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Pourquoi faire une maison avec ses morts

Julie Bramond
couverture
Article paru dans Romans québécois et canadiens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Turcotte, Élise. 2007. Pourquoi faire une maison avec ses morts. Montréal, Leméac, 125 pages.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Pourquoi faire une maison avec ses morts est constitué de sept histoires où la même narratrice évoque son rapport, et celui des autres, avec la mort et les morts. La narratrice évoque dans le premier et le second récit la fascination qu’elle a pour la mort depuis son plus jeune âge, fascination qui l’a poursuivie durant son enfance et son adolescence. Elle ponctue son récit de détails et d’informations cliniques quant à la décomposition des corps. Elle évoque par ailleurs les liens qu’elle tisse avec des personnes décédées ou sur le point de l’être, et la manière dont elle aide à les faire « passer ».

Dans le troisième récit elle s’intéresse davantage à la mort des animaux et fait notamment allusion à la mort de sa perruche. Malgré sa manière de rationaliser et de chercher à comprendre pourquoi et comment meurent les animaux, la perte de l’animal se révèle difficile à surmonter, d’autant que ce dernier assurait l’équilibre de la famille.

Dans le quatrième récit la narratrice aborde la mort sous l’angle de différentes cultures pour en arriver à la mort de son propre père dont l’esprit lui rend visite de temps à autre.

Le cinquième récit est consacré à la recherche de renseignements sur la mort de son oncle pour laquelle sa femme cherche désespérément des réponses. La narratrice accompagne sa tante durant cette épreuve, dans le sous-sol d’un hôpital, lisant et relisant le dossier médical du défunt afin d’y trouver un détail qui viendrait rationaliser et justifier cette mort.

Dans le sixième récit, la narratrice se remémore le réveillon de l’an 2000, où elle a dû rassurer sa fille, persuadée que cette nouvelle année sonnerait la fin du monde. Tout le chapitre tourne autour de l’imaginaire de la fin et la narratrice retrace un certain nombre d’événements : séisme, guerre en Irak, agression, mois de juin 2006 (06/06 annoncé comme une date apocalyptique)…

Dans le septième et dernier récit, la famille de la narratrice est confrontée à une catastrophe naturelle et tente de survivre à une importante inondation. La famille recueille des animaux et grâce à eux, parvient à reconstruire un quotidien ponctué par les allers-retours incessants de la narratrice à l’hôpital, où elle s’occupe de personnes malades. La mort est partout, matérialisée à l’extérieur par l’odeur de pourriture environnante et à l’intérieur par la moisissure qui envahit la maison. Elle est aussi présente à la télévision, qui, chaque jour, annonce plus de décès.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Le livre est à mi-chemin entre le recueil de nouvelles ou de récits et le roman, puisque chacune des sept sections a un titre et est clairement séparée de celle qui la précède. Néanmoins la trame narrative demeure la même puisqu’on retrouve, dans chacune des sections, certains personnages qui figurent depuis le début, notamment la narratrice et ses enfants.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La narration est fragmentaire et est constituée de sept sections où la narratrice prend la parole à la première personne du singulier.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La représentation du 11 septembre est à la fois générique et particularisée, puisque si la narratrice évoque de manière générale l’effondrement des tours à New York, elle parle aussi plus particulièrement de Ben Laden, et de l’un des avions dans la tour.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Comme mentionné précédemment, les événements sont représentés de manière explicite lorsque la narratrice évoque l’effondrement des tours et la disparition de Ben Laden, mais ils sont aussi mentionnés de manière implicite lorsque la narratrice évoque « la menace aussi douloureuse que la torture » (p. 34), ou encore les bombes et enfin « une telle catastrophe » (p. 110).

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Il n’y a aucun lien entre les personnages du récit et les événements, si ce n’est que la parole donnée aux endeuillés du roman pourrait être celle des familles de victimes du 11 septembre. La narratrice a un point de vue particulier sur les événements puisqu’au moment où tout le monde y assiste devant son poste de télévision, elle décide d’emmener sa fille manger une glace afin de lui montrer que « la vie continuait, dans les rues, dans les parcs, dans les cafés […] » (p. 81-82). Elle semble en outre relativiser les événements du 11 septembre en évoquant d’autres catastrophes qui ont touché, à la même période, d’autres populations.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son présent.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Pas de travail iconique spécifique sur le texte, sinon que la narration est très fragmentée, avec de nombreux paragraphes souvent mis en exergue par des sauts de lignes ou l’usage d’astérisques. Chaque section a un titre et est illustrée par une citation d’auteur ou d’artiste.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

L’homo sapiens a compris depuis longtemps comment transformer la mort en symboles. On a trouvé des cornes de cervidés dans les plus anciennes sépultures. Cornes, fleurs, coquillages, outils de silex. Toute forme d’art commence avec ce récit. Mais aujourd’hui, plus personne ne sait comment faire une maison pour les morts. Et c’est chez moi que l’homme finit un jour par déposer son bouquet de lys.

 Dans ces sept histoires pétries dans la glaise du jour, les pieds sur le seuil du nouveau millénaire, les questions de tous les temps bourdonnent fort à nos oreilles. Ne sent-on pas qu’il y a un autre monde à l’intérieur du monde ? Que les vivants, ces morts en sursis, craignent toujours la petite faucheuse, aujourd’hui comme il y a mille ans ? Que le jardin des allongés n’a rien d’un paradis et que, en fin de compte, la mort est bien plus vivante qu’on ne le croie… La narratrice de ces histoires aide les endeuillés à comprendre l’incompréhensible, afin de faciliter le passage obligé de la mort, dans un monde engagé sur l’autoroute de la déshumanisation.

Poète et romancière, Élise Turcotte fait entendre depuis plus d’une vingtaine d’années la voix d’un univers littéraire très personnel. La maison étrangère a mérité le Prix du Gouverneur général (roman) en 2003.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu Aucune. Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Même si les événements n’apparaissent explicitement que trois fois, le thème de la mort demeure fortement lié au 11 septembre. L’auteure semble faire le point sur le rapport qu’entretient l’être l’humain avec la mort en en présentant plusieurs manifestations : la mort de son propre père, la mort d’un oncle à laquelle sa femme cherche encore des réponses, pensant rendre sa perte moins douloureuse, la mort d’un animal domestique dont le rôle était de maintenir l’équilibre dans une famille fragilisée, la mort d’anonymes, annoncée à la télévision lors d’une catastrophe naturelle, et même la mort fictive à laquelle on assiste dans les films. La mort demeure omniprésente puisque la narratrice elle-même a le désir de mourir : « C’est le mois des morts, dit mon fils. Ton rêve est de disparaître, dit-il encore. Oui, mais pas ici, pas dans les ruines de ma maison, dis-je. » (p. 109)

Par ailleurs, l’imaginaire de la catastrophe est tout aussi présent que le thème de la mort, notamment dans la section VI intitulée « Courts métrages ». Dans cette section on apprend que la narratrice et ses enfants sont victimes d’une catastrophe naturelle qui a mis leur ville sous les eaux. Cet événement les oblige à vivre dans des conditions précaires et les confronte à la mort chaque jour.

Ici c’est davantage la mort qui est mythifiée et c’est en cela que les événements du 11 septembre y sont profondément liés. La narratrice semble occulter la dimension politique des événements afin de s’intéresser davantage à leur dimension sociale, c’est-à-dire la manière de d’accepter, de gérer et enfin d’honorer ses morts. Ainsi dans la section IV intitulée « Comment faire une maison avec ses morts », la narratrice évoque des pratiques et des traditions liées à la mort dans différentes sociétés pour enfin arriver aux sociétés occidentales où règne un paradoxe autour de la mort : en effet comment une société qui banalise autant la mort, que ce soit à la télévision (référence aux séries policières qui parviennent à reconstituer la mort d’un individu avec des indices et des expériences scientifiques), ou même dans le domaine de l’art (référence à Body World , une exposition de cadavres plastifiés), parvient aussi difficilement à accepter et à gérer ses morts? Il y a bien là une différence flagrante entre « la mort » et « le mort ».

Enfin on peut noter la date de publication de l’ouvrage : le 11 septembre 2007 que l’on ne peut s’empêcher de voir non pas comme une coïncidence mais probablement comme un rappel, voire une volonté d’honorer ces morts.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

Je ne sais pas où en est le monde. J’ai toujours pensé qu’une telle catastrophe m’éloignerait de l’infiniment petit pour me rapprocher de l’humanité. Mais voilà au contraire que l’actualité du monde se résume aujourd’hui à mes allers-retours à l’hôpital, à des conversations délirantes, à un équilibre précaire qu’il me faut tenter par tous les moyens de sauver. (p. 110)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Couverture du livre

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