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Vies et mort d’un terroriste américain

Julie Bramond
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: de Toledo, Camille (2007), Vies et mort d’un terroriste américain, Gallimard, Paris, 318p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Peter Samek, un producteur américain de films à succès, prend conscience de la vacuité de son œuvre et fait appel à un écrivain français, Alexis Mital, afin de scénariser son prochain film : God Save America. Celui-ci accepte, bien qu’il considère le cinéma comme la malédiction de la littérature, et décide de retracer la vie d’Eugène Green, un Américain mythomane qui quitte son pays par dégoût et devient terroriste.

Eugène réinvente perpétuellement une enfance d’orphelin, passée à rejeter les valeurs morales de l’Amérique. Son loisir principal est de réaliser des collages le présentant souriant dans des décors de catastrophes (tremblements de terre, incendies, exécutions ou encore Wall Street lors de la dépression de 1929). Il quitte son pays à dix-sept ans et s’installe à Paris pendant plus de quinze ans, années au cours desquelles il s’intègre à l’élite intellectuelle et clame son goût de la haine et de la destruction, prophétisant, parfois a posteriori, des drames tels que le 11 septembre ou l’inondation du Danube en 2006.

Devenu une figure mythifiée, il fuit Paris entouré de disciples pour continuer ses prophéties dans la clandestinité, puis meurt sur la scène d’un théâtre viennois, dans son propre rôle, dans La mort du Prince Eugène, qui n’est autre que l’adaptation théâtrale du film de Samek.

Alexis, dépassé par la complexité de son projet, abandonne le scénario en cours d’écriture ; le film est toutefois terminé, et lors de son avant-première au Carnegie Hall, une prise d’otages a lieu, scénarisée par Samek lui-même puisqu’elle est annoncée à la radio dans le film. Il n’y a alors plus de frontière entre fiction et réalité.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Le narrateur du roman est le scénariste du film, Alexis Mital. La narration est très fragmentaire : on peut décomposer la trame narrative en plusieurs scènes principales, la narration passe de l’une à l’autre au cours d’un même chapitre, parfois entrecoupée par des monologues de personnages (d’Eugène Green notamment), ou par des extraits de correspondances entre Peter Samek et Alexis Mital.

Le roman accorde une grande place aux médias : son sujet est l’écriture d’un film, ainsi que de son adaptation théâtrale, et donne lieu à des réflexions sur le rapport entre la littérature, le cinéma et les nouveaux médias (jeux vidéo et environnements virtuels).

Enfin, on observe un jeu important sur la temporalité puisque le temps du film coïncide et interagit avec les événements se déroulant lors de sa projection : lorsque des balles sont tirées sur l’écran, les personnages du film en sont affectés. Par ailleurs, les personnages du film apprennent à la radio la prise d’otage qui a lieu dans la salle où le film lui-même est projeté.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est le plus souvent généralisée quant à l’évocation des événements et du terrorisme en général, mais parfois particularisée, lorsqu’un témoin visuel évoque « les deux avions » qui ont percuté « les tours jumelles du WTC », et lors d’une prophétie d’Eugène Green (« Le 11 septembre 2001, deux tours s’effondreront à New York » p. 279).

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présents de manière explicite, puisqu’ils sont évoqués entre autres par des personnages qui en ont été témoins des décennies auparavant. (La temporalité du récit est largement postérieure aux événements.)

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le narrateur raconte l’histoire d’un mythomane qui s’attribue a posteriori la responsabilité de catastrophes, y compris le 11 septembre. Les autres personnages restent des témoins des événements, certains sur place et ayant même tenté de secourir quelques personnes, d’autres, en Europe, indirectement par les médias.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

On observe quelques références musicales américaines (notamment Bruce Springsteen) qui ne sont pas associées au terrorisme mais davantage à l’identité américaine.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

On observe des phrases insérées dans le texte ayant une police différente et mises en relief par des sauts de lignes, des retraits ainsi que par le recours aux caractères gras et italiques. Il y a deux types d’insertions : dans le premier chapitre, elles correspondent au générique du film God Save America écrit par Alexis Mital (narrateur du roman). Dans les chapitres suivants, les incises consistent en des critiques du film faites par des journaux réels ou des répliques de personnages. Enfin à la fin du livre on observe le générique entier du film ainsi que le bonus qui se trouve à la fin du DVD du film.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

À Little America, la petite ville où il est né, Eugène Green regarde passer les tornades sous ses fenêtres. Elles lui inspirent un désir puissant de destruction, de table rase. C’est l’époque où Reagan lance sa Guerre des Étoiles, où les États-Unis basculent dans la fiction, et la violence d’Eugène le conduit à fuir, à s’exiler.

Fils de l’Amérique profonde ou enfant mythomane s’inventant un destin de martyr, Eugène Green devient, au fil des pages, la figure emblématique de la charnière des temps, l’icône d’un siècle désincarné, irréel, où l’image l’emporte sur la réalité.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

« À toi, ma mère. Que ces vies te fassent honneur et puissent-elles se ranger sur les étagères de ta dernière demeure. » ALEXIS

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

https://web.archive.org/web/20080313182203/http://www.humanite.fr/2007-09-27_Cultures_Art-du-terrorisme-ou-terrorisme-de-l-art [Consultée le 9 août 2023]

http://www.livreshebdo.fr/moteur_Recherche/showPDF.aspx?D=Oa4jT89f%2f3qHAgiZ2KM1D4drHV9pjJ1jlWw9VXQcHznJPLpykjas0KyUE3X3f2lfbqLVzsiQsUUFEJrYLTyVzIShMc5zH%2bXGTeWKchCIFLpyRMtz6ERQiZoBubcxblfS&KeepThis=true&TB_iframe=true&height=750&width=750 [Cette page n’est plus disponible]

http://www.oike.com/lmda/din/tit_lmda.php?Id=56809 [Cette page n’est plus disponible]

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Le processus de fictionnalisation du 11 septembre est très fort puisque la volonté de l’auteur n’est pas de rendre le réalisme des événements, mais plutôt de les transcender en une œuvre esthétique fortement fragmentaire. L’auteur compare notamment son œuvre à un tableau qu’on passerait aux rayons X pour en distinguer les différentes couches. (Voir l’entrevue citée plus bas.) Il érige le 11 septembre au rang de mythe en plaçant non seulement sa narration dans un avenir lointain, mais aussi en montrant en quoi le 11 septembre a consisté en une étape dans l’évolution du terrorisme en Amérique.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Et Toi, dit-il, si Tu veux, Tu choisiras un événement pour en chambouler les causes, en permuter l’ordre, en amplifier les conséquences. Tu pourras, par exemple, écrire des faux où l’Histoire sera purement et simplement oubliée, Tu pourras tout refaire avec des si, et mêler les images d’archives à d’autres de fiction comme si elles n’étaient que des cartes dans les mains d’un tricheur ; les seules conditions requises pour pratiquer ce jeu exigent que Tu ressentes enfin, comme je l’ai ressenti moi-même, le pouvoir que Tu as désormais de détruire le monde. Alors, tu seras comme Dieu au ciel, il Te suffira de dire “Il pleuvra quarante jours et quarante nuits”, et il pleuvra. » (p. 305-306)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Une entrevue 1[Consultée le 9 août 2023] avec l’auteur qui décrit son projet esthétique et donne son point de vue sur la littérature contemporaine.

Image de couverture 

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    [Consultée le 9 août 2023]
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