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La déambulation, entre nature et culture

Alexis L'Allier
couverture
Article paru dans Les écrivains déambulateurs: poètes et déambulateurs de l’espace urbain, sous la responsabilité de André Carpentier et Alexis L'Allier (2004)

À première vue, la marche —car nous parlerons de marche avant de parler de déambulation— ne suscite pas de grands débats, ne donne pas lieu à des concepts métaphysiques et n’éveille pas d’élan poétique. Il est éminemment difficile, et vain sans doute, d’imposer un cadre théorique fermé à la marche puisque par sa nature mouvante, en plus de son apparente banalité due à son inscription dans la vie quotidienne de tout un chacun, elle demeure, en quelque sorte, insaisissable. La marche se veut d’abord une pratique, ou disons plus simplement une nécessité proprement humaine, qui résiste aux cadres parfois serrés et réducteurs de la systématisation. Comment la conceptualiser, la rationaliser, puisqu’elle prend tout son sens dans l’action, dans l’événement même, dans le mouvement essentiel du corps dans l’espace? La réflexion qu’elle suscite est aussi vaste qu’il y a de lieux où marcher et de regards portés sur le monde. Pourtant, certains auteurs ont écrits sur le sujet: l’allemand Karl Gottlob Schelle, au début du XIXe siècle, propose dans L’Art de se promener une philosophie du corps en marche dans la nature; David Le Breton nous fait partager sa passion pour la marche dans Éloge de la marche, en faisant «dialoguer Basho et Stevenson sans souci de rigueur historique car le propos n’est pas là»; Rebecca Solnit, dans son livre L’Art de marcher, opte pour une approche anthropologique et sociologique de la question, en se basant sur des exemples concrets de la marche partout dans le monde, de l’homo erectus jusqu’à l’homme moderne. Ce que nous appelons la déambulation littéraire, bien qu’elle prenne place davantage dans la modernité urbaine, n’est pas née d’hier et s’inscrit dans une tradition de la marche —qu’on parle de promenade, de flânerie, de dérive ou d’errance— que l’on retrouve chez des écrivains comme Rousseau, Thoreau, Baudelaire, Cingria et Fargue, pour ne nommer que quelques-uns des plus importants. Nous tenterons d’élaborer une réflexion ouverte sur la marche depuis ses fondements jusqu’à ses plus récentes formes d’expressions urbaines, en passant par son actualisation dans la nature et ses nombreux défenseurs.

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