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Qu’est-ce qu’une politique de la littérature? Éléments pour une histoire culturelle des théories de l’engagement
Pour qui s’intéresse aux relations de la littérature et de la politique au cours du XXe siècle français, la notion de «littérature engagée», telle que Jean-Paul Sartre l’a définie au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, apparaît comme l’arbre proverbial qui cache la forêt. Même dans l’oeuvre de Sartre, les thèses de Qu’est-ce que la littérature? n’éclairent que très imparfaitement les écritures politiques postérieures au cycle romanesque des Chemins de la liberté, que l’on pense aux Séquestrés d’Altona, dont le dispositif emprunte aux dramaturgies d’avant-garde, ou à l’autobiographie des Mots, fortement ancrée dans la tradition communiste de l’autocritique.
Non seulement la pratique littéraire de Sartre s’aventure-t-elle bien au-delà de la doctrine de la littérature engagée défendue à la Libération, mais sa pensée critique ne cesse de s’en éloigner. On le constate déjà dans les biographies existentielles de Stéphane Mallarmé et de Jean Genet, au début des années 50, qui reconnaissent expressément la possibilité d’un engagement poétique, au-delà de la seule «politique de la prose», contredisant les énoncés aussi célèbres que contestés qui ouvraient Qu’est-ce que la littérature?