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The Futurist

Benjamin Mayo-Martin
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Othmer, James P. (2007) The Futurist, New York, Anchor Canada, 257p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Au lendemain d’une rupture amoureuse, David Yates, futuriste de profession, s’envole vers l’Afrique du Sud pour aller participer à la Futureworld Conference. Arrivé sur place, il est immédiatement pris en charge par les principaux commanditaires de l’événement. Le lecteur est alors convié à une vie de stars qui côtoie les plus démunis. C’est dans cette atmosphère morose que Yates se met à réfléchir sur son rôle dans ce monde où la loi du plus riche dicte le mode de vie de chacun. Après s’être réfugié dans les méandres de la boisson deux jours entiers et avoir rédigé son discours sous la dictature d’un mal de tête carabiné, Yates va à l’encontre de toutes les attentes en émettant des critiques virulentes envers ses employeurs et ses collègues lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence internationale.

Plutôt que de sonner la fin de sa carrière, comme il l’espérait, son discours amène deux hommes, Johnson et Johnson, à lui offrir un emploi à la solde d’un groupe de pression mystérieux qui lui demande un état des lieux de la perception qu’a la population mondiale des Américains. Après maintes tergiversations, Yates accepte les billets d’avion et les cartes de crédit illimité qui lui permettront de parcourir le monde à la recherche de réponses.

La mission que poursuit Yates donne dès lors lieu à de nombreuses anecdotes. Par exemple: il assiste à un attentat antiaméricain à Milan, il se fait menacer par un mystérieux correspondant ayant comme pseudonyme Nostradamus ou encore il s’amourache d’une escorte de luxe qu’il enlève des mains de ses maquereaux. Finalement, c’est à Bas’ar, capitale d’un État fictif du Moyen-Orient qui ressemble à s’y méprendre au Bagdad de 2005, que Yates échappe à une tentative d’assassinat d’une milice armée sous le contrôle d’un service de sécurité américain.

La seule mention des attaques sur les tours jumelles est en relation directe avec la rupture de Yates qui est fondatrice de la trame du récit, tout comme les événements du 11 septembre sont fondateurs de la situation géopolitique décrite dans le roman. À travers des réflexions pessimistes sur l’état actuel du monde, Othmer, par son ironie et par son humour noir, trace un sombre portrait d’un Occident post-11 septembre sous la coupe de multinationales sans scrupule.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Le roman écrit à la troisième personne peut s’apparenter à une autofiction puisque l’auteur révèle lui-même en entrevue qu’il s’est grandement inspiré de son expérience dans le domaine de la publicité pour écrire cette cynique fiction.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Narration à la troisième personne dont le centre focal est David Yates.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique. Les événements y sont nommés une seule fois explicitement. Toutefois, le 11 septembre est un sujet latent tout au long du roman.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Non, il n’y a que mention de la date des événements.

i) Le point de vue sur les événements est ultérieur. Les événements en tant que tels, même s’ils sont en sous-texte, sont omniprésents. La rupture amoureuse qui est fondatrice du roman est mise en relation directe avec le 11 septembre qui, lui, symbolise une rupture politico-historique entre l’Amérique et le monde musulman. En effet, la date d’anniversaire de la relation qui se termine est celle du 11 septembre. De ce fait, la corrélation entre la rupture amoureuse et les attaques sur les tours jumelles est, pour le protagoniste du récit, l’élément à l’origine de son cynisme. Pour Yates, le 11 septembre est l’événement qui enlève toute crédibilité aux gens qui pratiquent son métier puisque personne n’aura su les prévoir. Les attentats sont également à l’origine d’un nouvel ordre du monde, ils font naître de nouvelles préoccupations pour les dirigeants des États-Unis et sont symboliquement représentés comme une rupture par rapport au monde d’avant les attaques.

«Yates thinks. “Our anniversary was September the eleventh.”

“No way.”

“Absolutely. It’s too outrageous to invent.”

“That year?”

“No but still. Talk about a sign.”» p.169

ii) L’avion est le moyen de transport de prédilection du personnage principal. Yates y prendra d’ailleurs connaissance de la lettre de rupture de sa copine dans l’incipit du roman. C’est dans un avion que le monde s’effondre pour Yates; ce sont des avions qui ont fait s’effondrer le monde comme nous le connaissions. Le lien ici semble ténu, mais après une lecture attentive de l’œuvre nous comprenons que le lien n’est pas fortuit.

Il y a également deux autres moyens de transport qui revêtent une importance certaine : une Vespa qui explose dans les rues de Milan, ainsi qu’un véhicule tout terrain, blindé et armé, indispensable pour la visite d’un pays pourtant réputé paisible, du moins selon les autorités et les multinationales en place.

iii) Les moyens de communication dans le roman sont au centre de l’intrigue, que ce soit le téléphone portable ou l’ordinateur portable équipé d’Internet sans fil. En effet, perdu en plein Pacifique Sud, Yates réussit à entrer en contact avec sa famille dans un coin de l’île où il se retrouve desservi par un réseau Internet sans fil. De plus, grâce à son téléphone portable, Yates reste en contact autant avec les Johnson et Johnson qu’avec sa famille et ses amis.
En fait, les instruments les plus importants dans la vie du protagoniste, ce sont ces deux instruments de communication: téléphone et ordinateur. Yates, sans voiture ou domicile fixe, n’a d’autres possessions que ces deux instruments qui, sans cesse, sont source de rebondissements, heureux ou malheureux.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

À première vue, les liens entre les événements du 11 septembre et les principaux protagonistes du récit semblent faibles, voir même inexistants. Par contre, en prenant comme assise principale la rupture amoureuse entre Yates et Lauren dont la date d’anniversaire coïncide avec les attaques terroristes, plusieurs lectures pertinentes en lien avec le sujet qui nous intéresse peuvent se déployer.

David Yates, le personnage principal du récit, souligne l’importance qu’ont eu les événements du 11 septembre pour lui. Non seulement ils sont fondateurs du monde dans lequel il évolue, mais ils ont engendré des remises en questions sur ses valeurs dominantes dans le contexte d’une nouvelle ère géopolitique où l’armement et la force de frappe prévalent sur l’argumentation diplomatique.

Le point de vue de Yates sur les événements est celui d’un homme occidental qui gravite dans les sphères de l’industrie internationale. Il analyse les besoins des consommateurs pour permettre aux entreprises de répondre à cette demande. Cette situation de conseiller vendeur qui cherche à savoir ce dont les consommateurs auront besoin demain pousse Yates à faire l’analyse de ce monde. Les objectifs de sa profession, mis en corrélation avec l’état d’esprit dans lequel il est plongé après sa rupture amoureuse, le poussent à dresser un portrait de l’Amérique pour le moins désastreux. Il conclut qu’elle est perçue dans le monde post-11 septembre comme un empire qui préfère aux relations internationales des politiques guerrières ayant comme objectif ultime d’asseoir des  multinationales dans des endroits avantageux comme dans les pays ayant de fortes réserves de pétrole.

Abordé d’un point de vue individuel, le récit se situant en aval des événements ne représente aucun personnage impliqué de près ou de loin dans les événements du 11 septembre. Cependant, l’angle adopté par le roman incite à se questionner sur les impacts des attaques et sur le détournement de ceux-ci par des intérêts privés qui capitalisent sur le malheur d’autrui.

De l’aveu même de l’écrivain, ce roman vise à critiquer le monde du marketing et de la publicité qui font la promotion de n’importe quel produit, sans tenir compte du bien-être d’autrui.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son n’est présent, mais un site web1Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée] hautement interactif a été mis en place pour en faire la promotion.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Il y a un travail typographique qui est entrepris dans ce roman. Lorsque le lecteur se trouve devant un discours de David Yates ou devant un courriel que celui-ci lit, les caractères sont différents. Le travail iconique fait sur le texte sert essentiellement à faire la distinction entre la narration et la mise en abyme d’une interface électronique.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Yates is a Futurist. Which is to say, he makes a very good living flying around the world dispensing premonitory wisdom, a.k.a. prepackaged bullshit, to world governments, corporations, and global leadership conferences. He is an optimist by trade and a cynic by choice. He’s the kind of man who can give a lecture, on successive days, to a leading pesticide manufacturer and to the Organic Farmers of America, and receive standing ovations at both.

But just as the American Empire is beginning to fray around the edges, so too is Yates’s carefully scripted existence. On the way to the Futureworld Conference in Johannesburg he opens a handwritten note from his girlfriend, informing him she’s left him for a fifth-grade history teacher. Then he witnesses a soccer riot in which five South Africans are killed, to the chagrin of the South African P.R. people at Futureworld. Fueled by a heroic devastation of his minibar and inspired by the rookie hooker sent to his hotel room by his hosts, Yates composes a spectacularly career-ending speech at Futureworld, the delivery of which leads to a sound beating, a meeting with some quasi-governmental creeps, and a hazy mission to go around the world answering the question: Why does everyone hate us?

Thus begins an absolutely original novel that is fueled by equal parts corrosively funny satire, genuine physical fear, and heartfelt moral anguish. From the hideously ugly Greenlander nymphomaniacal artist to the gay male model spy to the British corporate magnate with a taste for South Pacific virgin sacrifice rituals, THE FUTURIST manages to be wildly entertaining and deadly serious at the same time.

Finally, a novel that gives the minibar its due.

Powell’s Books


Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Discuss the real world, contemporary parallels to things like space tourism, Destination Bas ‘ar, staged/scripted news conferences, corporate excess, the selling of Brand America to the World?
On first read, some of these things may sound made up, but they were dropping into my lap left and right. Space Tourism is always in the news. See Paul Allen’s project and Richard Branson. Corporate excess? Enron, Halliburton and Tyco I believe are only the beginning, and not just a byproduct of NASDAQ hysteria. Staged, scripted press conferences? See Donald Rumsfeld in Iraq. Karen Hughes in Saudi Arabia. Ari Fleischer. Scott McClellan. See the U.S. paying the Arabic media to run “Things are looking up!” stories. Even before Karen Hughes was sent to the Middle East as cultural liaison, there was an ex ad exec named Charlotte Beers who was charged with selling Brand America to the region. That was our answer to 9/11. Bad TV. And finally, when I was writing this, I stumbled upon a Web site for an actual business expo called Destination Baghdad that was scheduled to take place months after American troops took the city. Since then I believe it has been postponed and rescheduled numerous times. But it was there, and it was clearly all about making money on the new nation. And I knew right away that Yates had to go to something very similar.

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«For Judy »

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

New York Times [Page consultée le 8 septembre 2023]

USA Today [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Village Voice [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Site du livre [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Impact de l’œuvre

Publiée dans 14 pays, l’œuvre est en cours d’adaptation cinématographique.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Malgré le peu de place fait aux événements comme tel, le roman de James P. Othmer s’inspire directement des impacts du 11 septembre dans le monde industriel et dans le monde politique. Ce roman s’inscrit donc dans un rapport post-11 septembre et est inspiré des impacts de ceux-ci dans la relation du monde face à l’Amérique

Le lien qui se noue entre la rupture amoureuse du futuriste et la rupture que crée les événements du 11 septembre dans l’histoire de la géopolitique mondiale est la pierre angulaire du récit puisque la rupture amoureuse est l’élément qui initie le récit.

D’emblée, dans l’incipit du roman, c’est l’avion qui est le lieu de la rupture. C’est ce lieu de transition par excellence qui est le théâtre des malheurs de Yates. C’est une rupture sans équivoque qui ne laisse aucune place au dialogue, mais qui impose la volonté de Lauren à un Yates impuissant. Le lieu de transition est également le lieu de la rupture. Tout comme les avions fracassant l’orgueil de la ville de New York sans laisser de place au dialogue, la lettre de Lauren à l’attention de David Yates est une bombe larguée dans un ciel bleu. La métaphore ici n’est pas fortuite ni exagérée puisque le lecteur apprendra au cours du récit que la relation avec Lauren avait pour origine le 11 septembre.

La critique acerbe du monde dans lequel évolue Yates est en lien direct avec les événements du 11 septembre et la réaction contre les actions du gouvernement américain face à la menace grandissante du terrorisme. Les rapports qu’entretient Yates avec son entourage sont stigmatisés par la relation entre l’Américain et le citoyen du reste du monde. Ce rapport qui caricature l’Américain comme un riche vacancier peu soucieux de son entourage met en relief une doxa persistante.

Il est également  fort intéressant de voir comment se caractérise la dernière destination du protagoniste et comment cette ville, Bas’ar, fait écho à Bagdad. Cette dernière partie, la plus cynique du roman, est empreinte d’un rapport au réel qui ne peut que souligner le contrôle serré de l’information qui a sévi lors de la conquête de l’Irak par les États-Unis. Le président Bush s’était même servi à l’époque d’un argument qui laissait entendre que l’Irak devait être libéré de son tyran parce qu’elle était l’alliée d’Al Qaeda alors qu’après vérification ces assertions se sont révélées fausses. Le cynisme de la narration croît allègrement dans cette partie où Yates doit se plier à la volonté de financiers qui veulent faire passer ce pays, encore en proie à la guerre civile, comme étant un lieu rempli d’opportunités d’affaires où la paix règne grâce à un gouvernement démocratiquement élu. La réalité est toute autre puisque dans les faits un seul complexe de bâtiments est sécurisé dans tout le pays et que les «publi-reportages» qui y sont montés dévoilent une hypocrisie crasse de la compagnie en charge du développement économique de la région.

Le cynisme et l’humour noir qui hantent les lignes du texte sont un symptôme bien palpable de la méfiance de la population envers le corps politique qui se faisait sentir à l’époque aux États-Unis. En effet, par le jeu hypocrite auquel doit se soumettre Yates, Othmer souligne le manque de confiance et le mystère dont se voile le gouvernement républicain alors au pouvoir. En faisant de Yates un pantin obligé, à son corps défendant, de promulguer une victoire sans conteste de l’envahisseur, il ne reste qu’un pas à faire pour établir un lien avec ce qui se passait en Irak.

La figure du mercenaire privé et des services secrets américains y est largement traitée. Les Johnson et Johnson sont à peu de choses près l’équivalent dans l’imaginaire du complot des hommes en noirs qui recueillent des informations sensibles afin de mieux manipuler la population. Ainsi, dans une moindre mesure ce roman pourrait enrichir les théories du complot.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Yates thinks. “Our anniversary was September the eleventh.”

“No way.”

“Absolutely. It’s too outrageous to invent.”

“That year?”

“No but still. Talk about a sign.”» (p.169)

«He once spoke before the graduates of Bible college in Virginia about the future of God and one week later delivered the keynote address to the Adult Video Distributors Conference in Vegas about the future of porn, and received standing ovations at both.» (p.145)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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