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Les oeuvres médiévales, entre lectures scolaires et lectures privées

Magali Lachaud
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Article paru dans Formation des lecteurs: formation de l’imaginaire, sous la responsabilité de Max Roy, Marilyn Brault et Sylvain Brehm (2008)

Bien que la littérature pour enfants constitue un genre distinct et indépendant dès la fin de l’Ancien Régime, qu’un goût pour le roman historique s’affirme en France à partir de 1820, et que les romans de chevalerie, romans courtois et moralités soient prisés d’un vaste public jusque dans les années 1880, les productions littéraires du Moyen Âge ne s’inscrivent dans le répertoire spécifique de l’enfance qu’au cours de la seconde moitié du xIxe siècle. En effet, l’adoption des anciens textes français par l’édition pour la jeunesse prolonge un vaste mouvement de ré-appropriation du patrimoine littéraire, dans le souci propre au «siècle de l’histoire» de construire un imaginaire collectif apte à sceller l’unité morale du pays. Cette imbrication de l’imaginaire et de l’idéologique, y compris au sein de l’institution scolaire, est au demeurant toujours sensible sous la IIIe République. C’est pourquoi notre étude accordera une place à l’influence du contexte politique et social sur l’adaptation, autrement dit aux usages successifs des œuvres médiévales à l’époque contemporaine. L’historiographie du xIxe siècle et le Romantisme inscrivent ainsi dans la culture un Moyen Âge lointain, obscur et magique, dominé par la figure du chevalier, vision stéréotypée que pérennisent dans l’imaginaire collectif de la France les différents procédés d’adaptation. Aussi étudierons-nous le glissement de l’imaginaire médiéval à un Moyen Âge imaginaire qui s’opère tout au long du xxe siècle, et auquel participent illustrateurs comme nouveaux médias. Par ailleurs, en retenant La Chanson de Roland ou Le Roman de Renart, les «classiques» de l’enfance, nous l’avons noté, se conforment mutatis mutandis aux canons de la littérature savante. Ce sont donc les mêmes œuvres que préconisent les programmes d’enseignement des classes de primaire, de cinquième et, récemment, de lycée. Or, à l’école, comme dans l’édition pour la jeunesse, l’écriture, la thématique, la symbolique sociale des anciens textes français impliquent une traduction, des corrections, un élagage parfois. De plus, l’institution scolaire intègre désormais comme support à l’apprentissage la littérature pour enfants, ainsi que les nouveaux médias, qui favorisent l’intérêt de l’élève, mais dont nous avons signalé la stéréotypie. C’est sur ces tensions que nous nous interrogerons.

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