Entrée de carnet
Pas le temps…
Sur fond jaune, avec, en environnement sonore, de la musique de jeux vidéos, des bulles de dialogues apparaissent à l’écran; dialogues qui concernent tous le manque de temps. Celui qu’on n’a pas, celui qu’on ne veut pas accorder, celui qu’on dit ne pas avoir parce que l’envie, la volonté manque. En glissant sa souris sur les bulles, on voit apparaître un URL.
L’effet est intéressant. L’internaute est amenée à s’interroger sur sa propre relation au temps, sur son rapport à l’efficacité, à la performance. L’accumulation de raisons, d’excuses pour justifier le manque de temps plonge dans un magma discursif représentant bien notre réalité actuelle, engluée dans un idéal de vitesse et d’efficacité.
D’autres énoncés mettent au jour les véritables raisons qui se cachent parfois derrière ce manque de temps. «Ne pas avoir le temps» peut vouloir dire «ne pas avoir envie», «ne pas vouloir», «ne pas savoir comment faire», etc. L’oeuvre contient aussi des aphorismes, des conseils: «Dès que vous dites que vous n’avez pas le temps, vous êtes faits», «Si vous ne voulez pas faire quelque chose, dites simplement que vous n’avez pas le temps». Il en ressort un certain humour noir, un certain cynisme — notamment du fait que les textes cohabitent avec de la musique relativement joyeuse tirée de jeux vidéos —, humour noir et cynisme qu’on peut lire comme une critique de l’ère contemporaine.
No Time Machine, une œuvre de Daniel C. Howe et Aya Karpinska, recueille et assemble des fragments de texte glanés dans le Net, fragments qui concernent le manque de temps:
Quiet time, dead time, free time—call it what you will, there seems tobe less and less of it. What do people give up in the race to maximize every second of their waking life? What kinds of activities are replaced by the panicked drive for efficiency? No Time Machine explores these questions by mining the Internet for mentions of the phrase “I don’t have time for” and variations such as “You can’t find the time for” and “We don’t make time for.” Based on a set of procedures we’ve set up, a program analyzes the search results and reconstructs them into a poetic conversation. Interwoven with this“found poetry” generated by the program are sentences that we re-contextualized ourselves; a human-computer collaboration that expands the field of creative writing to include networked and programmable media.
No Time Machine est la deuxième œuvre née de la collaboration entre Karpinska et Howe, tous deux intéressés par la façon dont les technologies numériques transforment la littérature et l’art. Leur création précédente, open.ended (disponible en français dans bleuOrange, revue de littérature hypermédiatique), est une poésie spatiale en 3D, tout aussi captivante que leur No Time Machine.