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Quelques jours en septembre

Jean-Philippe Gravel
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Amigorena, Santiago (2004), Quelques jours en septembre, Italie, France, Portugal, 112 min.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Espions, Irène et Elliot ont autrefois travaillé ensemble, mais ne se sont pas revus depuis la première Guerre du Golfe, époque où les services secrets américains ont rappelé Elliot aux États-Unis en l’obligeant à abandonner sa fille et son épouse françaises. Dix ans plus tard, en septembre 2001, c’est pourtant à Irène qu’il demande de protéger ses enfants, soit Orlando, la fille de son mariage français, et David, fils de sa femme américaine, qu’il cherche à rencontrer tous deux d’urgence. Mais Irène et les deux jeunes gens ne sont pas les seuls à se demander où se cache Elliot. William Pound, un tueur déséquilibré au service de la CIA, traque déjà Irène dans l’espoir qu’elle le mènera jusqu’à Elliot. Bientôt, deux représentants d’une société saoudienne d’intérêts financiers confient à Irène qu’Elliot détiendrait des informations concernant un événement dramatique qui pourrait, dans les prochains jours, bouleverser l’économie mondiale. N’ayant pour seul fil d’Ariane que les rares instructions téléphoniques qu’Elliot lui envoie, Irène emmène Orlando et David à Venise, où devrait se tenir leur ultime rendez-vous avec Elliot. Entretemps, les personnages font connaissance et essaient autant que possible de passer un bon moment…

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Long-métrage de fiction correspondant au genre du film d’espionnage ou de suspense.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Narration omnisciente, principalement centrée sur les points de vue des personnages d’Irène et de William Pound.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique. L’action du film s’étalant du 5 au 11 septembre 2001, les attentats y figurent comme des événements appréhendés dont on ignore encore la forme et la nature. On évoque, par exemple, la possibilité d’une tentative d’assassinat sur le président des États-Unis ou le déclenchement d’une guerre.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements du 11 septembre ne sont pas présentés de façon explicite. Le point de vue sur la temporalité des événements est anticipatif. Faute de précisions, ce qui se révélera être les attentats du 11 septembre sera évoqué comme une menace imminente quoique non précisée. À l’instar du «MacGuffin» hitchcockien, les informations sur les attentats font figure d’objet narratif dynamique, provoquant tantôt la spéculation, la convoitise ou l’incrédulité des personnages.

La dernière séquence du film, qui se déroule dans la matinée du 11 septembre (en Italie, le cinéaste semblant avoir pris quelques libertés sur les fuseaux horaires) montre brièvement une image des tours incendiées diffusée par un téléviseur installé près du comptoir d’un restaurant.

Moyens de transport représentés: Les moyens de transports sont nombreux (voiture, TGV), mais aucun n’est lié de manière significative aux attentats.

Moyens de communication représentés: Le film est définitivement un suspense à l’ère du téléphone cellulaire, tant celui-ci y constitue un accessoire de première importance. Elliot envoie ses appels à Irène d’on ne sait quels pays proche-orientaux. Les échanges sont mis en scène : de mauvaises connexions coupent le contact, les transmissions téléphoniques sont mises sous écoute électronique par William Pound, et Irène, en TGV vers l’Italie, se débarasse des cellulaires d’Orlando et de William pour éviter qu’ils soient repérés. Faisant contraste avec le voyage trans-européen des protagonistes, les appels téléphoniques interurbains créent l’impression d’un monde aux proportions réduites: un village global à l’ère du TGV et des télécommunications.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le récit de Quelques jours en septembre fait converger nombre de quêtes personnelles, cependant dominées par le contexte global, politico-économique, de manière à suggérer que celui-ci vient en partie déterminer celles-là, et inversement. Figure mystérieuse et presque totalement invisible au cours du film, le personnage d’Elliot incarne à perfection cette ambigüité : on sait qu’il a été impliqué dans le déclenchement de la Guerre du Golfe, et qu’il a éventuellement quitté les services secrets pour travailler au bénéfice d’intérêts privés, et qu’il est en possession d’informations au sujet des attentats — qu’il tarde à divulguer afin, justement, d’en tirer un profit personnel. On peut alors parler d’implication indirecte dans le déclenchement des événements.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son lié de manière significative aux événements.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucune figure de texte.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

En septembre 2001, Elliot (Nick Nolte), un agent américain de la CIA qui détient des informations ultrasecrètes à propos d’une attaque possible contre les États-Unis, disparaît soudainement. Cherchant à retrouver sa fille et son fils adoptif pour des raisons mystérieuses, il se tourne vers son amie Irène (Juliette Binoche), une agente des services secrets français, pour l’aider à organiser une rencontre. Ils sont alors traqués par William Pound (John Turturro), un assassin de la CIA également informé d’une attaque possible et suivis par d’autres individus prêts à payer pour en apprendre davantage. Quittant Paris en direction de Venise, ils devront affronter les périls de l’espionnage international et tenter de retrouver Elliot le 11 septembre 2001.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

«[…] [L]’envie de raconter cette histoire avec ces personnages préexistait au 11/09. Mais à un moment donné, il m’est apparu comme une évidence que parmi tous les contextes politiques qui auraient pu être envisagés, le 11/09 était le plus adapté. […] ».

«[…] Je suis parti d’un fait qui semblait incontestable dans les journaux et dans les multiples chronologies disponibles sur Internet : des mouvements boursiers quelque peu étranges se sont produits avant le jour des attentats, des ventes d’actions de compagnies aériennes parfois trois cents fois supérieures à la normale. Je me suis appuyé sur ces données, mais sans aller au-delà. Le film se déroule dans ce contexte, avant le 11/09.»

« Mais ce que je voulais montrer, et j’espère que le film le traduit, c’est que le propre anti-américanisme des Américains, comme celui d’un Noam Chomsky, est dix fois plus fort. Le personnage de David, joué par Tom Riley, est extrêmement américain et pourtant c’est lui qui formule sur son pays les critiques les plus dures.» [—Christophe Chauville, «Rencontre avec Santiago Amigorena», in Repérages, spécial 11/09, no.56 (Septembre-octobre 2006), p.21 ]

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Aucune dédicace.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

La réception critique présente sur le web (accordant habituellement la priorité aux critiques d’origine américaine) se montre généralement sceptique et dispute la crédibilité du film, notamment en ce qui a trait à sa tentative de mêler des éléments de suspense à des notations psychologiques, ainsi que la théorie de conspiration qui est en son centre.

Impact de l’œuvre

Inconnu à ce jour (11/07).

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Le film est intéressant en ce qu’il se fait la chronique à la fois intimiste et politique d’un monde qui se trouve au seuil du changement de paradigme qui le fera basculer dans le XXIe siècle. En l’attente de cette catastrophe annoncée, les personnages d’Irène, d’Orlando et de David se présentent comme les citoyens d’un monde globalisé, ce que confirme leur aisance à se mouvoir entre l’Italie et la France, ou entre la France rurale et Paris, ainsi qu’à
partager leurs cultures (David et son goût de la poésie anglo-saxonne) et à surmonter leurs différends (l’anti-américanisme professé d’Orlando trouve un écho imprévu dans le discours critique que tient David sur son propre pays), dans une ambiance où priment surtout le jeu et la séduction. Par ailleurs, Amigorena pousse cette idée de la séduction transfrontalière des cultures jusqu’à faire du personnage d’Elliot un fameux «passeur» en matière de poésie, ce dernier en ayant même donné le goût à son ancien associé William Pound, qui récite désormais du Homère en assassinant (sic). Compte tenu de la connaissance du spectateur quant à l’issue de l’histoire, les notations du film qui finissent par lier ses trois protagonistes en une petite et fragile communauté, se teintent d’une mélancolie qui, ouvrant sur des lendemains dont ils ignorent encore tout, est l’un des aspects dramatiques les mieux réussis du film.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

David : — You don’t like Americans do you. […]

Orlando : — […inaudible…] Because you like Schwartzenegger. Because you take care of your body as if it was a machine, and of your head like if it was a tomato. Because you think you are to save mankind. I’m surprised [that] what’s supposed to be good for mankind, first and foremost, is good for you. Enough, or you want more?

David : — You’ve […inaudible] a few other reasons. You may hate us because we eat bland food, because we’re always afraid we’re gonna be sick, because we are against abortion, but for the death penalty, because we never have sex, and because half of us, or almost half of us, have voted for Georges «doublevé» Bush, but you see, for me, the fact that the french people have a stupid president have never prevented me from loving them. Hum… Must be exhausting to feel so much hatred.

Orlando : — […] You like dinosaurs. You’re very strong, and you think you’re meant to live and command forever. You never wondered why you always make movies about dinosaurs. It’s because you identify with them. In a few years […] people will try to understand how such an empire, with an army so powerful, managed to disappear so unsignificantly.

David : — That’s a lot more interesting.

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Affiche / pochette du film

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