Colloque, 23 avril 2010
Du séminaire à S/Z
Durant deux années (1967-1968 et 1968-1969), Barthes consacre son séminaire de l’Ecole pratique aux hautes études à Sarrasine de Balzac. On sait que de ce travail sortira la rédaction du célèbre S/Z, en 1970. Que se passe-t-il au tournant des années 60 et des années 70? Sur le plan intellectuel, Barthes passe du structuralisme au post-structuralisme, de l’analyse structurale des récits à l’analyse polyphonique d’un texte «classique». Sur le plan politique, les «événements de 68» manifestent le passage d’une France à une autre, dans un monde lui-même en plein changement. La présente communication articule des considérations à la fois de «poétique» et de politique. Tout est, semble-t-il, une question de «recul». La recherche de la «distance convenable», l’équilibre difficile entre la proximité et la distance, caractérisent l’effort de Barthes pour se définir en tant que professeur, écrivain, intellectuel. Le séminaire manifeste une grande proximité à l’égard des étudiants et du texte de Balzac; quant au livre, il prolonge le travail de recul esquissé en séance… S’ajoute à cela, une seconde forme de recul, plus inattendue. Comment le professeur a-t-il vécu les événements de 68 qui ont interrompu le séminaire ? Quand il reprend son travail, Barthes consacre la première séance à la situation politique, marquée par l’agitation étudiante et la réforme universitaire. Il manifeste une grande proximité à l’égard de la contestation des autorités établies et conçoit la lecture textuelle comme un moyen de sortir de l’herméneutique. Mais, manifestant une grande distance à l’égard des «événements» et de la volonté de pouvoir qui s’y est manifestée, il pointe les convergences profondes qui se dessinent entre certaines formes d’opposition et le développement de la société technocratique.
Claude Coste est Enseignant-chercheur à l’Université Stendhal-Grenoble III.