Article d'une publication

Serial eater

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Nathan, Tobie (2004), Serial Eater, Rivages, Paris, 245p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Le 11 septembre 2001, un homme dans un état fébrile et violent vient consulter un psychiatre. Le 14 septembre, Béatrice Belle d’Armentières, juge d’instruction, doit enquêter sur une série de crimes. Des femmes ont été assassinées à Paris et un ou plusieurs membres de leurs corps découverts dans des églises dans une mise en scène aussi blasphématoire que curieusement signifiante. La juge d’instruction fait appel à un « profileur » pour retracer le tueur. Celui-ci fascine la juge qui finit par succomber à son charme et à son mystère… Le profileur, typiquement professionnel, cherche partout et continuellement et à sa manière le criminel en utilisant les ressources de la kabbale et des grands textes bibliques (le Zohar, le Sepher Yetsira, la Bible et le Talmud). Machine à penser, personnage fragile et curieux, il témoigne d’une certaine sérénité dans sa vie érotique comme dans son enquête qui pourrait le rendre sympathique si l’écriture était plus travaillée.
Le récit alterne les narrations de la juge, du psychiatre et du tueur. Des extraits des médias sur les attentats à New York, les réactions des États-Unis, la guerre en Afghanistan et la fuite de Ben Laden rythment le récit à l’aide de courts extraits de communiqués.
Au fil du récit, l’importance prise par les émois érotiques de la juge et les commentaires ésotériques du profileur esquivent toute véritable intégration crédible du 11 septembre dans le récit, qui se présente plutôt comme une mosaïque rigide de faits sans réelle passerelle entre eux. Une telle intégration eût impliqué une rupture d’équilibre entre ces deux aspects qui fascinent l’auteur et l’élimination des longues digressions qui passent en revue une bonne partie de l’histoire complexe de l’ésotérisme (des Templiers aux interprétations kabbalistes jusqu’aux sorcières du Moyen Âge). L’épilogue du récit est inattendu et artificiel compte tenu des circonstances et du véritable impact du 11 septembre.
L’auteur imagine qu’un ancien SS, père adoptif du tueur, était dans le premier avion qui a percuté les tours de Manhattan. Pour se venger des juifs, il lui fallait comprendre les juifs de l’intérieur, d’où l’étude de la kabbale et de la Bible (qui renvoie en parallèle à la ligne narratrice des connaissances mystiques du profileur) afin de trouver les noms « susceptibles de déclencher les forces titanesques dont le monde était gros (p.242) ».

Il faut noter que l’auteur enfile les clichés les plus désespérants lors des scènes « torrides » ou supposées telles. Il est difficile de vérifier les affirmations mystiques et les références ésotériques du profileur, mais cela reste à effectuer, bien qu’il s’agisse là d’une expérience qui pourrait être fatigante.
À plusieurs reprises, le livre semble aussi mal écrit qu’il est mal construit.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman policier.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Roman polyphonique avec monologues intérieurs et narrateurs multiples.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée? Le roman commence le 11 septembre 2001. Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Non, les événements ne sont pas présentés de manière explicite, seuls des extraits de communiqués de presse permettent de rendre visible, en arrière-plan, le 11 septembre, jusqu’au dénouement. Celui-ci comble les espaces laissés vides de l’enquête et noue les liens jugés nécessaires par l’auteur entre le 11 septembre et les protagonistes de l’enquête.

Les moyens de transports ne sont pas représentés.

Il n’y a aucun média. Le roman est avant tout une réflexion sur les textes sacrés juifs et sur la tradition du Livre, mais aussi sur une certaine idée de l’émancipation érotique féminine.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le 11 septembre est censé expliquer l’origine de l’obsession du tueur. Cette obsession est en lien avec son enfance avec un ex-SS et sa naissance dans un Lebensborn, un centre de naissance pour enfants aryens mis en place par les nazis pendant la dernière guerre mondiale. Les nazis étant ennemis des juifs, Ben Laden l’étant aussi, le lien est trouvé.

Point de vue sur les événements:

Il s’agit d’une enquête mais aussi d’une quête personnelle (celle de la juge : quête érotique, révélation) et d’une investigation des textes esotériques réactualisés. Il n’y a aucun contexte politique, même si on apprend que le tueur est censé poursuivre l’oeuvre de son tuteur, mort dans le premier avion qui a percuté les tours. La question de la crédibilité de l’épilogue reste ouverte.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique sur le texte. Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

L’action débute le mardi 11 septembre 2001. C’est ce jour-là qu’un psychiatre parisien, Abdelaziz Padoue, reçoit un étrange patient qui interroge son médecin au lieu de se laisser examiner par lui. Le vendredi suivant, le 14 septembre, on trouve une main de femme sectionnée sur l’autel d’une église parisienne. Et c’est une jolie femme de trente-sept ans, Béatrice Belle Darmentières, qui est désignée pour instruire l’affaire. Plus les cadavres se succèdent, plus la juge se passionne pour l’enquête, d’autant que le criminologue qu’elle s’adjoint ne lui est pas indifférent. Mais lorsqu’une grande passion survient alors que vous êtes chargée de l’affaire de meurtres en série la plus dingue qu’ait connue Paris et qu’il vous faut affronter par-dessus le marché un fiancé jaloux, des collaborateurs surtout préoccupés de leur carrière et des journalistes déchaînés, vous commencez à ne plus savoir quel dieu prier. Serial eater éclaire l’alliance qui s’est nouée ces dernières années entre les religions et le meurtre. C’est un polar mystique qui prend au sérieux les équations kabbalistiques ; c’est un polar féministe qui raconte de l’intérieur les contradictions d’une femme moderne, c’est aussi un polar qui relève le défi d’expliquer les énigmes d’aujourd’hui grâce aux connaissances d’autrefois. Par l’auteur de Saraka bô et Dieu Dope

.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Inconnues (février 2007).

Citer la dédicace, s’il y a lieu

À ma petite juge.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Commentaires rassemblés sur le site : https://web.archive.org/web/20070928061442/http://www.ethnopsychiatrie.net/serial.htm [Consultée le 9 août 2023]
À lire aussi : https://web.archive.org/web/20100111034842/http://eireann561.canalblog.com/archives/2006/05/19/1910364.html [Consultée le 9 août 2023]
Et http://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=1553477 [Cette page n’est plus disponible]
(Sites consultés 01/02/2007)

Impact de l’œuvre Pour le moment, rien de significatif (février 2007).

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Dans ce récit policier, le 11 septembre apparaît noyé dans une débauche de références kabbalistiques et religieuses. Ce sont elles et le parcours « féministe » relevé par les critiques, parcours à peine convaincant, qui sont au centre de l’histoire. La mystique et l’ésotérisme qu’explore l’auteur semblent sans aucun rapport avec le 9/11 malgré des accroches inattendues et peu crédibles. Les liens avec le 9/11 qui sont censés éclaircir le mystère des crimes d’un tueur en série sont par trop artificieux.
Les lignes narratives sont dépourvues de limites nettes. Le 11 septembre, alors qu’il semblait, dès le début du roman, installé au centre, vient, par un effet de mode ou d’actualité, dissimuler les faiblesses du roman.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Mes paroles étaient sévères, mes yeux souriaient pourtant, comme chacun de mes organes…Ma bouche, ma langue, mon pouls et jusqu’à mes orteils. » (p.133)

« Nous avions trouvé un château du VXIIIe aménagé en auberge non loin de Coulommiers et nous étions étendus tous deux sur des draps de satin vermillon, cet après-midi de Toussaint, devant un saladier de caviar et une bouteille de champagne.»(p.129)

« Pour lui, manger n’était pas seulement manger ; c’était aussi tenter la fusion de deux êtres si dissemblables et pourtant intimement liés : la vache et l’homme…» (p.150)

« D’abord tous ces meurtres avaient débuté au lendemain du 11 septembre. D’après lui, ils en étaient tant la caricature que la réponse. Des meurtres commis délibérément, des assassinats gratuits, des victimes innocentes ; une violence inouïe, concentrée, réfléchie, comme contenue dans une bombe. Et cette référence constante à la religion, aux églises, au symbolisme de la messe, comme s’il fallait clairement indiquer qu’il s’agissait d’une réponse à un terrorisme lui aussi d’inspiration religieuse… » (p. 220)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Bibliographie:

Mon patient Sigmund Freud, Paris Perrin, 2006.
Serial eater, Payot & Rivages, 2004.
613, Paris, Odile Jacob, 1999.
La damnation de Freud, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 1997.
Dieu-dope, Paris, Payot & Rivages, 1995.
Saraka bô (sortir les offrandes), Paris, Rivages noir, 1993

Biographie succinte: Né en Egypte, au Caire, en 1948. Études en France. Doctorat en psychologie (1976), doctorat ès Lettres et Sciences humaines (1983). D’abord assistant, puis maître-assistant à l’Université Paris-XIII. Depuis 1986, professeur de psychologie clinique et pathologique à l’Université Paris-VIII.
Tobie Nathan s’intéresse à la psychanalyse, aux psychothérapies, à l’ethnopsychiatrie. Toujours concerné par les liens entre psychopathologie, pratiques cliniques et environnement social, il a également une pratique d’expertise (il est expert pour la Cour d’appel de Paris).
Tobie Nathan a créé la première consultation d’ethnopsychiatrie en France, en 1979, au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Avicenne (Bobigny), alors dirigé par le professeur Serge Lebovici. Il a fondé en 1993 le Centre Georges-Devereux, Centre universitaire d’aide psychologique aux familles migrantes, au sein de l’UFR Psychologie, Pratiques cliniques et sociales de l’Université Paris-VIII – centre qu’il a dirigé de 1993 à 1999. Ce centre est en France le premier lieu universitaire de clinique psychologique au sein d’une UFR ou d’un département de psychologie. Il regroupe dans un même espace, sur le campus de l’Université de Saint-Denis, une clinique spécifique, des recherches universitaires en psychopathologie et en psychothérapie et la formation des étudiants de troisième cycle.
Avec Georges Devereux, Nathan a fondé, en 1978, la première revue francophone d’ethnopsychiatrie, Ethnopsychiatrica, qui a paru de 1978 à 1981. Puis il a fondé, en 1983, La Nouvelle Revue d’ethnopsychiatrie, qui a livré 36 numéros, de 1983 à 1998 – aux éditions La Pensée sauvage, à Grenoble. Depuis février 2000, il dirige une nouvelle revue, Ethnopsy. Les mondes contemporains de la guérison, aux Empêcheurs de penser en rond, Le Seuil, Paris.
De 1996 à 2000, il a dirigé l’UFR de Psychologie, pratiques cliniques et sociales de l’Université Paris-VIII.
De janvier 2000 à janvier 2003, il a dirigé l’Institut d’enseignement à distance (IED) de l’Université Paris-VIII.
Il est aussi romancier : il a publié trois romans et, en collaboration, une pièce de théâtre. Textes majeurs : Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, Le Seuil, 2001, L’influence qui guérit, Paris, Odile Jacob, 1994, Éléments de psychothérapie, Paris, Odile Jacob, 1998, Saraka Bô, roman, Paris, Rivages, 1993, 613, roman, Paris, Odile Jacob, 1999.
(source : https://web.archive.org/web/20051214080454/http://www.upsy.net/spip/article.php3?id_article=10 [Consultée le 9 août 2023])

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