Introduction: Esthétiques et poétiques des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles

Anaïs Guilet
Emmanuelle Pelard
couverture
Article paru dans Poétiques et esthétiques numériques tactiles: littérature et arts, sous la responsabilité de Anaïs Guilet et Emmanuelle Pelard (2016)

Qu’un texte soit reconnu pour poétique (littéraire) ou non dépend du sentiment que nous avons ou non, de son besoin de notre corps. Besoin pour produire ses effets ; c’est-à-dire pour nous donner du plaisir. C’est là, à mes yeux, un critère absolu. Lorsqu’il n’y a pas de plaisir ou s’il cesse – le texte change de nature. 

Paul Zumthor1Paul Zumthor, Performance, réception, lecture, Longueuil (Québec), Canada, Le Préambule, 1990, p 38.

En 2006, Paul A. Fishwick publie un ouvrage collectif, Aesthetic Computing (fruit d’un workshop multidisciplinaire sur les relations entre l’expérience esthétique et celle du numérique), dont l’objet est de poser les premiers jalons d’une théorie, voire d’une discipline: celle d’une esthétique numérique. L’intérêt de cette nouvelle approche réside dans «les impacts et les effets de l’esthétique sur le champ du numérique» (Fishwick, 2006: 3). Mais, le questionnement qui traverse depuis quelques années déjà les études sur les œuvres littéraires ou artistiques numériques se pose régulièrement à partir du constat inverse, à savoir: quels sont les effets du numérique sur l’esthétique d’un récit, d’un poème ou d’une œuvre d’art visuel? Quelle que soit la manière de l’envisager, se manifeste donc la nécessité de penser l’esthétique artistique et la poétique littéraire dans leur relation avec le numérique. Ainsi, considérer, concevoir, problématiser et théoriser une esthétique (art visuel) ou une poétique (littérature) des œuvres hypermédiatiques s’avère essentiel quant aux évolutions constantes et aux changements que le numérique entraîne sur les formes d’expression, les modalités et les supports empruntés.

Dans un dossier consacré aux Esthétiques numériques (2011), Bertrand Gervais et Alexandra Saemmer ont posé les jalons d’une réflexion sur le renouvellement des catégories esthétiques qu’impliquent les pratiques artistiques et littéraires de nature hypermédiatique. Il s’est agi, d’une part, de ne pas réduire l’esthétique numérique aux notions d’avant-gardisme et d’art contemporain et, d’autre part, de considérer les transformations du texte en terme d’ouverture et de non-finitude de l’œuvre. La fluctuation du texte hypermédiatique et les processus évolutifs dont il résulte ont été envisagés selon les modalités du viral, à la suite d’Alan Liu proposant une «esthétique virale» pour qualifier ces oeuvres, à l’image du mode viral de propagation du Web, et du flux («Esthétique et fiction du flux»; Gervais, Guilet, 2011: 89).

Les premiers moments de la démarche de théorisation esthétique du numérique, les tentatives initiales de définition et de caractérisation ont notamment emprunté aux procédés, aux catégories et aux terminologies existants dans les champs rhétorique et poétique. Ainsi, les figures du discours ont été requalifiées pour les œuvres hypermédiatiques et les désignations enrichies sur le plan lexical. A posteriori s’est opérée une prise de distance par rapport à ces terminologies calquées et ces catégories de la rhétorique «aménagées» pour proposer une poétique ou une esthétique de la littérature numérique (Gervais, Saemmer, 2011).

Malgré tout, la nécessité de trouver des outils et un vocabulaire pour caractériser l’œuvre littéraire hypermédiatique a ouvert la voie à plusieurs essais de poétique de la littérature numérique (Audet, Brousseau, 2011; Regueiro Salgado, 2011, notamment). La question des figures est désormais abordée à travers les procédés de la manipulation («des figures de manipulation», Bouchardon, 2011: 37). Aussi, l’analyse du discours numérique ne mobilise plus uniquement les notions propres à la rhétorique, mais se construit selon une approche sémio-rhétorique, dans l’application et le développement des théories sémiotiques de Klinkenberg, entre autres (cf. les récents travaux de Saemmer notamment, 2015).

Rhétorique, poétique et esthétique: ces termes, approches et perspectives théoriques sont convoqués de manière récurrente dans les études de la littérature et des arts hypermédiatiques, mais sans recouvrir nécessairement les mêmes réalités ou sans être investis des même significations, et surtout sans être utilisés selon une approche univoque. Ce qui nous invite à considérer, d’une part, dans quel sens nous entendons les termes d’esthétique et de poétique, et, d’autre part, les raisons pour lesquelles nous envisageons tant la poétique que l’esthétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles. Le choix a souvent été fait dans les précédentes études sur le sujet de recourir au terme «esthétique» pour la bonne raison que la nature de l’œuvre littéraire numérique est hypermédiatique, donc ne relève pas uniquement du textuel et du verbal. En ce sens, l’esthétique est plus large et englobante, elle permet de considérer les aspects médiatiques, visuels et sonores qui participent de l’œuvre.

De fait, nous considérons aussi la pertinence de l’esthétique pour qualifier la littérarité et / ou «l’artisticité» (Gervais, Saemmer, 2011: 6) de l’œuvre numérique pour écrans tactiles. Mais, nous souhaitons également explorer la poéticité des textes hypermédiatiques pour supports tactiles et, partant, observer dans quelle mesure on peut encore envisager et définir une poétique pour ces objets — une acception large s’appuyant sur les fondements étymologiques et les prémisses de la notion de poétique sera ici privilégiée, la poësis comme création. C’est pourquoi, nous plaçons ce dossier sous le double signe de l’esthétique et de la poétique pour appréhender et analyser les œuvres littéraires, artistiques et performatives hypermédiatiques pour écrans tactiles.

Si plusieurs propositions théoriques ou essais de taxinomie sur les pratiques littéraires numériques et sur leurs caractéristiques existent (cf. Bootz, 2006, Saemmer, 2007, Di Rosario, 2012, etc.), très peu d’études ont été consacrées aux œuvres pour écrans tactiles (tablettes tactiles et téléphones intelligents). Et, bien que l’on parle dans les médias et à l’université des tablettes, on ne discute que peu souvent des œuvres littéraires qu’elles accueillent; comme si personne ne les lisait vraiment ni ne les parcourait, trop occupé par les aspects techniques, par l’analyse du dispositif médiatique ou par la frénésie du clic, ou plutôt du toucher, du tapoter, du pincer sur l’écran tactile.

Ce cahier virtuel sera consacré à l’esthétique et à la poétique de ces œuvres que nous choisissons de qualifier d’œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles. Cette désignation volontairement englobante nous permettra d’intégrer des oeuvres que nos auteurs nomment tour à tour livres numériques enrichis et augmentés ou applications. Ainsi, nous nous intéresserons à des oeuvres artistiques ou littéraires prenant des formes logicielles (les applications), aussi bien qu’à celles publiées sous format document comme l’ePub3. Malgré le recours à des technologies différentes, elles ont pour point commun d’être foncièrement hypermédiatique, c’est-à-dire multimédia et intéractive, et d’avoir été conçues tout particulièrement pour Les écrans tactiles.

Il faut nénamoins noter que si certains de nos auteurs utilisent le terme de “livre enrichis”, ce dernier nous semble appartenir à une rhétorique principalement éditoriale qui cherche à intégrer à tout prix les oeuvres numériques dans une tradition livresque et selon une métonymie littéraire2Notre objectif sera moins de placer les œuvres qui nous intéressent en rupture avec l’histoire littéraire qu’avec l’histoire du livre (comme support). Et ce, afin d’accorder à ces formes une certaine autonomie, mais aussi pour souligner que le livre n’est pas le seul support possible du littéraire et qu’il faut éviter de leur attribuer un rapport métonymique. Dans la continuité des réflexions menées par Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel (2010) dans l’introduction à leur dossier sur la “Littérature exposée”, nous envisagerons cette littérature «hors du livre» tout en proposant d’aborder les œuvres dans la lignée des recherches effectuées en littérature hypertextuelle et hypermédiatique. C’est pourquoi nous proposons de parler d’œuvres littéraires hypermédiatiques pour écrans tactiles.. Le livre enrichi nous apparaît comme l’arbre qui cache la forêt de l’hypemédia. En effet, si l’on définit le livre du point de vue de sa matérialité comme un «[a]ssemblage d’un assez grand nombre de feuilles […], portant des signes destinés à être lus» (Le Petit Robert, 2004: 1503), les œuvres qui nous intéressent ne constituent pas des livres. De plus, à l’image de ce que constate Marc Jahjah (2010) dans son billet de blogue, les adjectifs “enrichis” et augmentés” semblent supposer qu’il existe un texte de base qui ait été créé en premier, puis enrichi. Or, il est le plus souvent difficile de juger d’une telle temporalité. Peut-être, à la limite, pourrions-nous parler d’enrichissement pour qualifier les œuvres qui sont le fruit d’un travail de remédiatisation. Il faut dire que celles-ci sont si nombreuses qu’elles représentent la majorité des oeuvres actuellement disponibles. Cette multiplication des remédiatisations s’explique en partie par des raisons économiques. Les livres enrichis sont souvent plus des projets éditoriaux qu’auctoriaux. Ainsi, ils impliquent pour leurs éditeurs de trouver des contenus et, à ce titre, les textes libres de droits ou passés dans le domaine public sont les plus aisément accessibles. On trouve alors des dizaines de versions applicatives des Mille et une nuits ou d’Alice au pays des merveilles et, si l’on prend l’exemple de Dracula, rien que Google Play nous propose plus de 60 applications, parmi lesquelles il y a certes des jeux, mais aussi beaucoup de mise en hypermédia du texte original de Bram Stocker.

Capture d’écran du résultat de recherche du mot «Dracula» dans Google Play, réalisée le mardi 24 février 2015.

Toujours est-il que remédiatisations ou créations natives, dénommées livres enrichis ou applications, toutes ces oeuvres ont fait l’objet d’une mise en hypermédia et ont été conçues pour être lues sur écrans tactiles, c’est-à-dire principalement sur les téléphones mobiles dits intelligents, les tablettes mais aussi les phablettes, terme qui désigne ce format intermédiaire d’appareil entre le gros téléphone et la petite tablette dont le succès est actuellement grandissant3Voir à ce sujet l’article sur le site tablette-tactile.net, «Les phablettes de plus en plus vendues aux USA, Samsung en tête», consulté le 13 Février 2015.. Tous ces appareils ont la particularité d’être portatifs, d’être dépourvus de clavier et d’outil de pointage périphérique (comme la souris), ainsi que de posséder un écran tactile comme unique interface. À ce propos, Anaïs Guilet étudiera l’évolution et les contraintes techniques de ces supports dans son article “Préambule historique et technique sur les supports tactiles et deux de leurs systèmes d’exploitation (iOS et Android)”. Tous peuvent se connecter à Internet et supportent une variété de contenus multimédias et de logiciels et, à l’instar des liseuses, ils se présentent comme des terminaux numériques mobiles de lecture. Mais, contrairement aux liseuses, ils se distinguent par leur caractère polyvalent: il ne s’agit pas de supports intégralement dédiés à la lecture, ils proposent bien d’autres fonctionnalités, plus proches de celles d’un petit ordinateur portable.

Les tablettes, phablettes ou téléphones intelligents, qu’ils fonctionnent sous Android ou sous iOS (les deux principaux systèmes d’exploitation des supports à écrans tactiles), proposent une grande variété de fonctions multimédias: ils permettent de regarder des films, d’écouter de la musique, de prendre des photographies, de naviguer sur le Web, de jouer, de communiquer par téléphone ou grâce à une pléthore d’applications sociales, etc. Leur spécificité est d’être multifonction. Alors que la liseuse est construite au départ pour reproduire spécifiquement les propriétés du livre, la tablette, la phablette ou le téléphone intelligent se distinguent de l’ordinateur avant tout par leur capacité nomade et par leur fonction tactile. Cet aspect multifonction est à la fois la source de leur plus grand attrait commercial et l’argument ultime des détracteurs en matière de support de lecture, puisqu’ils constituent pour certains un «risque» de détourner l’attention du lecteur (Carr 2008; Casati 2013; Testart-Vaillant et Bettayeb 20094Au sujet de la lecture sur supports tactiles voir Stephane Bikialo, Anaïs Guilet, Martin Rass, “Lectures digitales: l’écran au bout des doigts”, Lectures digitales, Publie.net, 2015.).

Les écrans tactiles mobiles appartiennent à la catégorie des «écrans reliés». Comme l’explique Samuel Archibald à la suite de Bertrand Gervais, l’écran relié est «(…) un écran modifiable en temps réel, qui s’appuie sur des technologies d’inscription numériques et permet l’accès aux différents réseaux» (2009:160). Archibald favorise une typologie lecturale des supports en termes de stabilité et de fluidité.

La fluidité est l’état d’un support sur lequel nous avons peu de prise et dont le contenu est perceptible en surface. Le fluide est mouvant, animé par un mouvement dont nous ne contrôlons pas le débit. La fluidité suppose donc une manipulation plus subordonnée et recouvre le premier axe des typologies médiatiques: le défilement temporel de l’oralité et de la linéarité, la transparence relative des signes impliqués par l’immédiateté, la spontanéité de la communication et du spectacle.

La stabilité, par opposition, décrit l’état d’un support solide et bien souvent statique. La stabilité permet une meilleure prise, de plus grandes possibilités de manipulation volontaire, autant d’avantages qui se paient au prix d’une limitation du mouvement interne: ce que nous gagnons en contrôle sur la matérialité du support stable, nous le perdons en dynamisme, le stable ne se meut pas, il est malléable. Il recoupe le second axe de nos typologies médiatiques: le déploiement spatial de la littéracie et de la tabularité, l’opacité de l’hypermédiateté, l’inscription durable des signes qui permet la transmission et encourage la production du sens. (2009: 149)

Ainsi, le livre est stable, l’écran relié est fluide. Quand un texte est adapté en hypermédia, une fluidification a lieu qui le modifie en profondeur. Ceci est vrai des oeuvres numériques présentes sur le Web. Toutefois, on pourrait considérer que le format applicatif de même que l’ePub3 opèrent une forme de re-stabilisation du texte, quand bien même interfacé par l’écran relié. L’application ou le document ePub3 offrent, en effet, une certaine clôture de l’oeuvre hypermédiatique: il est par exemple possible de restreindre la navigation à l’espace de l’oeuvre. Ainsi, peut-être qu’un des grands apports des supports tactiles mobiles, s’inscrivant ainsi dans la continuité des liseuses, serait d’offrir au texte numérique la possibilité d’une certaine forme de re-stabilisation. Bon nombre des ePub, comme des applications nous présentent un texte stable. Avec les supports numériques mobiles, la qualité stable ou fluctuante du médium n’est pas un état subi du fait de la nature du médium, il résulte d’un choix poétique.

Ce cahier virtuel s’interrogera d’une part sur les éléments qui créent la poéticité ou l’esthétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles. Autrement dit, comment procèdent et d’où naissent leurs qualités littéraires et esthétiques? D’autre part, les éléments de nature poétique dans les œuvres littéraires pour écrans tactiles, sont-ils similaires à ceux opérant dans les œuvres pour écrans non tactiles? C’est-à-dire, est-ce que la poétique ou l’esthétique des œuvres pour écrans tactiles possède les mêmes traits définitoires que celle des autres œuvres hypermédiatiques? Cette dernière interrogation entraîne elle-même une série de questions: s’il y a des différences sur le plan poétique et esthétique entre les œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles et celles pour écrans non tactiles, comment caractériser cette évolution? Aussi, quel est le rôle que joue l’interactivité accrue par la dimension tactile dans ces œuvres hypermédiatiques? En regard de l’Histoire courte des humanités numériques, il faudrait donc également analyser et mesurer l’impact de l’inclusion de la technologie tactile sur les réflexions préalablement engagées. Quels gestes et manipulations (Bouchardon 2011, Saemmer 2015), quels processus lecturaux, quelles esthétiques nouvelles engagent-elles? Comment ces gestes et opérations ou figures de manipulation, renouvelés dans une certaine mesure par les possibilités du support tactile, sont-ils partie intégrante de l’esthétique de l’oeuvre hypermédiatique? Pour évaluer et caractériser la mise en hypermédia des textes, il faudrait sûrement élaborer des critères objectifs qui permettraient de justifier l’inclusion ou l’exclusion d’une œuvre. Pourraient être considérés et évalués: l’interactivité, les aspects multimédias (les illustrations sonores et visuelles, les animations), la prise en compte de la tactilité, mais aussi d’autres dispositifs propres aux tablettes et téléphones comme la connexion à Internet, la géolocalisation, la Webcam ou l’accéléromètre.

Ce dossier nous permettra d’envisager plusieurs types d’œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles:

D’abord les œuvres narratives, parmi lesquelles nous incluons les fictions comme Besides Myself: An Interactive Novel for the Ipad (2012) de Jeff Gomez, L’Homme Volcan (2011) de Mathias Malzieu, ou Device 6 (2013) édité par Simogo AB, de même que les oeuvres à caractère documentaire comme Derrière le miracle (2011) réalisé par we+are interactive ou Life: a journey (2012) de Jürgen Neffe par Libroid.  Entrent également dans cette catégorie les versions numériques des œuvres de Mark Z. Danielewski,The Fifty Year Sword et The Familiar Volume 1: One Rainy Day in May étudiées par Côme Martin dans son article intitué «“An experience that you can’t get in other media”? Du livre à l’écran, deux adaptations des œuvres de Mark Z. Danielewski», ainsi que les oeuvres de littérature jeunesse analysées par Eleonora Acerra dans «Poétique des oeuvres hypermédiatiques dans un corpus d’adaptation de littérature jeunesse». Le récit graphique et la bande-dessinée, à l’image de Guerre de 1812 (2012) créé par NFB Digital Studio ou de Je vous ai compris (2013) édité par Magnificat Films, seront aussi représentés à travers l’article de Valérie Dupuy consacré aux Webtoon: «Le webtoon, une esthétique de l’hypotypose».

Il existe également un corpus d’œuvres de poésie que To this Day (2013) de Shane Koyczan et Moving Tale, les P.o.E.M.M. (Poetry for Excitable [Mobile] Media, 2014) de Jason Edward Lewis, Spine Sonnet (2011) de Jody Zellen ou le cycle de poésie du signe de Jörg Piringer peuvent exemplifier. Emmanuelle Pelard nous proposera une réflexion sur les éléments d’une poétique de ces pratiques hypermédiatiques de poésie pour écrans tactiles, dans un article intitulé: «Poétique de la poésie numérique pour écrans tactiles». L’article de Serge Bouchardon, Hélène Caubel et Pierre Fourny, «Les écrans mobiles et tactiles: des lieux de spectacle vivant? Le cas de la Poésie à 2 mi-mots», viendra en contrepoint illustrer le point de vue de la recherche-création sur la construction de ces nouveaux objets littéraires mais aussi artistiques, offrant ainsi une transition vers notre quatrième type d’oeuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles. Dans une perspective de recherche-création proche de celle de Bouchardon et al., Marc Veyrat et Franck Soudan, dans l’article «Le Jardin des Délices: la trans-apparence ou le toucher de l’ange», nous offriront une approche originale des pratiques artistiques moins centrées sur le texte que sur l’image, saisissant ainsi la question du tactile à bras le code.

Qu’il s’agisse de la Poésie à 2 mi-mots ou du Jardin des délices, nous avons affaire à des oeuvres ouvertes sur leur extérieur, qui contrairement à d’autres productions pour écrans tactiles mobiles, comme par exemple celles de Danielewski ou les oeuvres jeunesse étudiées par Eleonora Acerra, s’inscrivent résolument dans le flux et jouent à plein des fonctions de l’écran relié. C’est également ce type d’oeuvres qui intéresse Alexandre Gefen et Claire Jeantet dans leur article «Le livre hors le livre» consacré aux oeuvres à caractère littéraire utilisant la géolocalisation, ouvrant de ce fait le texte sur le monde du lecteur.

En guise de conclusion l’article de Diogo Marques «Through the Touching Glass: Literature for Haptic Inter[(surf)aces]», nous proposera une approche plus globale de la navigation sur écrans tactiles, s’intéressant tout particulièrement à sa fonction haptique et à l’interaction, rarement mentionnée, entre la main et l’oeil, à la relation entre les différentes surfaces de verre (celles du monde et celles de l’écran) impliquées dans la littérature hypermédiatique.

     

Bibliographie

Archibald, Samuel. 2008. Le texte et la technique. La lecture à l’heure des nouveaux médias.

Audet, René et Simon Brousseau. 2011. Pour une poétique de la diffraction de l’œuvre littéraire numérique: l’archive, le texte et l’œuvre à l’estompe.

Bootz, Philippe. 2006. Vers de nouvelles formes en poésie numérique programmée?

Bouchardon, Serge. 2011. Des figures de manipulation dans la création numérique.

Carr, Nicolas. 2008. Is Google Making Us Stupid?

Casati, Roberto. 2013. Contre le colonialisme numérique. Manifeste pour continuer à lire.

Di Rosario, Giovanna. 2012. Electronic Poetry: How to Approach It?

Fishwick, Paul. 2006. Aesthetic Computing.

Jahjah, Marc. 2010. Le livre enrichi, définitions, précisions, mise au point, pas encore très au point.

Rosenthal, Olivia et Lionel Ruffel. 2010. Introduction: la littérature exposée.

Saemmer, Alexandra. 2015. Rhétorique du texte numérique: figures de la lecture, anticipations de pratiques.

Saemmer, Alexandra. 2007. Matières textuelles sur support numérique.

Salgado, Betona Regueiro. 2011. Une poésie pour tous les langages artistiques: poéticité et lecture numériques.

Testart-Vaillant, Philippe et Kheira Bettayeb. 2009. La lecture change, nos cerveaux aussi: e-book, Internet, smartphone.

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    Paul Zumthor, Performance, réception, lecture, Longueuil (Québec), Canada, Le Préambule, 1990, p 38.
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    Notre objectif sera moins de placer les œuvres qui nous intéressent en rupture avec l’histoire littéraire qu’avec l’histoire du livre (comme support). Et ce, afin d’accorder à ces formes une certaine autonomie, mais aussi pour souligner que le livre n’est pas le seul support possible du littéraire et qu’il faut éviter de leur attribuer un rapport métonymique. Dans la continuité des réflexions menées par Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel (2010) dans l’introduction à leur dossier sur la “Littérature exposée”, nous envisagerons cette littérature «hors du livre» tout en proposant d’aborder les œuvres dans la lignée des recherches effectuées en littérature hypertextuelle et hypermédiatique. C’est pourquoi nous proposons de parler d’œuvres littéraires hypermédiatiques pour écrans tactiles.
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    Voir à ce sujet l’article sur le site tablette-tactile.net, «Les phablettes de plus en plus vendues aux USA, Samsung en tête», consulté le 13 Février 2015.
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    Au sujet de la lecture sur supports tactiles voir Stephane Bikialo, Anaïs Guilet, Martin Rass, “Lectures digitales: l’écran au bout des doigts”, Lectures digitales, Publie.net, 2015.
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