Cahiers Figura, numéro 02, 2001

Figures de la fin: approches de l’irreprésentable

Anne Élaine Cliche
Bertrand Gervais
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Il faudrait dire, ouvrant ce recueil, l’effet qu’a produit une question offerte en partage. Car il s’est bien agi d’une question à l’origine de ce regroupement de pensées et de paroles, d’une question que nous voulions reprendre, reposer et redisposer, remettre à l’épreuve d’une réflexion dont on savait seulement qu’elle s’imposait sans jamais trouver sa formulation immédiate, cherchant sa formule dans le travail des écritures et les retours de l’Histoire. Si l’imaginaire de la fin est la chose du monde la mieux partagée, ce partage est aussi ce qui s’impose lorsqu’on cherche à en dire l’emprise, lorsqu’on prétend vouloir en déchiffrer l’expression ou recomposer les figures qui en donnent le ton, le lien, le temps, voire l’imposture. Il s’agit donc d’un partage qui est bien sûr échange, rencontre, mais aussi partage que l’objet impose et qui opère ailleurs, en des scissions, brèches, coupures, ruptures multipliées qu’il nous faut aussitôt reconnaître comme la part la plus tangible et la plus claire de la question.

Car la question de la fin relève, quoi que l’on puisse en dire, de l’impossible, de l’impensable, elle force la phrase qui voudrait l’énoncer à concevoir le lieu même d’où elle s’énonce; lieu hors cadre et hors langue, lieu obscène qui n’est pas le contexte ni celui des conditions d’énonciation, mais ce champ en reste de la parole, où elle finit. Il y a dans la question de la fin, dans la question sur la fin, quelque chose en jeu comme une extorsion, une action qui consiste à tordre la pensée sur son dehors, à la tourmenter jusqu’à lui arracher ce qu’elle ne saurait dire sans pulvériser ses images ni délier son tissu de signes pour se rompre aux arrêtes du dire.

ISBN: 978-2-923907-02-4

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Articles de la publication

Anne Élaine Cliche & Bertrand Gervais

Avant-propos: Figures de la fin

Si l’imaginaire de la fin est la chose du monde la mieux partagée, ce partage est aussi ce qui s’impose lorsqu’on cherche à en dire l’emprise, lorsqu’on prétend vouloir en déchiffrer l’expression ou recomposer les figures qui en donnent le ton, le lien, le temps, voire l’imposture.

Geneviève Baril

Abel Beauchemin, messie, supplicié et chevalier de l’écriture apocalyptique

Alors qu’il est transporté en ambulance au cours d’une nuit d’épouvante qui le recouvre de sa ténèbre, apparemment en transit vers sa mort imminente, Abel Beauchemin, romancier fictif et narrateur du Don Quichotte de la démanche de Victor-Lévy Beaulieu, fait un songe étrange.

Martin Roldan

Les mots de la fin: désémiotisation et apocalypse dans «In the Country of Last Things» de Paul Auster

Se promenant dans l’Allemagne dévastée de l’après Première Guerre mondiale, Kurt Schwitters aperçoit sur une clôture l’inscription «Anna Blume und Franz Müller», signe témoignant sans aucun doute d’un amour de jeunesse idyllique, d’un havre de plénitude issu de ruines et d’objets décomposés.

Éric de Larochellière

Dhalgren et les recommencements de la fin

Dhalgren, de Samuel Ray Delany, est une métafiction qui consiste à la fois en la traversée, incessamment reprise, d’un espace-temps apocalyptique et en une investigation poétique ayant pour objet l’innaginaire de la fin en tant que tel.

Mario Lusignan

L’espace gothique: l’exemple du Moine de Matthew Lewis

Cette étude entend ouvrir la discussion sur un chapitre de l’histoire du roman anglais du point de vue de l’imaginaire de la fin, point de vue demeuré, jusqu’ici, lacunaire. Alors que les perspectives critiques des études contemporaines sur la période littéraire «gothique» prennent des directions différentes, curieusement, une analyse de son langage eschatologique semble en être absente.

Frédérique Godefroid

Une fin de siècle à rebours

La fin du XIXe siècle en France est, encore aujourd’hui, représentative d’un vaste imaginaire de la fin, en cela qu’elle fut identifiée et même revendiquée par toute une génération d’artistes et de critiques comme une période de décadence.

Stéphanie Lazure

En commençant par la fin: ou la mort comme origine d’un impossible récit

Tout d’abord, il y a la fin. De celle-ci, véritablement, rien ne peut être dit. Elle est inconcevable: un point d’absence qui se saisit comme arrêt, toujours repoussé vers un ailleurs qui l’avale. Elle est ce que l’on ne peut appréhender, l’inaccessible refermé sur lui-même.

Pascal Caron

Le dos du prisonnier et la face de Dieu: l’invention de la parole dans «L’espèce humaine» de Robert Antelme et «Shoah» de Claude Lanzmann

Si l’histoire relate le mouvement qui porte une multiplicité de sujets singuliers, ce n’est qu’au prix de l’effacement de leur singularité, au profit d’ une vue plus générale. Plus spécifiquement, entendons ceci: l’histoire s’écrit en réponse à un effacement qu’elle précipite et contribue à combler.

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