Entrée de carnet

Entretien avec Luc Bossé, des éditions Pow Pow

Gabriel Tremblay-Gaudette
Luc Bossé
couverture
Article paru dans Antichambre: entretiens et réflexions, sous la responsabilité de Équipe Salon double (2013)
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Afin d’aborder la rentrée littéraire, Salon Double a mené une série d’entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec Luc Bossé, fondateur et éditeur des éditions Pow Pow.

Gabriel Gaudette [GG]: Qu’est-ce qui a motivé votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition?

Luc Bossé [LB]: Bien honnêtement, ce n’était pas un projet si planifié que ça. Tout est arrivé un peu par accident. Lorsque j’ai lancé mon blogue en janvier 2008, le graphiste en moi voulait déjà en faire des livres. J’ai donc auto-publié quelques livres et fanzines à partir de mon blogue. Je me suis mis à côtoyer d’autres auteurs de bande dessinée, notamment lors de l’atelier de Jimmy Beaulieu. J’étais déjà fan du travail de Jimmy. Suivre ses ateliers de bande dessinée au Cégep du vieux Montréal était extrêment motivant. Durant le printemps 2010, j’étais assez avancé dans le dessin de «Yves, le roi de la cruise», scénarisé par Alexandre Simard. J’hésitais entre l’auto-édition et le présenter à d’autres éditeurs. Au même moment, d’autres livres se sont présentés à moi, dont «Apnée» de Zviane. Et au courant de l’été, Michel Hellman m’a parlé pour la première fois de «Mile End». À l’approche du premier lancement, j’ai commencé à recevoir des propositions de projets et c’était parti.

Enfin, je crois que l’édition m’intéresse depuis plus longtemps que je ne le pense. Vers l’âge de 12 ans, j’avais lancé un magazine familial appelé «Le Familial» que je distribuais à mes oncles, tantes et cousins. Un gros tirage de 50 exemplaires pendant une vingtaine de numéros sur 4 ou 5 ans. J’y faisais des caricatures, des bandes dessinées et des jeux. Mes parents, mes frères et mes sœurs y participaient également. J’avais un logiciel de mise en page sur mon Commodore 64. Ça s’appelait «The Newsroom». Mais bon, je m’égare un peu.

[GG]: Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis de combler un manque dans la scène littéraire contemporaine?

[LB]: Je ne sais pas. En tant que lecteur de bande dessinée, je n’étais pas complètement rassasié par l’offre de bande dessinée québécoise; j’avais l’impression que l’offre ne répondait pas à la demande. La réponse des médias a un peu confirmé cette impression lorsque les Éditions Pow Pow ont été officiellement lancées.

[GG]: Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnés, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente?

[LB]: Au début, il n’y avait pas de ligne éditoriale très claire. J’étais entouré d’auteurs de talents et les projets se sont présentés naturellement. Je crois que ce sont les livres publiés qui forgent la ligne éditoriale. J’ai de la difficulté à définir une ligne éditoriale précise. En fait, je préfère ne pas me limiter à un cadre pré-défini. On verra bien où ça nous mènera.

[GG]: Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités?

[LB]: Elle s’est plutôt construite au fil des publications.

[GG]: Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, vous amène à choisir un texte en particulier parmi les manuscrits que vous recevez?

[LB]: Si après quelques pages de lecture je ne peux pas m’arrêter, c’est bon signe. Le dessin est important mais sera plus secondaire et devra servir l’histoire. Il devra être lisible et efficace.

[GG]: Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?

[LB]: Je ne suis pas certain que sans le numérique, nous en serions là. Internet permet de diffuser notre travail, d’entrer en communication avec nos lecteurs, de faire de la promotion très peu coûteuse. Certains de nos albums sont même complètement disponibles sur Internet (par exemple: http://glorieuxprintemps.wordpress.com/). Ça a permis de se bâtir une base de lecteurs.

[GG]: On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus réduit quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent de pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous?

[LB]: Sans la communauté, nous ne n’en serions pas là. Le cercle des auteurs de bande dessinée au Québec n’est pas tellement grand. La collaboration est étonnement saine. Que ce soit lors d’événements comme les 24 heures de la BD, les festivals, les ateliers… Les libraires spécialisés sont également très près de la réalité des éditeurs québécois.

[GG]: Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?

[LB]: L’apparition d’un festival de bande dessinée à Montréal est un des grands événements pour le marché de la BD. Il s’ajoute à l’incontournable festival de Québec qui tient le phare depuis plus de 25 ans. Il y en a même un qui semble se pointer le bout du nez à Sherbrooke. L’ouverture de certaines librairies spécialisées comme Phylactère et Planète BD. Je pourrais même ajouter la création d’autres maisons d’édition comme «La mauvaise tête» et «Front Froid». Le succès de La Pastèque et de Michel Rabagliati en Europe.

Ce sont tous, selon moi, des signes que la BD gagne en popularité au Québec.

Pas de coup de gueule pour l’instant.

[GG]: Pour les lecteurs qui seraient moins familiers avec le monde de la bande dessinée, pouvez-vous expliquer ce qui est implique dans le processus éditorial d’une œuvre dessinée?

[LB]: Le dessin étant comme une forme d’écriture, celui-ci est bien personnel à chacun des auteurs. Donc, je m’attarde surtout à la cohérence graphique ainsi qu’à sa lisibilité. Dans nos livres, le dessin doit être au service de l’histoire. «Est-ce qu’il est assez clair pour ne pas nuire à lecture de l’histoire?» est ma principale préoccupation.

[GG]: Est-ce que vous discutez avec l’auteur de son travail avant que celui-ci ne vous fournisse ses planches finales?

[LB]: La plupart du temps, oui. Même une fois les planches terminées, on peut faire quelques ajustements pour être certains que l’histoire soit fluide et cohérente, par exemple réécrire certains passages qui sont moins lisibles. Parfois, on peut même se permettre le luxe de refaire des dessins qui ne sont pas au goût de l’auteur. Mais en général, il n’y a pas beaucoup d’intervention de la part de l’éditeur. Le rôle de l’éditeur est peut-être plus celui d’un motivateur parce que faire de la bande dessinée, c’est long en estie.

[GG]: Est-ce qu’il y a beaucoup d’ajustements à effectuer par ordinateur sur les dessins originaux?

[LB]: Ça dépend des auteurs. Dans le cas de nos auteurs, tous travaillent de façon traditionnelle sur papier. L’ordinateur ne sert qu’à faire les corrections sur les dessins et le texte. Il sert également à colorer.

[GG]: Jugez-vous que le travail d’édition d’une bande dessinée est plus élaboré que dans le cas d’un livre traditionnel?

[LB]: C’est difficile d’y répondre car je n’ai jamais publié un livre traditionnel. Les défis doivent être différents. Dans le cas de la bande dessinée, il y a le texte et le dessin. Peut-être y a-t-il plus d’étapes que le livre traditionnel? Mais bon, je ne veux pas m’avancer sur un sujet que je ne connais pas.

2013 sera une année chargée pour les éditions Pow Pow. En avril paraîtra la conclusion de la trilogie de Motel Galactic, de Francis Desharnais (scénario) et Pierre Bouchard (dessins) avec le tome 3, Comme dans le temps. Samuel Cantin prépare Vil et misérable, l’histoire de Lucien Vil, employé chez un concessionnaire de voitures usagées et livres usagés. La parution est prévue pour début juin.

Ensuite, Les deuxièmes, le prochain livre de Zviane devrait sortir au début septembre, ce qui coïncidera avec le troisième tome de Glorieux printemps de Sophie Bédard.

Paraîtra en novembre, Yves, fidèle à lui-même, la suite des aventures d’Yves, le roi de la cruise. Ainsi que le prochain titre de Michel Hellman, Nunavik. Après le Mile End, on change de quartier. De plus, un nouvel auteur se joindra à l’équipe. Il s’agit de Blonk qui devrait signer le premier livre en couleurs de Pow Pow.

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