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Pectus est quod disertos facit: éloquence et sublime dans la Rhétorique (1796) de Jacques-Antoine Houdet
Dans sa classe de rhétorique de la fin du XVIlle siècle, au Collège de Montréal, le maître, Jacques-Antoine Houdet, adresse cette question à ses élèves: «Mais comment doit-on lire les bons auteurs dont on a fait le choix? Cette lecture, pour être utile, ne doit pas être superficielle et rapide. Il faut lire peu à la fois; revoir souvent les mêmes endroit, surtout les plus beaux: en approfondir avec attention le sens et les beautés: se les rendre familiers, presque jusqu’à les savoir par coeur, afin de les convertir en sa propre substance.» Ce passage du cours abrégé de Rhétorique laisse entendre une autre voix que celle du maître, sous laquelle perce celle de Charles Rollin qui, quelque 70 ans auparavant, dans son Traité des études de 1728, avait lui aussi tenté de répondre à la même question sur la manière de lire les «bons auteurs»: «Avant toui je dois avertir que la lecture des auteurs, pour être utile, ne doit pas être superficielle et rapide. Il faut revoir souvent les mêmes endroits surtout les plus beaux, les relire avec attention, les comparer les uns avec les autres, en approfondir le sens et les beautés, se les rendre familiers presque jusqu’à les savoir par coeur. Le moyen le plus assuré de profiter de cette lecture, qu’on doit regarder comme la nourriture de l’esprit, est de la digérer à loisir, et de la convertir par là, pour ainsi dire, en sa propre substance.»
Que comprendre de la comparaison de ces deux textes? Entre celui du professeur du Collège de Montréal et celui du théoricien français, faut-il considérer qu’il n’y a qu’un simple travail de reprise ou bien s’agit-il, pour parler comme Rollin, d’une «conversion en sa propre substance»? C’est à cette question que cet article prétend répondre à partir d’une minutieuse enquête sur l’archive littéraire et, plus particulièrement, de l’étude d’un manuscrit, celui de la Rhétorique de Jacques-Antoine Houdet, datée de 1796, et d’un imprimé ancien, celui du Cours de Belles Lettres destiné à l’usage du Collège de Montréal, paru en 1840. La comparaison des sources françaises et des archives québécoises permettra d’étudier ce travail de reprise.