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De l’«épistémè» hygiéniste à l’esthétique naturaliste. Migration de la notion d’hygiène au XIXe siècle

Émilie Bauduin
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Article paru dans Les migrations interdiscursives: Penser la circulation des idées, sous la responsabilité de Marie-Pierre Krück et Savannah Kocevar (2021)

Julio, «La patriotique lessive», 1898-1899. Carte postale sur papier cartonné, Éd. Deurwaerder, 8,7 cm x 13,4 cm. Disponible en ligne: http://www.collections.musee-bretagne.fr/ark:/83011/FLMjo120576

Julio, «La patriotique lessive», 1898-1899. Carte postale sur papier cartonné, Éd. Deurwaerder, 8,7 cm x 13,4 cm. Disponible en ligne: Musée de Bretagne.

Dans son article «La littérature putride» paru le 23 janvier 1868 dans Le Figaro, Ferragus (Louis Ulbach) soumet à ses lecteurs un réquisitoire contre les romanciers réalistes. Il y indique notamment que les œuvres de ces auteurs, qui exposent selon lui les dessous fangeux de la société, contribuent «à la putridité […] de la littérature contemporaine» (cité dans Zola, 1979 [1867]: 323). Ces reproches, adressés tout particulièrement à Émile Zola à la suite de la parution de Thérèse Raquin (1867), relèguent d’emblée l’œuvre du romancier du côté du monstrueux, du maladif, du sale et du vicieux, et visent à une condamnation immédiate du roman par le lectorat bourgeois. Rappelons que le mot «putride», qui renvoie à la pourriture et à la putréfaction, évoque également des idées de puanteur («putride» vient de «puer»; ainsi Thérèse Raquin «pue») et d’immoralité («puer» vient de «puter», dont on tire également le mot «pute»; Thérèse Raquin parle de «putain») qui ont tout leur poids dans la pensée du second XIXe siècle, du fait de leur rapport étroit avec la notion d’hygiène. C’est ce phénomène de contamination du discours esthétique par le discours hygiéniste dans la seconde moitié du XIXe siècle, illustré dans le réquisitoire de Ferragus, qui retiendra ici notre attention. Si Jean-Louis Cabanès a déjà montré que «la deuxième moitié du XIXe siècle ne cesse d’étendre le territoire de la pathologie» et que l’on y «voit constamment se développer des confusions entre normes biologiques et normes sociales» (1991: 13) —ce que confirme, nous le verrons, la nature générale des remarques contenues dans l’article de Ferragus—, on a omis de relever combien le second XIXe siècle est aussi marqué par les prescriptions multiples des hygiénistes. De l’épistèmé instaurée et pratiquée par Lavoisier à la fin du XVIIIe siècle à la législation sanitaire mise en place entre la fin des années 1880 et le début des années 1900, les recommandations des spécialistes de l’hygiène ne cessent en effet de gagner en influence dans la société française. Convoquons à nouveau le discours de Ferragus à titre de preuve:

Il s’est établi depuis quelques années une école monstrueuse de romanciers, qui prétend substituer l’éloquence du charnier à l’éloquence de la chair, qui fait appel aux curiosités les plus chirurgicales, qui groupe les pestiférés pour nous en faire admirer les marbrures, qui s’inspire directement du choléra, son maître, et qui fait jaillir le pus de la conscience. […] J’estime les écrivains dont je vais piétiner les œuvres; ils croient à la régénération sociale; mais en faisant leur petit tas de boue, ils s’y mirent, avant de le balayer; ils veulent qu’on le flaire et que chacun s’y mire à son tour; ils ont la coquetterie de leur besogne et ils oublient l’égout, en retenant l’ordure au-dehors. […] Quant à Thérèse Raquin, c’est le résidu de toutes les horreurs publiées précédemment. On y a égoutté tout le sang et toutes les infamies: c’est le baquet de la mère Bancal. (cité dans Zola, 1979 [1867]: 319-322, l’auteur pour les italiques, nous soulignons.)

L’apparition, d’une part, de mots tels que «charnier», «chirurgicales», «pestiférés», «choléra», «pus» ou «sang» souligne bien la prégnance du discours médical dans la pensée du XIXe siècle. Or l’emploi désordonné de termes tels que «régénération sociale», «boue», «flair», «égout», «infamies» et «baquet» expose, d’autre part, l’attention accordée à la notion encore flottante d’hygiène, qui vient ici supplémenter les notions pathologiques convoquées par le journaliste pour condamner le caractère malsain, voire dégénéré et donc délinquant de l’esthétique réaliste. Bien que l’on sache, depuis les travaux de Georges Vigarello, que l’hygiène «occupe [au XIXe siècle] une place inédite» (182) dans les discours médicaux, il convient d’interroger l’apparition inopinée de cette notion dans les discours esthétiques de la seconde moitié du siècle, de même que les motifs et les modalités de ce transfert. Pourquoi les considérations hygiénistes occupent-elles si largement les discours au XIXe siècle? Et si les romanciers, au même titre que leurs détracteurs, envisagent leurs pratiques à l’aune de ces considérations, la notion d’hygiène subit-elle dans leurs discours une simple translation, ou se voit-elle réappropriée par les écrivains?

Proposer ici une définition et une histoire de la notion d’hygiène, tout en faisant la synthèse de son influence et de sa réappropriation dans l’ensemble du corpus littéraire du XIXe siècle, serait un projet par trop ambitieux. Dans le cadre de cette réflexion, nous chercherons donc plutôt à retracer, de l’épistémè lavoisienne à l’idéal romanesque zolien, l’un des multiples parcours entrepris par la notion d’hygiène au cours du XIXe siècle. Pour ce faire, nous offrirons, dans un premier temps, un aperçu des transformations que connaît la notion à l’orée du XIXe siècle, ce qui nous permettra de saisir la multiplicité des acceptions de ce terme à cette époque. Dans un deuxième temps, nous rappellerons le contexte particulier dans lequel les préceptes hygiénistes se sont répandus, dans le but de comprendre les raisons qui ont mené à la migration de ceux-ci du discours médical au discours esthétique dans le long XIXe siècle. Dans un troisième temps, nous veillerons à souligner les motifs plausibles de la migration de la notion d’hygiène sous la plume zolienne, afin d’interroger ce qui fonde, dans ce cas particulier, la nécessité du transfert. Dans un quatrième et dernier temps, nous prendrons, à l’instar de Ferragus, le cas du roman zolien —et plus spécifiquement celui du quatorzième volume des Rougon-Macquart, L’Œuvre (1886), dans lequel Zola met en scène son double romanesque— à titre d’exemple, afin de montrer la spécificité de la réappropriation zolienne de la notion d’hygiène, laquelle, pensons-nous, a modelé de façon déterminante l’idéal esthétique et social du romancier.

 

L’hygiène au XIXe siècle

Avant de nous pencher sur la question de la migration de la notion d’hygiène au XIXe siècle, il convient de souligner le flottement qui entoure, tant à l’époque que dans l’historiographie actuelle, sa définition. En effet, comme le rappellent les spécialistes de l’histoire sociale Lion Murard et Patrick Zylberman, malgré une attention soutenue accordée à la notion d’hygiène dans les dernières décennies par les historiens, les ethnologues et les sociologues, celle-ci se dérobe toujours à toute tentative d’explicitation:

Hygiène? L’histoire du mot fut toujours emberlificotée, marquée d’une confusion absolue et peut-être sans remède. Depuis quelques années, on a cherché à démêler cet écheveau de significations embrouillées. Le pur et l’impur, le propre et le sale, le sain et le malsain: autant d’oppositions soumises au scalpel de l’ethnologue et de l’historien des mentalités. On s’est employé aussi à une sociologie de la maladie ou du corps malade, ou encore à l’histoire des fléaux sociaux. Pourtant, ce récit échappe à l’historiographie comme à la sociologie proprement médicales. (7)

Devant ce «brouillage», et pour tâcher de définir le sens du mot «hygiène» dans la pensée du XIXe siècle, nous pourrions alors être tentée de suivre la même démarche que le spécialiste de l’histoire de l’hygiène Georges Vigarello. Dans son ouvrage Le Propre et le sale (1985), alors qu’il s’intéresse lui-même à «l’hygiène du corps depuis le Moyen Âge», l’historien en revient à une étude étymologique pour cerner les nouvelles acceptions de la notion d’hygiène à partir du XIXe siècle:

Les manuels traitant de santé changent de titre. Tous étaient concentrés jusqu’ici sur l’«entretien» ou la «conservation» de la santé. Tous deviennent maintenant des traités ou des manuels d’«hygiène». […] L’hygiène, ce n’est plus l’adjectif qualifiant la santé (hygeinos signifie en grec: ce qui est sain), mais l’ensemble des dispositifs et des savoirs favorisant son entretien. C’est une discipline particulière au sein de la médecine. C’est un corpus de connaissances et non plus un qualificatif physique. (182)

En remontant à ses origines grecques, Vigarello exprime avec justesse le changement sémantique radical que subit la notion d’hygiène au début du XIXe siècle, lequel lui accorde un statut nouveau dans les discours médicaux. Cependant, cette première définition, qui fait de l’hygiène un simple «ensemble de dispositifs et de savoirs favorisant l’entretien de la santé» sans chercher à indiquer la teneur de ces dispositifs et de ces savoirs, est insuffisante si l’on cherche à cerner la spécificité des caractéristiques que revêt la notion d’hygiène à cette époque. Les récents travaux du philosophe et historien des sciences Gérard Jorland sur l’hygiène et la salubrité publiques en France, qui retracent minutieusement le parcours entrepris par la notion d’hygiène dans les discours du XIXe siècle, nous semblent les plus appropriés pour pallier les lacunes de cette première définition.

Dans son ouvrage Une société à soigner (2010), Jorland rappelle qu’au XIXe siècle, l’hygiène publique n’est pas une discipline unique, mais bien «un ensemble connexe de disciplines qui, outre la médecine, comprend la pharmacie, la chimie, la médecine vétérinaire, le génie civil et militaire, l’administration publique, les statistiques et l’économie politique» (19). Précisant toutefois que «[c]ette configuration de disciplines ne va pas de soi» (20), il s’attelle, dans les premiers chapitres de son ouvrage, à en rapporter attentivement la provenance.

Selon Jorland, l’épistèmé hygiéniste, telle qu’elle se rencontre au XIXe siècle, «trouve son origine chez Lavoisier qui l’a instaurée et pratiquée avant que ses collaborateurs et successeurs ne l’institutionnalisent» (20). En effet, celui que l’on présente souvent comme le père de la chimie moderne se serait essayé à la fin du XVIIIe siècle à de nombreuses disciplines, qu’il aurait toutes mises au service de l’instauration de l’épistèmé hygiéniste (20-26). Avant que d’être exécuté en 1794, Lavoisier œuvra également à l’institutionnalisation de cette épistémè: il participa aux travaux du Comité de salubrité de l’Assemblée nationale constituante, un comité «chargé de l’enseignement et de l’exercice de la médecine, de l’organisation des hôpitaux et des maisons de santé, et de tout ce qui intéressait la salubrité publique» (26). Or comme le rappelle Jorland, «[l]es préconisations en matière d’enseignement [de ce comité] furent mises en œuvre sans solution de continuité, sinon sans délai» (26), ce qui permit dès 1794 au médecin Jean-Noël Hallé de commencer à enseigner son propre paradigme hygiéniste à la faculté de médecine de Paris.

Le paradigme de Hallé a structuré tout au long du XIXe siècle l’enseignement des préceptes hygiénistes. Hallé définissait l’hygiène comme «la médecine de l’homme sain, par opposition à la thérapeutique, médecine de l’homme malade, ou encore comme l’art de conserver la santé, par contraste avec l’art de la restaurer» (43). Il s’agissait pour ce médecin de faire de l’hygiène une médecine préventive, fondée sur la prise en compte de deux paramètres: le sujet et la matière. Comme le rappelle Jorland, au sein du paradigme de Hallé,

[l]e sujet, c’est l’homme considéré sous un double point de vue, individuel et social, et, selon Hallé lui-même, c’est cette distinction entre hygiène privée et hygiène publique qui fait toute l’originalité de sa théorie. À la constitution physique des individus, qui les prédispose à telle ou telle maladie, correspond la constitution médicale des populations, qui les rend vulnérables aux endémies comme aux épidémies.

La matière de l’hygiène, ce sont tous les éléments du monde extérieur susceptibles de modifier positivement ou négativement la santé, et qui seront appelés «modificateurs de santé». Hallé, systématisant Boerhaave, les classe en circumfusa —choses environnantes, comme l’air, la lumière, le climat, selon les saisons— , applicata —choses appliquées à la surface du corps, comme les habits, les cosmétiques, les bains, etc.—, ingesta —choses introduites dans le corps, comme les aliments, les boissons et les médicaments—, excreta —choses rejetées du corps, comme les excréments, le sperme ou le sang menstruel—, gesta —actions volontaires, comme la veille, le sommeil, la locomotion et le repos, selon les professions— et percepta —les perceptions, les sensations, les affections, les cognitions, subsumées toutes ensemble sous l’hygiène morale. (43-44)

L’hygiène, telle qu’elle est enseignée au XIXe siècle, comprend donc les soins apportés aux corps tels que les a étudié Vigarello, mais ne se limite pas à ceux-ci. Cette nouvelle branche de la médecine inclut entre autres une perspective morale, laquelle sera d’une grande importance pour les réappropriations de la notion d’hygiène dans le long XIXe siècle. Le rapport étroit de l’hygiène avec les questions morales participe en effet à la diffusion des préceptes hygiénistes dans les classes aisées. Comme l’a montré Alain Corbin, la bonne hygiène —et notamment l’attention à son odeur— permet au bourgeois de se distinguer moralement du peuple par sa propreté, ce qui l’encourage à affirmer sur lui sa supériorité:

L’absence d’odeur importune permet de se distinguer du peuple putride, puant comme la mort, comme le péché et, du même coup, de justifier implicitement le traitement qu’on lui impose. Souligner la fétidité des classes laborieuses, et donc mettre l’accent sur le risque d’infection que leur seule présence comporte, contribue à entretenir cette terreur justificatrice dans laquelle la bourgeoisie se complaît et qui endigue l’expression de son remords. (62, nous soulignons.)

Si l’on considère, avec Martyn Lyons, qu’«un bourgeois avait[, au XIXe siècle,] beaucoup plus de chances d’être un lecteur régulier et un possesseur de livres qu’un paysan ou un ouvrier» (249), il n’est pas étonnant que le milieu littéraire ait, lui aussi, été influencé par la popularisation de ces idées. Par ailleurs, et comme le souligne Valérie Stiénon, pour comprendre le dialogue qui s’établit entre l’hygiénisme et la littérature au XIXe siècle, «il faut compter avec toute la labilité que manifeste l’hygiène, à la fois discipline, appareil idéologique d’État et vision du monde» (18):

Le moins que l’on puisse dire est que le sujet concerne un grand nombre de données. […] À travers ces données, c’est plus fondamentalement la formation d’un regard sur la société qui se met en place, contribuant à penser l’humain dans son environnement et à l’inscrire dans une sociographie. Mais dans la mesure où l’hygiène a davantage une portée prescriptive qu’une force d’application, il lui faut aussi se fonder sur l’imaginaire et se parer de justifications diverses, qu’elles soient morales, scientifiques ou pédagogiques. (19-20)

Il convient alors de s’interroger, à la suite de Stiénon, sur ce qui motive la migration de la notion d’hygiène dans les discours littéraires du XIXe siècle, afin d’apprécier avec justesse la manière dont les œuvres littéraires ont pu être investies par cette notion.

 

Du discours médical au roman

Valérie Stiénon, dans son article «Prévision et prévention. Le roman d’anticipation dans les discours de l’hygiène» (2018), retrace avec justesse l’importance institutionnelle des préceptes hygiénistes dans la France du XIXe siècle et son influence sur leur inscription dans la littérature conjecturale de la seconde moitié du siècle. Certains des constats de la chercheuse, qu’elle applique elle-même à la compréhension de l’hybridation des discours sociaux et littéraires dans le roman d’anticipation entre 1846 et 1928, nous semblent pouvoir s’appliquer à l’ensemble du corpus littéraire du second XIXe siècle et méritent d’être convoqués ici, puisqu’ils éclairent d’une façon inédite les raisons de la migration de la notion d’hygiène dans la littérature de cette période.

Comme le rappelle la chercheuse, de nombreux facteurs expliquent la popularisation de la notion d’hygiène dans les discours du XIXe siècle, et notamment dans le discours littéraire. D’abord,

[la] diffusion [des préceptes hygiénistes] dans l’espace social est renforcée par la forme vulgarisée d’une hygiène à l’usage des foyers et des écoles, relayée par une abondante littérature de revues spécialisées, de brochures de sensibilisation et de manuels de vulgarisation. (2)

Puis, «[l]’inscription sociale de l’hygiène est encore appuyée par la réclame qui récupère l’argument sanitaire pour vendre de nouveaux produits» (5). Enfin, le domaine d’application de la notion d’hygiène gagne aussi en  «extension […] parce qu’[il] mobilise d’autres acteurs sociaux que les seuls médecins —journalistes, académiciens, professeurs— et traverse un ensemble mouvant de disciplines» (6). Cette «situation d’intersection [non seulement] l’amène à assimiler des problématiques morales et sociales» (6), mais témoigne aussi du fait que l’hygiène «investit [au XIXe siècle] ce que Marc Angenot nomme une hégémonie du discours social, c’est-à-dire une configuration dominante capable d’imposer ses thèmes, sa rhétorique et ses modalités expressives de mise en forme du réel» (6). Ainsi, «[s]uperposant les problématiques médicale et morale, s’imprimant sur les supports les plus expansifs, s’appuyant sur un important outillage promotionnel, l’hygiène représente une source d’information non négligeable et un sujet de prise de position pour les écrivains» (201Gérard Jorland, dans Une société à soigner, en arrive au même constat: «Les traités et manuels d’enseignement, les rapports d’expertise à la demande des pouvoirs publics, et les enquêtes ou recherches personnelles concernant tous les aspects de la société française susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique ont constitué une véritable clinique sociale, qui fut une source d’informations aussi bien pour les théoriciens, comme Karl Marx, que pour les romanciers, de Balzac à Marcel Proust.» (13, l’auteur souligne.)), ce qui explique sa grande popularité dans le discours des romanciers. Comme Stiénon a déjà montré l’influence des préceptes hygiénistes sur le roman d’anticipation de la seconde moitié du XIXe siècle, il convient d’examiner à notre tour ce qui, dans le cas précis du roman zolien, a motivé cette migration.

 

Zola et l’hygiénisme

Selon Valérie Stiénon, le XIXe siècle est d’autant plus propice à la migration de la notion d’hygiène dans le discours des écrivains qu’il «précède pour une bonne part l’organisation des sciences humaines en cadres disciplinaires différenciés et voit les hommes de lettres participer régulièrement aux sociabilités et aux débats scientifiques» (6). Partant de ce constat, nous pouvons déjà effectuer des rapprochements avec le cas zolien. En effet, avant que d’entamer la rédaction de son premier grand cycle romanesque, et alors qu’il prépare la parution de son premier roman, La Confession de Claude (1865), Zola fait déjà preuve d’un intérêt sans équivoque pour les questions sociales et scientifiques dans son discours journalistique. Dans la première de ses deux «Lettres d’un curieux» (mars 1865), qu’il adresse —selon toute vraisemblance— au rédacteur en chef de L’Avenir national, le chroniqueur se donne notamment pour tâche de rendre compte avec justesse des problèmes du siècle —qu’il peint comme de véritables maladies. Usant d’une rhétorique projective qui, nous le verrons, est loin d’être anodine, il indique dans ses chroniques vouloir transmettre à la société future non seulement une histoire, mais aussi un enseignement:

Nous sommes malades de progrès, malades de science, d’art et d’industrie, et, chaque jour, nous interrogeons l’horizon avec anxiété pour savoir si les problèmes sociaux et artistiques, scientifiques et industriels n’ont pas enfin reçu leurs solutions. […] Puisque notre temps est pris de folie cérébrale, de monomanie progressive et humanitaire, puisqu’en lui les nerfs l’emportent sur le sang et que nous ne savons où s’arrêtera l’exaltation qui nous pousse à la liberté et à la justice, notre temps a besoin de moralistes, de chroniqueurs qui marquent les phases de sa maladie, ses fièvres et ses palpitations, et qui apprennent ainsi aux hommes, à la société de demain, comment ils sont nés, dans quelle douleur et dans quel travail de géants. Il y a donc une place à prendre, et je n’ose dire que mon grand orgueil serait de tenter cette terrible besogne de moraliste […]. (1865: s.p.)

Par sa dimension projective d’«enseignement à transmettre», une dimension cristallisée dans l’emploi du verbe «apprendre» en fin de paragraphe, l’entreprise du chroniqueur se rapproche doublement de celle des hygiénistes. D’une part, rappelons que, «ne pouvant soigner les maladies, [les hygiénistes] mis[ent] sur la guérison spontanée et sur les mesures préventives» (Jorland: 12), des mesures qui se sont notamment traduites au XIXe siècle par l’enseignement, dans les facultés de médecine, des préceptes hygiénistes. En cherchant à «marquer les phases de [l]a maladie» du Second Empire pour «appren[dre] […] aux hommes, à la société de demain, comment ils sont nés, dans quelle douleur et dans quel travail de géants», Zola semble aspirer à un même effet préventif, qui empêchera la «folie cérébrale» de ce règne de se transmettre dans celui qui lui succédera. Ce constat nous mène à un second rapprochement, d’autre part, puisque la mission des hygiénistes, «orientée vers un état futur et donnée comme un idéal à réaliser, s’appuie [elle aussi] sur des projets dont il s’agit de manipuler les virtualités à travers une visée prospective plus ou moins explicite» (Stiénon: 8), une visée «encore accentuée par le fait qu’en France, l’institution hygiéniste a essentiellement un rôle consultatif tout au long du XIXe siècle» (Stiénon: 9). L’entreprise journalistique zolienne, du fait de sa dimension à la fois éducative et projective, prend ainsi une tonalité hygiéniste dès l’abord. Esquissé dans les chroniques, ce programme «hygiéniste» sera (littéralement) mis en œuvre dans le premier cycle romanesque de Zola. Nous nous pencherons donc sur la genèse des Rougon-Macquart de même que sur les liens que présente ce cycle avec le projet des hygiénistes afin de comprendre les causes et la spécificité de la réappropriation de la notion d’hygiène dans le discours esthétique du père du Naturalisme.

Le cycle des Rougon-Macquart tel que le conçoit Zola à son origine, en plus de sa dimension projective, qu’il partage avec les chroniques du romancier, entre en dialogue avec le projet hygiéniste selon trois facteurs déterminants. D’abord, le projet romanesque a le même objet que le paradigme de Hallé. Ensuite, il se nourrit du même fantasme de dégénérescence «que [celui que] les hygiénistes […] contribu[ent] à susciter et qu’ils n’[ont] de cesse d’alimenter» (Jorland: 151). Enfin, il partage avec lui une même «utopie de regénération […] au lendemain de la guerre franco-prussienne» (Murard et Zylberman: 7). Ces trois facteurs demandent à ce que nous les expliquions minutieusement, car, comme nous le verrons, le rapport de Zola à l’hygiène est déterminant pour la formation de son idéal esthétique.

Ce que propose, chose inédite, Hallé avec son paradigme, c’est une grille conceptuelle qui «consist[e] à analyser le sujet dans ses interactions avec son milieu» (Jorland: 13). De fait, il est possible d’effectuer des rapprochements entre le paradigme de Hallé et le roman zolien. Rappelons que Zola, dans les Notes générales sur la marche de l’œuvre (1868-1869) qui annoncent le cycle à venir des Rougon-Macquart, résume celui-ci à l’étude romanesque de deux éléments: «1° l’élément purement humain, l’élément physiologique, l’étude scientifique d’une famille avec les enchaînements et les fatalités de la descendance», ce qui revient à dire qu’il y étudiera le sujet, et «2° [l’]effet du moment moderne sur cette famille, son détraquement par les fièvres de l’époque, [l’]action sociale et physique des milieux» (NAF 10345 f° 1 à 7), ce qui revient à dire qu’il analysera les interactions de ce sujet avec son milieu. Le roman zolien est donc animé par le même sujet et la même matière que le paradigme hygiéniste qui se diffuse depuis le début du XIXe siècle dans les discours médicaux. Deux divergences se dessinent cependant entre les analyses proposées par les hygiénistes au moyen de ce paradigme et celles envisagées par Zola, des divergences que nous remettrons ici en perspective afin de saisir la complexité des liens qui unissent le roman zolien à l’hygiène.

Alors que l’hygiénisme se présente comme la «médecine de l’homme sain» et qu’elle considère son sujet comme porteur d’une santé immanente, le roman zolien est quant à lui habité par des personnages malades de leur temps dont le rôle est de figurer «le tableau d’un règne mort, d’une étrange époque de folie et de honte» (Zola, 1981 [1871]: 28). Cette divergence n’est toutefois pas en décalage avec la dimension projective que l’on retrouve à la fois chez les hygiénistes et chez Zola. Rappelons que la chronique zolienne, en «marqu[ant] les phases de [l]a maladie» (1865: s.p.) de la société dans laquelle évoluait l’écrivain, cherchait à transmettre un enseignement selon une volonté très proche de celle des hygiénistes. En mettant en scène «la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race […] [les] vertus et [les] vices» (Zola, 1981[1871]: 27-28), le cycle des Rougon-Macquart cherche lui aussi à induire un assainissement non de ses personnages, mais de la société toute entière, grâce à la «vérité» de sa représentation. Il suffit, pour s’en convaincre, de convoquer les propos du romancier dans ses Notes générales sur la marche de l’œuvre:

Pour résumer mon œuvre en une phrase: je veux peindre, au début d’un siècle de liberté et de vérité, une famille qui s’élance vers les biens prochains, et qui roule détraquée par son élan lui-même, justement à cause des lueurs troubles du moment, des convulsions fatales de l’enfantement d’un monde. […] J’ai dit qu’il y avait un élan vers la liberté et la justice. Je crois que cet élan sera long à aboutir, tout en admettant qu’il peut conduire à un mieux. Mais je crois plutôt à une marche constante vers la vérité. C’est de la connaissance seule de la vertu que pourra naître un état social meilleur. (1868-1869, NAF 10345 f° 1 à 7)

Ce ne sont donc pas tant les personnages des romans qui sont visés par l’hygiénisme zolien que les lecteurs de ces romans, pour qui la connaissance acquise par la lecture au sujet de réalités sociales de tout ordre devrait favoriser sinon la santé physique, du moins la santé morale et sociale.

Ce constat nous mène à un second écart entre le projet des hygiénistes et le projet zolien. Alors que l’hygiénisme a pour objectif de maintenir et d’améliorer, par la diffusion de pratiques et de savoirs divers, l’état de santé de la population —ou à tout le moins de prévenir ses affections—, l’étude romanesque proposée par Zola se veut quant à elle seulement une constatation. Comme l’écrit Zola, «[m]on étude est un simple coin d’analyse du monde tel qu’il est. Je constate purement. C’est une étude de l’homme placé dans un milieu, sans sermon.» (1868-1869, NAF 10345 f° 1 à 7) Bien que ce positionnement éloigne, en théorie, le projet zolien des visées hygiénistes, celui-ci fait au contraire écho à une autre réalité de l’application de l’hygiénisme au XIXe siècle et permet encore une fois le rapprochement entre le projet des hygiénistes et le projet zolien. Comme le rappelle Valérie Stiénon, le rôle essentiellement consultatif de l’institution hygiéniste au XIXe siècle fait en sorte que «les projets hygiénistes revêtent […] une valeur polémique modérée, ancrée dans le sens commun plutôt que dans la volonté réformiste» (9). De ce fait, et comme le souligne l’historien Jacques Léonard, «[p]our se faire accepter, l’entreprise hygiéniste fait son œuvre goutte à goutte, par des suggestions modestes, des observations réitérées et des critiques de bon sens» (151). En cela, cette entreprise rejoint, dans son essence, le projet zolien.

Ces premiers rapprochements entre le projet des hygiénistes et le projet romanesque et social de Zola ne suffisent pas à expliquer la migration de la notion d’hygiène du discours médical au discours littéraire dans le cas précis du romancier, ni même à cerner la spécificité de ce transfert. Pour en comprendre les justifications profondes, il nous faut observer deux autres facteurs déterminants, c’est-à-dire l’influence du fantasme de la dégénérescence sur les pratiques romanesques du second XIXe siècle, et tout particulièrement sur celle de Zola, ainsi que ses effets sur l’élaboration d’un second fantasme chez le romancier, celui de la régénération sociale.

Comme le rappelle Gérard Jorland, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le fantasme de la dégénérescence affecte l’ensemble de la communauté littéraire:

Au mythe d’une humanité en route vers la lumière, et donc sur le chemin du progrès, fût-il parsemé d’embûches, succéda celui d’une humanité décadente, dégénérée à cause du progrès lui-même, ou plutôt de sa forme matérielle, l’industrie broyeuse des corps et la finance corruptrice des âmes. De Baudelaire à Proust, il n’est pas un écrivain français, poète ou romancier, qui n’ait décliné ce thème. (151)

Selon le philosophe et historien des sciences, trois textes en particulier alimentent ce fantasme et contribuent à son élaboration: le traité sur l’hérédité de Prosper Lucas, celui sur la dégénérescence d’Augustin Morel et l’essai sur la décadence de la France de Claude-Marie Raudot (152). Zola, on le sait, a lu les travaux de Lucas et de Morel, «et utilise [leurs] idées dans plusieurs de ses ouvrages» (Percheron: 20162Nous ne reviendrons pas ici sur l’exploitation zolienne du thème de la dégénérescence, comme celle-ci a longuement été abordée par la critique. Voir notamment Louis Huard (1988) et Gilbert Darbouze (1997).). Comme le souligne Bénédicte Percheron, «[s]i Flaubert use avec parcimonie de la théorie de la dégénérescence, Zola l’inclut dans un système de création littéraire beaucoup plus vaste, au cœur même d’un cycle d’ouvrages en vingt volumes, celui des Rougon-Macquart» (8). Or dans la pensée zolienne, cette attention portée à la dégénérescence, qui mène nombre d’écrivains sur le chemin du décadentisme à la fin du siècle, s’accompagne plutôt, à l’instar du projet hygiéniste, d’une visée de régénération.

Comme le rappelle Gilbert Darbouze, «une des prétentions, justifiées ou non, du romancier naturaliste est de mener une expérience active (au lieu d’être un observateur passif) dans le but, dans l’espoir de découvrir un moyen, une cure qui pourrait régénérer la société» (141).  Dans le cas de Zola, «en dépit d’une situation apparemment désespérée, [celui-ci] voi[t] une possibilité de régénérescence dans un avenir où règneront l’altruisme, l’amour et la justice sociale» (142). Ce sont surtout les romans qui suivent Les Rougon-Macquart qui en témoignent, puisque, vers la fin du siècle, et comme l’a montré Alain Morice, «porté par le courant solidariste […], Zola [est] obligé de troquer l’anatomie sociale pour la recherche de solutions» (78). Dans les dernières décennies du XIXe siècle, Zola n’est d’ailleurs pas le seul écrivain à chercher dans la solidarité sociale et dans l’humanitarisme les moyens d’assainir la société française. David Baguley, dans la thèse qu’il consacre au roman Fécondité (1899), rappelle qu’à cette époque, de nombreux écrivains voient dans le solidarisme une solution au décadentisme, qu’ils associent à l’individualisme. Cette philosophie politique est ainsi appelée à jouer un grand rôle dans la question de la régénération sociale qui anime les auteurs (Baguley: 15). Or ce ne sont pas que les écrivains qui font appel à ces idéaux. Après la défaite cuisante de la France contre la Prusse lors de la guerre de 1870-1871, les hygiénistes cherchent effectivement les causes de sa défaite dans le manque de vitalité de la population et incitent l’État à mener une réforme de l’institution hygiéniste sous la IIIe République (Jorland: 295 et 298). Cette réforme avait pour objectif de permettre l’imposition de contraintes de santé publique, et donc de faire passer les instances hygiénistes d’un rôle consultatif à un rôle décisionnaire. Si les hygiénistes parvinrent à faire voter cette nouvelle législation sanitaire sous la IIIe République, il ne le purent qu’en abandonnant l’idéologie libérale qu’ils encourageaient jusqu’alors pour «en construire une autre plus appropriée, le solidarisme» (Jorland: 323).  Comme le rappelle Jorland, au XIXe siècle,

[b]ien sûr, le gouvernement concevait à Paris des lois pour tout le royaume, l’Empire ou la République. Mais c’étaient les conseils généraux qui tenaient le pays, décidant d’appliquer ou non ces lois en votant ou non les crédits nécessaires. Cela se traduisait dans l’idéologie politique. Si les libertés collectives (droit d’association) étaient strictement contrôlées par le pouvoir central, les libertés individuelles étaient farouchement défendues. Au libéralisme hégémonique, les hygiénistes allaient opposer une autre idéologie, le solidarisme, et aux libertés individuelles, les libertés collectives. (301-302)

On voit ainsi combien la pensée zolienne rejoint les préoccupations des hygiénistes, de même que les moyens de leur mise en œuvre. Cependant, malgré une même visée projective, une même attention aux interactions entre les sujets et leurs milieux, un même intérêt pour le fantasme de la dégénérescence et un même espoir solidariste envers le fantasme de la régénérescence, nous verrons que, dans ses romans, Zola se réapproprie d’une façon bien singulière les préceptes hygiénistes.

 

Le naturalisme, une esthétique hygiéniste?

À la parution du premier volume des Rougon-Macquart correspond la chute du Second Empire, «dont [Zola] avai[t] besoin comme artiste, et que toujours [il] trouvai[t] fatalement au bout du drame, sans oser l’espérer si prochaine» (Zola, 1981[1871]: 28). Rappelons que Zola constate dès 1865 dans ses chroniques la «maladie» qui touche la société sous ce régime. Lorsque survient la guerre de 1870-1871, qui signe l’arrêt de mort de l’Empire, la France passe ainsi aux yeux du romancier d’un règne malade à un règne qu’il espère salvateur. Or pour marquer ce passage d’un règne à l’autre, selon Zola, il faut également faire peau neuve au sens poétique du terme: l’esthétique naturaliste devient pour l’écrivain le seul moyen de régénérer la littérature après l’«étrange époque de folie et de honte» (Zola, 1981[1871]: 28) qu’a été à ses yeux le Second Empire, ce qu’il confirme en affirmant, dans La République et la littérature (1879), que «[l]a République sera naturaliste, ou elle ne sera pas» (5). Compte tenu des liens étroits qui unissent le projet zolien au projet hygiéniste, il convient de se pencher sur la donnée hygiéniste de cette esthétique à visée régénératrice, dont Zola rend compte de façon éclairée dans le quatorzième volume de son cycle romanesque, L’Œuvre, en y mettant en scène son double fictif, le romancier Pierre Sandoz.

Ainsi que l’affirme Frédérique Giraud, «[a]vec l’écrivain Sandoz, Zola présente un double fictif qui est une instance d’autoreprésentation délibérée» (3). Dans L’Œuvre, la mise en scène de ce double joue un rôle singulier. Selon Giraud, «la fictionnalisation de soi à travers ce roman a pour Zola une valeur pragmatique plutôt que représentative. C’est un acte performatif, un acte d’écriture par lequel il cherche à dessiner son image publique.» (9) Sandoz revêt ainsi les traits physiques du romancier, partage avec lui les mêmes origines familiales, tout comme il suit un parcours professionnel similaire à celui de Zola (3). Sandoz partage en outre avec Zola son idéal esthétique, qu’il n’a de cesse de défendre au fil du roman. Cet idéal est convoqué à de nombreuses reprises lors des discussions de Sandoz avec les personnages d’artistes qui parsèment le récit —et plus particulièrement avec le personnage de Claude Lantier, un peintre génial exaspéré par son incapacité à atteindre son propre idéal. Or l’idéal romanesque de Sandoz et l’idéal pictural de Claude — dont les opinions esthétiques rappellent également celles de Zola— sont constamment explicités au moyen de considérations hygiénistes.

L’idéal esthétique de Sandoz, au même titre que celui prôné par Claude Lantier, cherche à s’opposer aux idéaux qui le précède. Dans L’Œuvre, qui est aussi, rappelons-le, le roman de la modernité picturale et des impressionnistes, ce sont ainsi des peintres romantiques et réalistes qui sont d’abord convoqués pour représenter l’ancienne école. Alors qu’il observe la toile qu’il vient de peindre, Claude juge en effet d’un mauvais œil le produit qu’il a sous les yeux en se critiquant de copier les grands artistes qui l’ont précédé: «Nom d’un chien, c’est encore noir! J’ai ce sacré Delacroix dans l’œil. Et ça, tiens! cette main-là, c’est du Courbet….» (2016 [1886]: 683Lors de cette discussion, Sandoz «se lament[e] lui aussi d’être né au confluent d’Hugo et de Balzac» (68), le romancier refusant comme le peintre de suivre les traces de ses prédécesseurs.) Cependant, ces constats sont rapidement suivis d’un autre qui, sur le plan de la réappropriation zolienne de la notion d’hygiène, est révélateur. Le commentaire qui suit ces observations met en effet au jour la visée que devrait avoir la peinture moderne dans la pensée de ces personnages, c’est-à-dire une visée de «nettoyage»: «Ah! nous y trempons tous, dans la sauce romantique. Notre jeunesse y a trop barboté, nous en sommes barbouillés jusqu’au menton. Il nous faudra une fameuse lessive.» (2016 [1886]: 68, nous soulignons) À la toute fin du roman, lorsque Sandoz assiste à l’enterrement de Claude, qui s’est suicidé par dépit de ne pouvoir créer le chef-d’œuvre envisagé, le romancier entrevoit quant à lui le caractère vain de ce seul «nettoyage»: «Oui, notre génération a trempé jusqu’au ventre dans le romantisme, et nous en sommes restés imprégnés quand même, et nous avons eu beau nous débarbouiller, prendre des bains de réalité violente, la tache s’entête, toutes les lessives du monde n’en ôteront pas l’odeur.» (2016 [1886]: 402) Dans ce discours esthétique, Sandoz emploie deux modificateurs de santé reconnus par l’hygiénisme, le bain et la lessive, pour témoigner de son désir de «désencrasser» l’art de l’ancien lyrisme romantique. À cet égard, remarquons que le «bain» réaliste entrevu par le romancier fictif possède une étrange particularité, puisque celui-ci est un bain de «réalité violente». Or au XIXe siècle, c’est notamment pour sa violence que le réalisme a été discrédité par les critiques4Dans Du principe de l’art et de sa destination sociale (1865), P. J. Proudhon, qui critique la toile Un Enterrement à Ornans de Gustave Courbet, dit en effet ceci: «Le contraste entre les figures et le motif pieux qui les réunit est d’une telle violence, que je ne pense pas, quoi que nous puissions dire nous autres hérauts et vulgarisateurs de l’idée nouvelle, que de longtemps le public puisse comprendre et supporter une pareille leçon, ni l’artiste compter, pour de tels essais, sur le suffrage des masses.» (208, nous soulignons.). Influencé par le discours hygiéniste en vogue dans la seconde moitié du siècle, Zola s’appuie donc sur un lexique associant esthétique et hygiène pour témoigner du désir de renouveau éprouvé par les artistes du Second Empire. Cependant, ainsi que nous avons pu le lire dans le discours de Sandoz, pour mener à bien ce renouveau, le seul «nettoyage» est insuffisant.

Ainsi que l’affirme Sandoz, malgré leurs efforts, «la tache s’entête» chez les peintres comme chez les auteurs. Plus loin, le personnage renchérit d’ailleurs en disant que «[sa] génération est trop encrassé de lyrisme pour laisser des œuvres saines» (2016 [1886]: 402). Si le personnage accuse le romantisme d’avoir «encrassé» sa génération et le réalisme de ne pas avoir suffi à se défaire de cette «souillure», c’est donc qu’il faut se tourner vers une autre méthode pour assainir véritablement les œuvres:

Il faudra une génération, deux générations peut-être, avant qu’on peigne et qu’on écrive logiquement, dans la haute et pure simplicité du vrai… Seule, la vérité, la nature, est la base possible, la police nécessaire, en dehors de laquelle la folie commence; et qu’on ne craigne pas d’aplatir l’œuvre, le tempérament est là, qui emportera toujours le créateur. (2016 [1886]: 402-403)

Par cette diatribe, où Sandoz en appelle à une nouvelle forme de peinture et de littérature, à un art qui soit fait «logiquement, dans la haute et pure simplicité du vrai», c’est bien sûr au naturalisme que renvoie le personnage. Or ce discours en faveur du naturalisme est déjà présent dès la première discussion esthétique du roman. Comme nous le verrons, il témoigne en outre de particularités fort éclairantes du point de vue de l’appropriation zolienne de la notion d’hygiène.

Dans le deuxième chapitre du roman, Claude prend Sandoz pour modèle. Cette activité donne lieu à une discussion sur l’art entre les personnages, une discussion qui revêt elle-même un caractère hygiénique dans le discours de la narration. Les échanges entre les artistes semblent en effet les revigorer, comme s’ils y refaisaient leur santé:

Dès qu’ils étaient ensemble, le peintre et l’écrivain en arrivaient d’ordinaire à cette exaltation. Ils se fouettaient mutuellement, ils s’affolaient de gloire; et il y avait là une telle envolée de jeunesse, une telle passion du travail, qu’eux-mêmes souriaient ensuite de ces grands rêves d’orgueil, ragaillardis, comme entretenus en souplesse et en force. (2016 [1886]: 67-68)

Lors de cette première discussion esthétique, Sandoz en vient alors à exposer à Claude ses idées et son ambition littéraires. Celles-ci s’apparentent à celles du naturalisme et de Zola:

Ah! que ce serait beau, si l’on donnait son existence entière à une œuvre, où l’on tâcherait de mettre les choses, les bêtes, les hommes, l’arche immense! Et pas dans l’ordre des manuels de philosophie, selon la hiérarchie imbécile dont notre orgueil se berce; mais en pleine coulée de la vie universelle, un monde où nous ne serions qu’un accident, où le chien qui passe, et jusqu’à la pierre des chemins, nous compléteraient, nous expliqueraient; enfin le grand tout, sans haut ni bas, ni sale ni propre, tel qu’il fonctionne… Bien sûr, c’est à la science que doivent s’adresser les romanciers et les poètes, elle est aujourd’hui l’unique source possible. Mais, voilà! que lui prendre, comment marcher avec elle? Tout de suite, je sens que je patauge… Ah! si je savais, si je savais, quelle série de bouquins je lancerais à la tête de la foule! (2016 [1886]: 66-67, nous soulignons.)

Cette déclaration, bien qu’elle ne soit pas à proprement parler hygiéniste, fait état de deux spécificités de l’hygiénisme que porte en germe le rêve littéraire naturaliste de Sandoz et, par association, l’idéal romanesque zolien. D’une part, le propos de Sandoz est étroitement lié aux questions de propreté et de saleté, lesquelles, nous l’avons vu, sont elles-mêmes étroitement liées aux questions morales dans le second XIXe siècle. En affirmant vouloir montrer «le grand tout, sans haut ni bas, ni sale ni propre, tel qu’il fonctionne», Sandoz témoigne de l’importance que prendront à la fois la propreté et la saleté, de même que la moralité et l’immoralité, dans ses œuvres futures. Or ces œuvres, si nous suivons la logique associative du récit, correspondent justement aux Rougon-Macquart: c’est donc pour Zola un moyen de se positionner en faveur de la représentation conjointe du pur et de l’impur dans son œuvre romanesque. D’autre part, et contrairement à ce qui est prôné dans le discours hygiéniste, la propreté n’acquiert aucune supériorité face à la saleté dans le discours de Sandoz. Le personnage ne valorise en effet ni le sale, ni le propre, puisque c’est ailleurs, dans la vérité, que réside pour lui l’intérêt de la représentation romanesque. En 1886, nous l’avons vu, ce constat n’a rien de nouveau. Une vingtaine d’années plus tôt, dans sa «Réponse à Ferragus» (1868), Zola expliquait déjà que c’était la quête de vérité, et non une quelconque complaisance pour l’immondice et la fange, qui motivait le rapport à la saleté (physique et morale) chez lui5Zola affirmait d’ailleurs rédiger sa réponse «non pour [s]e défendre, mais pour défendre la cause de la vérité» (324).:

S’il est possible, ayez un instant la curiosité du mécanisme de la vie, oubliez l’épiderme satiné de telle ou telle dame, demandez vous quel tas de boue est caché au fond de cette peau rose dont le spectacle contente vos faciles désirs. Vous comprendrez alors qu’il a pu se rencontrer des écrivains qui ont fouillé courageusement la fange humaine. La vérité, comme le feu, purifie tout. […] D’ailleurs, monsieur, je vous l’accorde, on doit fouiller la boue aussi peu que possible. J’aime comme vous les œuvres simples et propres, lorsqu’elles sont fortes et vraies en même temps. Mais je comprends tout, je fais la part de la fièvre, je m’attache surtout dans un roman à la marche logique des faits, à la vie des personnages […]. (cité dans Zola, 1979 [1867]: 327)

Ainsi, bien que Sandoz fasse d’emblée appel à des questions de propreté et de saleté (tant physique que morale) dans son discours esthétique, ce qui le rapproche du discours des hygiénistes, l’hygiénisme que défend le roman zolien diffère largement de l’hygiénisme médical du XIXe siècle puisqu’il en aplatit les pôles axiologiques fondamentaux et qu’il fait de la représentation de la vérité son ultime finalité. Par ailleurs, contrairement à la pensée des hygiénistes, qui participent à la conservation de la santé du peuple français en encourageant des pratiques spécifiques, dans la pensée zolienne, il ne suffit pas, pour conserver la santé de l’art, de faire propre ou de faire beau: il faut plutôt faire vrai, et ce, même si cela implique la représentation de sujets, de thèmes ou de valeurs considérés dans les discours comme non hygiéniques.

En guise de conclusion à cette réflexion, nous souhaiterions enfin revenir sur un dernier élément du discours esthétique présenté dans L’Œuvre. En effet, dans ce roman, bien que les artistes présentent des discours esthétiques aux visées nettement hygiénistes, la création n’a rien d’hygiénique pour ceux qui doivent la produire. Si Claude se suicide, à force de ne point réussir à peindre comme il le souhaite, Sandoz déplore quant à lui les effets néfastes de l’écriture sur sa vie quotidienne et sur sa santé:

Écoute, le travail a pris mon existence. Peu à peu, il m’a volé ma mère, ma femme, tout ce que j’aime. C’est le germe apporté dans le crâne, qui mange la cervelle, qui envahit le tronc, les membres, qui ronge le corps entier. Dès que je saute du lit, le matin, le travail m’empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air; puis, il me suit au déjeuner, je remâche sourdement mes phrases avec mon pain; puis, il m’accompagne quand je sors, rentre dîner dans mon assiette, se couche le soir sur mon oreiller, si impitoyable, que jamais je n’ai le pouvoir d’arrêter l’œuvre en train, dont la végétation continue, jusqu’au fond de mon sommeil… […] Non! Non! plus rien n’est à moi, j’ai rêvé des repos à la campagne, des voyages lointains, dans mes jours de misère; et, aujourd’hui que je pourrais me contenter, l’œuvre commencée est là qui me cloître: pas une sortie au soleil matinal, pas une escapade chez un ami, pas une folie de paresse! Jusqu’à ma volonté qui y passe, l’habitude est prise, j’ai fermé la porte du monde derrière moi, et j’ai jeté la clef par la fenêtre… Plus rien, plus rien dans mon trou que le travail et moi, et il me mangera, et il n’y aura plus rien, plus rien! (2016 [1886]: 299-300)

Pour Sandoz, ce n’est pas tant la réception critique des œuvres qui est néfaste que leur enfantement. Au contraire, la critique prend elle-même dans le discours du personnage une nature hygiénique, alors que l’écriture est montrée comme une source d’exaspération mortifère:

Je ne parle pas des potées d’injures qu’on reçoit. Au lieu de m’incommoder, elles m’excitent plutôt. J’en vois que les attaques bouleversent, qui ont le besoin de peu fier de se créer des sympathies. […] Mais l’insulte est saine, c’est une mâle école que l’impopularité, rien ne vaut, pour vous entretenir en souplesse et en force, la huée des imbéciles. […] Ah! si les autres savaient de quelle gaillarde façon je porte leurs colères! Seulement, il y a moi, et moi, je m’accable, je me désole à ne plus vivre une minute heureux. Mon Dieu! que d’heures terribles, dès le jour où je commence un roman! Les premiers chapitres marchent encore, j’ai de l’espace pour avoir du génie; ensuite, me voilà éperdu, jamais satisfait de la tâche quotidienne, condamnant déjà le livre en train, le jugeant inférieur aux aînés, me forgeant des tortures de pages, de phrases, de mots, si bien que les virgules elles-mêmes prennent des laideurs dont je souffre. Et, quand il est fini, ah! quand il est fini, quel soulagement! non pas de cette jouissance du monsieur qui s’exalte dans l’adoration de son fruit, mais le juron de portefaix qui jette bas le fardeau dont il a l’échine cassée… Puis, ça recommence; puis, ça recommencera toujours; puis, j’en crèverai, furieux contre moi, exaspéré de n’avoir pas eu plus de talent, enragé de ne pas laisser une œuvre plus complète, plus haute, des livres sur des livres, l’entassement d’une montagne; et j’aurai, en mourant, l’affreux doute de la besogne faite, me demandant si c’était bien ça, si je ne devais pas aller à gauche, lorsque j’ai passé à droite; et ma dernière parole, mon dernier râle sera pour vouloir tout refaire… (2016 [1886]: 302)

Bien que Sandoz (et le romancier qu’il figure) envisage la possibilité d’assainir la société française grâce à ses œuvres «vraies», il n’est pas dupe quant aux épreuves et aux souffrances individuelles que suscitera cette entreprise d’hygiénisme littéraire. En cela, le personnage nous semble atteindre le but artistique et social qu’il s’est fixé, puisque l’abnégation du créateur entre en droite ligne avec le solidarisme à la source de l’entreprise hygiéniste zolienne que nous avons précédemment évoquée. Dès lors, si notre attention s’est principalement fixée ici sur le discours esthétique exposé dans le roman zolien, il conviendrait de voir si Zola est également parvenu, dans ses œuvres, à se soumettre à l’idéal esthétique hygiéniste qu’il a longuement défendu et théorisé.

 

Bibliographie

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  • 1
    Gérard Jorland, dans Une société à soigner, en arrive au même constat: «Les traités et manuels d’enseignement, les rapports d’expertise à la demande des pouvoirs publics, et les enquêtes ou recherches personnelles concernant tous les aspects de la société française susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique ont constitué une véritable clinique sociale, qui fut une source d’informations aussi bien pour les théoriciens, comme Karl Marx, que pour les romanciers, de Balzac à Marcel Proust.» (13, l’auteur souligne.)
  • 2
    Nous ne reviendrons pas ici sur l’exploitation zolienne du thème de la dégénérescence, comme celle-ci a longuement été abordée par la critique. Voir notamment Louis Huard (1988) et Gilbert Darbouze (1997).
  • 3
    Lors de cette discussion, Sandoz «se lament[e] lui aussi d’être né au confluent d’Hugo et de Balzac» (68), le romancier refusant comme le peintre de suivre les traces de ses prédécesseurs.
  • 4
    Dans Du principe de l’art et de sa destination sociale (1865), P. J. Proudhon, qui critique la toile Un Enterrement à Ornans de Gustave Courbet, dit en effet ceci: «Le contraste entre les figures et le motif pieux qui les réunit est d’une telle violence, que je ne pense pas, quoi que nous puissions dire nous autres hérauts et vulgarisateurs de l’idée nouvelle, que de longtemps le public puisse comprendre et supporter une pareille leçon, ni l’artiste compter, pour de tels essais, sur le suffrage des masses.» (208, nous soulignons.)
  • 5
    Zola affirmait d’ailleurs rédiger sa réponse «non pour [s]e défendre, mais pour défendre la cause de la vérité» (324).
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