacrifice rituel : il se punit lui-même, mais pourquoi ? C’est ce qui interpelle Shrop.
L’agonie des victimes du 11 septembre obsède Shrop. Il voudrait savoir comment elles ont fini et déplore le peu d’informations disponibles sur ce sujet. Il dit vouloir expérimenter tout ce qu’elles ont vécu. Les attentats sont dans les non-dits, dans les points d’interrogations de Shrop, dans la fascination des personnages.

Le 11 septembre sert de mythe fondateur pour Shrop : son nouveau lui, amnésique, commence avec les attentats. Ils sont une sorte de point de repère assez récent, comme le fait remarquer Quent, pour qu’il s’en souvienne. Ils deviennent fondateurs d’une nouvelle ère, d’une nouvelle vie, d’un nouveau monde pour Shrop, et par extension pour les autres. Dans ce monde, Quent ne peut plus être psychanalyste et ne peut plus vivre. Le 11 septembre est également aux origines de ce livre, il est ce qui motive l’écriture, ce qui l’obsède, ce qui la fuit. Il est cet insaisissable rôdeur qui fait de ce texte un récit fragmentaire.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

“Two things occupy him almost to the brink of opportunist tedium. Why did it take Quent three years to arrive at his decision ? And what is it about Ground Zero that so enrages everyone ? To the first of these, he answers that Quent had to wake out of a useful dream, a dream of being useful to others as a kind of rehabilitation that in the end went for naught. The other question, dazzling in its completeness, he finds much more difficult, but in some way he thinks the two problems are connected, as if it took Quent three years to be dazzled by an event that had no meaning beyond the everyday clutter about motives and outcomes. After three years, Quent had discovered that something had happened that was nothing – not a symbol or an emblem, but an experience having nothing to do with life or even death, what Shrop ages ago had with some reluctance called anti-biotic, an anti-life thing. (…) Could it be, Shrop wondered, that giving up his shattered life was Quent’s way of forging an emotional response to the nullity of Ground Zero ?” (p.162)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

La lecture de ce roman est laborieuse et je pense que cette souffrance participe à la construction du sens du récit. C’est le mouvement d’une pensée, de plusieurs pensées, qui ne font que tourner autour de Ground Zero. La réflexion sur le langage est centrale et participe à l’aspect un peu ardu de ce texte.

Couverture du livre

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