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Phase One After Zero

Benjamin Mayo-Martin
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Chernozemsky, Vladimir (2005) Phase One After Zero, Los Angeles, Triumvirate Publications, 166p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Et si Timothy McVeigh avait fui les lieux de l’attentat d’Oklahoma City pour se réfugier au Canada, aidé par un réseau terroriste fidèle aux davidiens décimés au siège de Waco, que serait-il advenu de cet ex-marine? Aurait-il poursuivi sa guerre contre le gouvernement américain par l’entremise d’autres réseaux terroristes? Aurait-il participé aux attaques du 11 septembre? Se serait-il repenti et aurait-il cherché à sauver New York des attaques terroristes? Était-il un extraterrestre originaire de Vegha 77 envoyé sur terre pour préserver la paix?

Ce sont là les questions que pose Vladimir Chernozemsky dans son roman Phase One After Zero. Le roman admet d’emblée l’hypothèse selon laquelle une multiplicité de mondes évoluent en parallèle. Ce roman serait dès lors un univers dont les prémisses sont prélevées dans les journaux à potins de notre réalité.

Le principal protagoniste du récit, l’alter ego de Timothy McVeigh, baptisé Gregory MacPherson, échappe à la police fédérale américaine suite à l’explosion d’un bâtiment d’Oklahoma City. Il se réfugie à Hamilton où il rencontre une adolescente dont il s’éprend puis passe par Montréal où il s’acoquine avec la mafia locale avant d’être catapulté par avion cargo au Moyen-Orient. À Beyrouth, il rencontre Abdulah Atta (l’alter ego de Mohamed Atta) qui, après lui avoir fait goûter au luxe et à la luxure, l’embrigade. S’ensuivent de nombreuses péripéties plus invraisemblables les unes que les autres : MacPherson rencontre ben Laden en Afghanistan, il participe à des partouzes à Karachi tout en maintenant le contact avec Lydia, l’adolescente canadienne. Il devient instructeur pour Al-Qaeda, il se convertit à l’Islam, entre dans le cercle des intimes d’Oussama ben Laden et apprend à piloter des avions Cessna en Floride avant de créer une diversion au WTC en déclenchant l’alarme trois jours avant l’attaque prévue sur les tours jumelles le 11 septembre.

Ultimement, l’alter ego de Timothy McVeigh sauve New York du désastre en avertissant in extremis le FBI des attaques imminentes dirigées contre les deux tours par le biais d’un lien télépathique avec sa dulcinée devenue délatrice. Il détourne un avion au-dessus de la Pennsylvannie pour le compte de Abu Atta avant d’avertir Cliff, l’agent du FBI sur lequel la narration alternée focalise de temps à autres, et de se sacrifier pour le bien des Américains en aidant à l’écrasement de l’avion.

L’écriture y est mécanique et le schéma actantiel répond au modèle classique du suspense. La part du didactisme y est grande et laisse peu de place à l’interprétation. Les dialogues du roman sont pauvres et les personnages y sont d’une simplicité déconcertante. Un exercice de leitmotiv laisse transpirer une morale naïve: la phrase « evil is fighting evil » revient sans cesse; ce sont les bons qui gagnent, aidés du méchant MacPherson.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Le roman se présente comme un roman de science-fiction des années soixante-dix (voir la photo de la couverture).

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La narration, ultérieure aux événements, se fait à focalisation interne variable et à quelques reprises elle adopte la posture omnisciente. Le discours rapporté domine tout le récit.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée. Les tours 1 et 2 du World Trade Center deviennent la cible ultime de l’alter ego de Mohamed Atta. Un chapitre entier se déroule, en date du 7 septembre 2001, à l’intérieur même du WTC2. Il donne lieu à une bataille sur le toit et à la séquestration de Lydia au vingtième étage avant qu’elle ne soit libérée par Cliff, le seul agent des États-Unis ayant compris que des terroristes fomentent un complot visant les tours du WTC. Ce même jour, un commando de deux avions de type Cessna crée une diversion pour décourager l’armée américaine de réagir lors des attaques plus importantes prévues le 11 au matin.

Suite à cette première tentative d’attaque, une course contre la montre opposant les couples Atta-MacPherson et Cliff-Lydia s’engage. Heureusement, les pouvoirs télépathiques de Lydia auront raison des plans diaboliques de Abu Atta et d’Al Qaeda puisque MacPherson choisit de lui divulguer les informations essentielles qui déjoueront les plans terroristes.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

La tentative d’attaque du 11 septembre alternatif y est présentée de façon explicite. Nous avons droit au dernier repas des pirates de l’air et aux préparatifs entourant l’embarquement dans l’un des avions destinés à s’écraser sur les tours jumelles. En terme d’espace accordé dans le livre aux attaques du 11 septembre 2001, Chernozemsky s’épanche plus amplement sur la scène de la diversion que sur celle des attaques du 11 septembre.

Puisque les attentats ont échoué, le livre est peu loquace sur la journée du 11 septembre. La présence de descriptions d’ambiances qui pourraient régner dans la ville manque cruellement. La narration s’attarde plutôt à décrire le drame que vit un couple improbable, Lydia et Gregory MacPherson, séparé à jamais par la mort ou par plusieurs années lumières, nous ne le saurons jamais.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Tous les personnages que nous croisons dans le roman sont impliqués de près ou de loin dans le dénouement du récit. Ils participent tous directement ou indirectement aux tentatives d’attaques ou à leur échec. MacPherson prévient à la dernière minute l’agent Cliff qui tente par tous les moyens d’éviter le carnage. Lydia, par ses dons télépathiques, découvre le lieu de décollage des kamikazes. Cliff prend sur lui la responsabilité de la manoeuvre de défense déclenchée après les révélations de Lydia. Abu Atta tente de mener à bien le projet qu’Oussama ben Laden lui a confié.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son n’est présent.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aux pages vingt et vingt et un le texte adopte des caractères gothiques présentés comme le journal intime de Gregory MacPherson.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Based on a series of bizarre supernatural tales about Timothy McVeigh (the notorious Oklahoma City Bomber), author Vladimir Chernozemsky has cleverly crafted a novel of international adventure and intrigue.

McVeigh (re-named Greg MacPherson for this book) escapes underground, first to Canada, eventually to the Middle East – where he encounters the masterminds of Al-Qaeda and triggers a series of events that could change the course of history.

Set in MacPherson’s parallel reality, the story moves from his birth on an alien planet (taken from actual published news report), to his unstable Canadian girlfriend and her Communist-operative father (another news report), and to Al-Qaeda terrorists in Afghanistan, the CIA, and eventually the Twin Towers. Here MacPherson, the “evil” behind the horrendous attack on the Oklahoma Federal Building, may actually have a change-of-mind six years later in New York City, 9/11.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

To my dear factotum and friend, Alan Gadney.

The Author

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

http://www.bookmasters.com/triumvirate/phaseone1.htm [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

http://www.bookreview.com/$spindb.query.listreview2.booknew.13312 [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Impact de l’œuvre

Le livre a remporté plusieurs prix: Independent Publisher Book Award; USA Best Book Award, USA Book News; Writers Notes Book Award.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Si l’on accepte les prémisses à la base de ce récit, les événements du 11 septembre symbolisent une rupture puisqu’ils déclencheraient, s’ils avaient été menés à terme, un processus qui mènerait inévitablement à une guerre au nom de la « démocratie ». En centrant son récit sur Gregory MecPherson, alias Thimothy McVeigh, Chernozemsky lie les attentats d’Oklahoma City avec ceux de New York et trace une ligne de continuité entre deux événements autrement indépendants, bien que similaires symboliquement. Ce rapprochement, ajouté au lien qu’entretient MacPherson avec le sectarisme davidien, participe à la perte de crédulité du lecteur qui peut y voir une surinterprétation des catastrophes provoquées par l’homme aux États-Unis. Bien que cette vision paranoïaque souligne une certaine déchéance de l’empire aux prises avec des soulèvements internes, il est à se demander si elle ne participerait pas également à un discours qui tenterait vaille que vaille de rationaliser des horreurs qui dépassent l’entendement. En construisant une fiction qui regroupe plusieurs faits divers dont on peut sérieusement douter de la véracité, Chernozemsky s’adonne à une surinterprétation de plusieurs événements en apparence indépendants les uns des autres qui rend difficile — sinon impossible — tout pacte de lecture.

Le fait divers occupe une grande place dans ce roman puisque l’auteur tente de mettre en scène les différentes histoires que sa femme décédée a conservées au fil des ans.  D’une part, l’intrigue tisse des liens entre différents événements entourant le mythe que constitue désormais Thimothy McVeigh et place les événements du 11 septembre au même niveau que les invraisemblances galvaudées dans la presse sensationnaliste. D’autre part, cet intérêt pour le fait divers traduit des préoccupations de plus en plus envahissantes dans le monde d’aujourd’hui. En effet, de nombreux romans s’inspirent de faits divers observés dans le réel pour enrichir leur contenu ou pour amplifier l’effet réaliste qui peut s’en dégager. On peut spéculer sur l’effet de réalisme qu’apporte cette décision de la part de l’auteur. Il est clair, cependant, que Chernozemsky ne réussit pas à rendre vraisemblable son récit puisque les faits divers sur lesquels s’appuie celui-ci présentent un monde trop divergent du nôtre : les espions extraterrestres contrôlent les tensions géopolitiques ; la télépathie devient le moyen ultime de communication ; les davidiens tirent encore certaines ficelles pour comploter contre les États-Unis et ce, malgré le massacre de Waco.

Dans l’ensemble, l’œuvre peu convaincante de Chernozemsky n’a pas une grande pertinence en regard des processus de mythification des événements du 11 septembre. On y sent toutefois une certaine propension à rationaliser les attaques et les événements menant à ceux-ci, même si le lien entre les attentats d’Oklahoma et ceux du 11 septembre semble ténu, sinon nul, pour le lecteur. Le 11 septembre s’inscrit ici comme la suite d’un processus entamé depuis 1993 avec la révolte des davidiens puis par l’explosion d’un pan entier d’un édifice fédéral d’Oklahoma City, Les attentats du 11 septembre se présentent comme l’événement clé qui provoquerait, s’ils étaient réalisés, un conflit mondial destructeur que nos amis, les extraterrestres, veulent nous faire éviter. La fin qui suppose que MacPherson se sacrifie pour sauver les Américains de lourdes pertes civiles afin d’éviter les croisades contre l’islamisme semble bien futile et peu vraisemblable. Mais après tout — à en croire le romancier —, ce serait l’amour qui aura empêché de grands massacres.

La qualité du genre uchronique qui permet de développer une vision critique du monde dans lequel se situe le lecteur par un effet de distanciation amené par l’univers alternatif est ici inopérante vue l’invraisemblance du récit. Phase One After Zero se présente donc comme une curiosité plutôt que comme une œuvre-phare du genre uchronique post-11 septembre et traduit, tout au plus, une volonté de rationaliser l’absurdité du monde et de ses interprétations par l’invraisemblable.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

Police cars raced wildly toward the twin towers — lights flashing, tires screeching — traffic swinging left and right. Finally, the big shots caught on. Calls went out everywhere, the White House, the Pentagon, the FBI.

Suddenly, the night was filled with signals. Signals from the good guys—signals from the bad guys—and prayers, prayers, prayers—prayers from everywhere.(138)

Greg and Atta abruptly stopped their fighting when Atta’s cell phone pierced the air. In their well-trained military minds, it acted like a referee’s whistle. “I told them not to call me here, unless my private line has been broken into.” He was hesitant.(141)

The towers were invisible, veiled in the shrouds of the thick fog. The ever tempting anticipation of what’s gonna happen was palpable in the air.

Then, the sounds resembling an in-air gun battle came to their ears. They heard dull explosions preceded by blue litghtning in a southward direction from the towers and out from the shore.

Finally, the crowd was seized with panic by the sounds, tough no one was moving away. They had no clue that they had just been saved from breathing poison from the air. They still waited to see what would happen next. But the next in this case was the great unknown.(144)

Lydia wiped her face with a used, crumpled tissue. “If Greg doesn’t stop them.”

Cliff was increduluous, “Just by himself?”

“He has always acted as a one man army.”

At this moment, something clicked in Cliff’s mind—he understood Macpherson’s mystery. They were soul brothers— The Good and the Evil.(146)

Cliff retired against his better judgement, rationalizing that he would be of more value with a clear mind.

Lydia sat at the observation post with a young security guard. After a few moments, she sent him for coffee. Did she know what she was doing? Did she realize what was about to take place telepathically? We’ll never know…

Was it meant to happen right at this point in time…or no time?(159)

But, having seen Abu and Greg pass by undetected, and understanding what they were about to do, Lydia probably intentionally kept her mind a blank. Or was it an act of God? To everyone else, she simply never regained consciousness.(161)

Two hijacking were aborted in Virginia. The flight to Los Angeles exploded somewhere over Pennsylvania and fell to the earth in pieces. Everyone on board, which included the hijackers, perished.

It was Septembre 11th—9/11.(165)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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