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Zero Dark Thirty

Simon Breault
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée:

Bigelow Kathryn. 2012. Zero Dark Thirty, États-Unis: Annapurna Pictures, 157 min.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Le long métrage intitulé «Zero Dark Thirty» porte sur les événements qui ont mené la CIA à retrouver et éliminer Oussama ben Laden. À travers le personnage fictif de Maya, une jeune enquêteuse qui coordonne une équipe au sein de la CIA, des événements historiques ayant marqué la guerre au terrorisme de 2003 à 2011 sont représentés depuis l’intérieur de l’agence gouvernementale. Les interrogatoires constituent plusieurs des scènes marquantes, notamment par leur violence explicite et les enjeux éthiques qui sont soulevés par des pratiques telles que la noyade simulée. Mal à l’aise devant de telles techniques qui lui sont dévoilées par son collègue Dan, Maya en vient rapidement à comprendre que tout doit être envisagé pour remonter jusqu’à ben Laden. C’est en torturant et piégeant le détenu Ammar, le neveu de Khalid Cheikh Mohammed, un haut placé au sein d’Al-Qaïda, que Maya obtient le nom d’un terroriste important : Abu Ahmed al-Kuwati. Mais les recherches de Maya sont difficiles, les informations trop peu nombreuses et son patron, Joseph Bradley, lui fait savoir qu’elle est devant une impasse en suivant cette piste. Le film croît longuement en tension en représentant quelques uns des actes terroristes les plus connus de cette période : la fusillade perpétrée par Al-Qaïda le 29 mai 2004 en Arabie Saoudite, les attentats de Londres le 7 juillet 2005, l’explosion de l’hôtel Mariott à Islamabad, où Maya se trouvait, pour enfin culminer à Camp Chapman le 30 décembre 2009. Jessica, une collègue de Maya, obtient des informations de la part d’un docteur au sein d’Al-Qaïda et organise avec celui-ci un rendez-vous à la base militaire. Pressée d’obtenir des informations menant à la capture de ben Laden, Jessica ordonne de laisser passer la voiture piégée sur le site ce qui mène à sa mort et à sept autres agents. Furieux de cette attaque, un haut directeur de la CIA semonce ses troupes et ordonne qu’on lui amène des cibles à tuer. Pendant ce temps, Maya, qui a abandonné la piste menant à Ahmed, puisqu’on le croyait mort, découvre qu’une erreur d’identification de la photographie présentée aux détenus serait à l’origine de la confusion sur sa mort. En soudoyant un koweïtien, Maya et son équipe obtiennent l’information nécessaire menant à la découverte d’une enceinte fortifiée au Pakistan. Face à l’impossibilité d’affirmer qu’il s’agit bien de la demeure d’Oussama ben Laden, les mois passent sans qu’aucune action ne soit menée, ce qui enrage Maya. Finalement, le gouvernement donne le feu vert pour une opération militaire. Les scènes d’action qui suivent sont: le départ en hélicoptère, l’intrusion secrète au Pakistan, l’atterrissage manqué qui force à abandonner et détruire l’un des appareils, la tension provoquée par le voisinage alarmé en pleine nuit et l’assassinat des cibles à l’intérieur du bâtiment. Oussama ben Laden est finalement tué et ramené à la base militaire où Maya, soulagée, identifie le corps et complète ainsi sa mission.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

D’une durée de 157 minutes, «Zero Dark Thirty» est un film de guerre, d’enquête et de suspense. Fait important à noter, l’œuvre s’ouvre avec un avertissement concernant les sources d’informations ayant mené à la réalisation du film : «The following motion picture is based on first hand accounts of actual events». Le film se base sur des faits réels et, puisqu’il s’agit d’événements survenus au sein d’une organisation secrète, la réalisatrice précise qu’elle a obtenue des informations privilégiées de «première main» qui renforcent l’exactitude historique de la fiction.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

N’optant pas pour une narration «en voix off» par Maya, la réalisatrice centre tout de même son récit sur celle-ci. Cela permet au spectateur de «vivre» la chasse à Oussama ben Laden depuis l’intérieur de la CIA, tout en offrant un visage humain à la guerre au terrorisme. La chronologie est rigoureusement respectée, donnant ainsi un fil continu aux événements. Le film est divisé en plusieurs chapitres tels que: «Le groupe Saoudien», «Le Site Noir», «La Rencontre», «Camp Chapman» et «Erreur Humaine». Plusieurs scènes représentent des bulletins de nouvelles, ce qui créé un pont narratif entre la fiction du film (la vie de Maya) et la réalité qui a pu nous être rapportée sur un événement, à travers ces mêmes chaînes d’information. À titre d’exemple, une scène débute en affichant un autobus typiquement londonien qui circule dans les rues de la capitale anglaise. Subitement, il explose et l’on comprend rapidement qu’il s’agit de l’attentat de Londres perpétré par Al-Qaïda en 2005. La scène suivante montre Maya regardant un bulletin de nouvelles rapportant l’événement qui vient tout juste d’être réactualisé par le cinéma sous nos yeux. Ce mode d’énonciation a un double effet: il rend plus véridique le personnage de Maya puisqu’elle réagit à des événements réels qu’elle perçoit également à travers les écrans de télévision puis, il plonge directement le spectateur dans la quête fictionnalisée de l’héroïne. En effet, en étant précédemment témoin de l’explosion de l’autobus, le bulletin de nouvelle vient par la suite réaffirmer l’événement et joindre la fiction de Maya qui observe, via un écran, la réalité de l’attentat.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La représentation des événements du 11 septembre est le point initial de l’œuvre. Puisqu’il s’agit d’un film mettant de l’avant l’histoire de la chasse à Oussama ben Laden, les attentats de New York et de Washington survenus le 11 septembre 2001 sont évoqués dès la première scène. Tout au long du scénario, cet événement sert de justification aux actions des personnages.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Bien que très explicite, la manière dont la réalisatrice a choisi de représenter le 11 septembre est particulièrement intéressante. Afin d’éviter la spectacularisation des attentats des tours jumelles et du Pentagone, la première scène affiche un écran complètement noir durant plus d’une minute accompagnée de véritables enregistrements téléphoniques. Les appels sont variés, brefs et s’entrecoupent parfois. Ils proviennent d’individus présents dans les avions détournés ou pris dans le brasier du World Trade Center. D’autres voix se font entendre également par téléphone: services d’urgence, base aérienne, famille des victimes, etc. Par ce procédé de représentation des événements, la réalisatrice se détourne du spectacle télévisuel vécu dans le monde entier le 11 septembre 2001. En ne représentant pas l’explosion des tours jumelles mais en choisissant plutôt l’écran noir combiné aux voix des victimes, elle centre ainsi l’émotion des spectateurs sur les derniers moments alarmants de ces personnes en détresse. La tonalité initiale de l’œuvre est donc plus dramatique que spectaculaire.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Maya, personnage principal de l’œuvre, raconte avoir été recrutée par la CIA dès la fin de l’école secondaire et toute sa vie est dédiée à l’agence. En ce sens, le personnage de Maya n’est pas développé dans ses aspects extraprofessionnels, elle ne vit que pour sa mission. Les personnages secondaires tels que Dan et Jennifer, également agents de la CIA chargés de retracer Oussama ben Laden et d’autres hauts gradés d’Al-Qaïda, viennent appuyer la quête de Maya. Enfin, les personnages membres du réseau d’Al-Qaïda ont joué divers rôles dans les attentats, que ce soit leur organisation, le transfert d’argent ou la transmission de messages secrets entre ses combattants.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Les dialogues téléphoniques en ouverture du film constituent de véritables enregistrements obtenus du réseau 911.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

N/A

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«Pendant dix ans, une équipe d’élite des services de renseignements et des forces spéciales américaines a travaillé en secret à travers le monde, poursuivant un seul objectif: trouver et éliminer Oussama Ben Laden…»

«For a decade, an elite team of intelligence and military operatives, working in secret across the globe, devoted themselves to a single goal: to find and eliminate Osama bin Laden. Zero Dark Thirty reunites the Oscar winning team of director-producer Kathryn Bigelow and writer-producer Mark Boal (the Hurt Locker) for the story of history’s greatest manhunt for the world’s most dangerous man.»

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

À propos de la représentation de Oussama ben Laden:

«He’s sort of a ghost in the story, the spectre that hangs over everybody. Of course, they’re pursuing him -like Moby Dick- but they don’t see him and he lives by his deeds and by the effect of his deeds, so I tried to create this presence that was felt but not seen.» -Mark Boal

Source: https://web.archive.org/web/20150926222707/http://www.empireonline.com/interviews/interview.asp?IID=1629 [Consultée le 9 août 2023]

Citer la dédicace, s’il y a lieu Aucune. Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Couronné par de nombreux prix en 2013, le film «Zero Dark Thirty» a donné lieu à une grande étendue d’articles sur l’œuvre. Pour un aperçu de la réception critique, nous proposons ici seulement quelques-uns des articles académiques les plus pertinents en regard de nos recherches et ne saurait aucunement être exhaustif :

«”Zero Dark Thirty” attempts to use the scope of influence of the film to engage with two groups of audience at the same time: First, people of America and those who perceived themselves as the victims of terrorism, and waiting many years after September 11 events for the punishments of the agents. Second, members of terrorist groups and their supporters.» -Younes Rashidi, Ghazaleh Saei, Mohammad Reza Faraji, Leila Hosseininha, «The Mediating Role of Cinema in Representation of Hard Power Case Study: The movie “Zero Dark Thirty”»

Source: https://web.archive.org/web/20200710104530/http://www.iiste.org/Journals/index.php/RHSS/article/viewFile/13624/14220 [Consultée le 9 août 2023]

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«The whole story the film tells, both in terms of the time scale and the type of human effort it depicts, is likely to create some important misconceptions for the public about how our national security system really works.[…]  We’ve got the go-it-alone gunslinger, Maya, whose past is murky and future is vague. She’s Clint Eastwood’s “Man With No Name,” re-imagined as a twenty-something woman. She gathers up a posse, heads out, and kills the bad guy. Then she leaves. Because she’s not actually Clint Eastwood, she cries a little. » -Nada Bakos, «How True is Zero Dark Thirty? A Former Operative Weighs In»

Source: https://web.archive.org/web/20140729125328/http://www.psmag.com/legal-affairs/how-true-is-zero-dark-thirty-a-former-operative-weighs-in-51659/ [Consultée le 9 août 2023]

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«Before any actor speaks a single fictional line, then, Zero Dark Thirty makes two choices: it aligns its methods with those of journalists and historians, and it appropriates as drama what remains the most undigested trauma in American national life during the last several decades.» -Steve Coll, «Disturbing and Misleading»

Source: https://web.archive.org/web/20140905043503/http://www.nybooks.com/articles/archives/2013/feb/07/disturbing-misleading-zero-dark-thirty/ [Consultée le 9 août 2023]

Impact de l’œuvre

Relativement récent, «Zero Dark Thirty» a néanmoins déjà un impact social important, comme en témoigne sa nomination pour quatre Oscars au célèbre Academy Awards dont celui de meilleur film en 2013. Les débats portant sur l’œuvre sont prolifiques. Le film étant largement célébré par la communauté cinématographique pour sa qualité, plusieurs analyses relevant d’approches plus sociales et politiques soulèvent des critiques justifiées quant aux impacts sur la représentation collective des événements réels ayant menés à l’opération militaire contre ben Laden. Ainsi, «Zero Dark Thirty» constitue un élément important pour la reconstitution des événements réels et ce, bien en dehors des seuls cercles académiques dédiés à l’analyse d’œuvres artistiques. Puisque la fiction va où le journalisme n’a pu aller, de nombreux domaines du savoir s’intéressent à la démystification de certaines incohérences ou faussetés véhiculées par l’œuvre.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

«Zero Dark Thirty» est une œuvre centrale dans le processus de fictionnalisation de la chasse à l’homme ayant orchestré les attentats du 11 septembre 2001. Le film, puisque les auteurs se basent sur des informations obtenues directement d’agences gouvernementales, se loge au cœur d’un rapport dense fiction-réalité. N’étant nullement un documentaire, mais bien une fiction axée sur le personnage de Maya, l’œuvre prend néanmoins le pari de portrayer le rôle des agents de la CIA au travers de cette quête du célèbre Oussama ben Laden. De manière générale, la réception critique de l’œuvre propose un dialogue entre les faits de la fiction et les véritables personnes impliquées dans la mission américaine. Ainsi, certains journaux, dont le Telegraph, ont interviewé le militaire identifié comme celui ayant abattu ben Laden afin qu’il confirme ou infirme certains éléments mis à l’écran. (http://www.telegraph.co.uk/culture/film/film-news/9869992/Zero-Dark-Thirty-fact-vs-fiction.html1[Consultée le 9 août 2023]) Ce choix, typiquement journalistique, d’opposer fiction et réalité laisse cependant ouvertes les questions relatives aux interconnections qui lient, à travers le processus de fictionnalisation, le monde réel à la diégèse. La conclusion du film offre à l’interprétation peu d’ouverture et de perspective relativement aux impacts de cette aventure. Maya est un personnage sans futur, la quête terminé, elle quitte seule la base militaire vers une destination incertaine. Ainsi axé uniquement sur la chasse à Oussama ben Laden, sa mort vient mettre un terme au récit tout comme au mythe. En effet, l’œuvre ne souligne pratiquement jamais les impacts du 11 septembre sur l’univers sociopolitique global et encore moins les répercussions politiques et les questions éthiques entourant la mort de ben Laden. Dans cette optique, «Zero Dark Thirty» cherche véritablement à démystifier et conclure une décennie de recherches plutôt qu’à relever les conséquences irréversibles du mythe à l’origine du vingt-et-unième siècle.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«This is not a normal prison.» (Dan menaçant un détenu que la torture est une option)

«We have 20 leadership names, we’ve only eliminated four of them! I want targets. Do your fucking job. Bring me people to kill.» (Discours d’un haut gradé de la CIA pour motiver ses troupes suite à l’attentat de Camp Chapman)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Une seule scène présente une figure connue de la politique américaine: Barack Obama. Il est perçu à travers un écran de télévision par les membres de la CIA qui le voient condamner la torture infligée aux prisonniers de la guerre au terrorisme. La film a choisi de reprendre plusieurs éléments médiatiques véritables dans l’oeuvre de fiction.

Affiche / pochette du film

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    [Consultée le 9 août 2023]
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