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Passage Afghan

Gabriel Tremblay-Gaudette
couverture
Article paru dans Bandes dessinées et romans graphiques, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Rall, Ted (2004), Passage afghan, La boîte à bulles, Antony (France), 75p. / 52p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Passage Afghan, du bédéiste politique américain Ted Rall, est une œuvre à deux entrées. D’un côté se trouve un roman graphique d’une cinquantaine de pages dans lequel l’auteur relate, sous forme de bande dessinée, son périple de trois semaines en Afghanistan effectué quelques mois après les attaques du 11 septembre et le début de la riposte américaine dans ce pays d’Asie Centrale. L’auteur y met principalement l’accent sur son expérience éprouvante de journaliste de guerre. D’un autre côté sont présentés des courts chapitres (4 pages en moyenne) qui sont en fait des éditoriaux que Rall avait écrit pour le compte du magazine Village Voice pendant et après son voyage. Cette dernière partie inclut également des photographies prises par l’auteur pendant son périple et des strips de quelques cases directement en lien avec le sujet abordé dans chaque chapitre. Rall a été horrifié de découvrir la misère du peuple afghan, les conditions de vie rendues encore plus difficiles par les bombardements américains, l’incohérence de l’intervention militaire et la forme pernicieuse d’autocensure que les journalistes américains emploient afin de présenter une information rassurante à la population encore sous le choc des attentats. Il consacre également de nombreuses pages à dénoncer les intentions à peine voilées du gouvernement de George W. Bush pour aller faire la guerre en Afghanistan (essentiellement prendre le contrôle du pays afin de pouvoir y faire traverser un immense pipeline permettant d’acheminer du pétrole du Turkménistan) et le cycle de haine qui ne sera que renforcé si la seule stratégie de la guerre au terrorisme consiste à bombarder une population civile ayant déjà une opinion défavorable de l’Amérique. Il devient manifeste qu’un des messages que veut livrer Rall avec son ouvrage est que pour les citoyens afghans, chaque journée est un 11 septembre.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

La stratégie à deux entrées de Rall lui permet d’avoir recours à plusieurs médiums. Dans la portion roman graphique de l’ouvrage, l’artiste employe son style graphique simpliste afin de relater de manière chronologique son expérience de journaliste montant au front, avec ce que cela implique de négociations avec les informateurs et les traducteurs sur place, les difficultés techniques et hygiéniques de s’adapter à un mode de vie médiéval pour quelques temps, les conflits qui constituent un arrière-plan violent que Rall finit par ignorer et l’insensibilité des journalistes étrangers à la recherche d’un scoop. La portion éditoriale laisse davantage d’espace à Rall pour avancer ses arguments incendiaires afin de condamner la politique étrangère de Bush, de présenter des portraits de l’existence de la population afghane en cette période de conflit, de traiter de la réalité politique d’après-11-septembre et de livrer ses impressions générales sur la situation. De plus, Rall est un bédéiste particulièrement doué pour la forme du strip court, et il parvient souvent à résumer en quatre cases ce qu’il a expliqué en quatre pages. Les photographies qui accompagnent les chapitres apportent une touche de réalisme documentaire à l’ouvrage.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Le roman graphique se concentre principalement sur l’expérience de Ted Rall alors que les chapitres de la portion écrite prennent la forme éditoriale. Les strips présentent parfois des personnages politiques connus du public mais il est plus courant qu’ils présentent des citoyens américains génériques manipulés par les chaînes d’information. Quelques échanges entre Rall et des citoyens afghans ou des journalistes sont rapportés, mais dans l’ensemble, le point de vue de l’auteur prédomine dans l’oeuvre.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Le 11 septembre est évoqué à quelques reprises mais c’est davantage la guerre en Afghanistan qui est le centre d’intérêt de l’œuvre. La dernière page du roman graphique présente une case occupant tout l’espace de la page, où Rall est assis dans son salon, et il est possible de distinguer dans la fenêtre derrière lui une portion du centre-ville où se trouvent deux tours semblables aux Twin Towers, avec un avion qui vole en direction de celles-ci. Le manque de détails sur la perspective laisse penser que l’appareil pourrait heurter l’un des bâtiments.Dans la portion écrite, lorsque le 11 septembre est évoqué, il est fait mention aussi bien de l’effondrement des tours que de l’attaque sur le Pentagone. Un des strips contenus dans cette portion, intitulé ”Différents degrés de séparation”, traite directement de la disparition des victimes et de la peine suscitée différemment chez les citoyens américains. En somme, c’est l’après-11-septembre qui occupe l’imaginaire de Rall, avec la montée du patriotisme, la guerre au terrorisme, la manipulation de l’information et les difficultés chez les bédéistes à représenter adéquatement les événements (Rall évoque en effet la répétition malhabile du même concept graphique de présenter la Statue de la liberté en pleurs par plusieurs caricaturistes peu après les événements pour justifier qu’il n’ait pas attaqué le sujet de front).

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Aucune image de l’effondrement des tours ou de l’impact des avions sur les bâtiments attaqués n’est représentée. Lorsque la tragédie est évoquée, il est surtout question du bilan des victimes (3000 morts) et de la scène d’apocalypse qui a été retransmise par le biais des images télévisées à travers le monde. Dans un des strips de la portion écrite, Rall se représente avant les attaques affirmant que, tôt ou tard, les Américains allaient payer leur arrogance sur la scène politique internationale.Hormis cette occurence, la perspective sur les événements est donc principalement rétroactive. Comme l’auteur précise qu’il habite dans un appartement à Manhattan situé à 10km de Ground Zero et qu’il a hébergé des rescapés de la catastrophe dans son salon, il est manifeste qu’il a choisi de ne pas relater explicitement son expérience personnelle des événements. Le cynisme et l’humour ironique qui servent d’arme principale à Rall dans ses strips est donc employé ici afin de dénoncer la portée négative des événements sur la scène internationale au lieu de traiter les événements sur le plan émotif. Le contrôle des informations par le gouvernement américain est violemment attaqué par Rall, qui affirme sans ambages que la couverture de la guerre en Afghanistan par les médias américains est pratiquement fictive tellement elle est mensongère et omet des informations cruciales, par exemple que des femmes ont été grassement payées afin d’enlever leur burqa, qu’elles ont remis en place dès que la mise en scène de la libération de la femme avait été enregistrée.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le narrateur et personnage principal, Ted Rall, est évidemment directement concerné par les événements. C’est le 11 septembre qui a provoqué le début de la guerre au terrorisme et qui a amené Rall à vouloir faire son enquête sur place en Afghanistan. De plus, comme Rall est essentiellement un bédéiste politique, les conséquences du 11 septembre ont été son principal sujet pendant les années suivantes. La connaissance importante des acteurs politiques américains, de la situation géo-politique en Asie Centrale et le mécontentement virulent de Rall à l’égard du gouvernement Bush lui permettent de critiquer de manière précise et efficace la guerre au terrorisme. Le fait qu’il soit très informé de la situation et qu’il ait pu constater sur place l’horreur de la situation dans laquelle la population afghane est plongée en raison des intenses bombardements effectués dans ce pays, permet donc à l’auteur de sensibiliser les lecteurs au drame quotidien des Afghans qui est survenu à des milliers de kilomètre du site des attentats.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Dans le roman graphique, les onomatopées sont très présentes dans les scènes où le protagoniste est près du front, et Rall explique que le son des bombardements était omniprésent pendant les nuits qu’il a passées en Afghanistan. Les éclaboussures d’un corps volant en morceaux étant venues s’échouer sur le pare-brise d’un jeep après qu’un soldat a marché sur une mine font apparaître un «splatch » qui renforce l’aspect sanglant de cette scène. De plus, Rall explique que la chute d’obus ne produit qu’un petit son étouffé si le point d’impact est éloigné, bien que l’explosion puisse se révéler importante.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

La typographie des segments en bande dessinée est normalisée dans l’ouvrage en français. Rall accomplit lui-même son lettrage, mais comme dans la quasi-majorité des ouvrages de bande dessinée traduits dans une autre langue, une police à l’apparence semblable à la calligraphie du bédéiste a été créée pour reproduire les textes traduits de l’anglais.

Autres aspects à intégrer

Il n’y a aucun doute que Passage Afghan gagne à être présenté sous deux formes différentes. Le roman graphique présenté séparément n’aurait pas bénéficié de la profondeur d’analyse des chapitres éditoriaux, et la compilation des chapitres éditoriaux ne permettraient pas de présenter l’expérience de Rall sur le front afghan de manière chronologique. La forme à double entrée propose donc une expérience de lecture beaucoup plus complète et intéressante pour le lecteur.

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Peu convaincu par ce qu’il voit à la télé et lit dans les journaux américains sur la guerre contre les Talibans, Ted Rall décide de partir en Afghanistan se rendre compte de la situation par lui-même. Dans Passage Afghan, il nous livre ses expériences: sa vision des combats, ses conditions de travail ainsi que celles de ses confrères des grand réseaux, ses rencontres avec la population afghane, ses stupeurs et sa fuite devant l’insécurité générale.Initialement publié aux États-Unis, Passage Afghan regroupe les dessins d’humours, photos et chroniques initialement parus dans le magazine Village Voice ainsi qu’une BD de 48 pages où l’auteur nous raconte au jour le jour son périple en zone de combats.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Voici des extraits d’entrevue que Ted Rall a accordé au site internet Buzzflash où il aborde la question du 11 septembre :BUZZFLASH: The two countries who financially and logistically did the most to support Al-Qaeda were Saudi Arabia and Pakistan. How did they get off scott-free?RALL: Saudi Arabia, of course, is the world’s largest oil-producing state. And they let us post our troops there. Pakistan is truly the surprising choice for a friend; Gen. Musharraf is practically a Talib himself — the guy came to power thanks to Taliban support and he uses these militants to fight India in Kashmir. On the ground, Pakistan is the most virulently anti-American state on the planet. What is clear is that the Bushies have little if any interest in bringing the perpetrators of 9/11 to justice.BUZZFLASH: Most Americans, polls show, believe the 9/11 hijackers were Iraqis, yet none of them were? How did the Bush cartel propaganda trump the facts, especially since 15 of the 19 hijackers were Saudis?RALL: That’s incredible. And the other 4 were Egyptian. It all goes to show that the more often you repeat a lie, the more people will believe it. Many Americans still believe that there’s a link between Saddam Hussein and Al-Qaeda even though it’s been 100% proven to be bullshit. Why does the Administration have to make stuff up about Saddam? I mean, it’s not like he’s a lovable character. But the Bushies always opt for overkill — and it always seems to work.Source: https://web.archive.org/web/20080120112654/http://www.buzzflash.com/interviews/03/03/11_rall.html [Page consultée le 11 août 2023] Voici des extraits d’entrevues accordées par Rall à Catherine Clyne pour la revue en ligne Satya en mai 2003:How would you describe the current atmosphere for political cartoonists?People are looking to political cartoons more than ever, in a way because the mainstream media and the pundits are so quiet now. The Democratic Party is in absentia. Cartooning has found a great importance with readers. Unfortunately editors are quite the opposite, and for the most part—sometimes entirely—have stopped running cartoons in magazines and newspapers. The New York Times’s “Week in Review” seems to be in the process of getting rid of them. Time Magazine stopped running political cartoons entirely after 9/11, and they’ve never come back. The ones that do run tend to be more frivolous than political. So it’s this weird irony—there’s an audience for cartoons, but nobody’s publishing them.Why do you think people bought the story that Saddam personally had something to do with 9/11?My theory is that essentially, people don’t like to think they’re living in a country that’s led by an evil, dictatorial madman. But they are, they are living in Nazi Germany, in Stalinist Russia. Russians and Germans at the time were no different than us, they were patriotic but a little dismayed and worried about the lunatics who were running their country, and similarly, today, we have to understand the problem. We can’t just go along with this. The President and the country are not the same thing. Most Americans were against the war in Iraq, but once it became clear that Bush was going to do it regardless of what the UN or other countries or, for that matter, what the American public thought, I think the sense became, “He’s going to do it anyway, we’re in it, so we might as well support it and win it and get it over with.” This is our armed forces, after all, our country and our flag, and we want them to win. People retroactively think, “Bush must have some secret information that tells him that Saddam was involved.” I got thousands of emails like that. [I’m] like, really? If he has secret information, why doesn’t he say so? That’s just rationalization. People don’t want to think the worst about their own.It’s impossible to put in a nutshell, but what are some of the most glaring facts that support the accusation that the U.S. invasions of Afghanistan and Iraq are about oil?I think you have to be on crack to think that the invasion of Iraq is not about oil—what else is it for? The food? Saddam Hussein did not have substantial amounts of weapons of mass destruction, obviously there was no tie between al-Qaeda and Saddam Hussein. You have only to compare it with the North Korean situation to see where we are. North Korea threatened to use an inter-continental ballistic missile on the west coast—a real threat to U.S. security. If I were president, I would seriously contemplate military action; but we’re not. North Korea doesn’t have oil; Iraq does. We can also see what’s going on with all the politically connected corporations, like Halliburton and Bechtel, getting multi-million dollar contracts to “rebuild” Iraq. Obviously, Iraq is about oil. Afghanistan’s far more complicated, and I wrote a book about it, Gas War, which details the trans-Afghanistan pipeline to get landlocked gas reserves from southern Turkmenistan to the Indian Ocean, and out to market. In 1999, the Kazaks made the world’s largest oil strike on the Caspian Sea—turned out they have six times more confirmed oil reserves than Saudi Arabia does. The Bush administration was very fascinated by the prospect of having a pipeline for natural gas and Kazak crude oil that would basically run down the Herat-Kandahar highway. So Bush flew some Taliban reps out to Texas to talk pipeline. There are people who think that the breakdown of negotiations led to the bombing campaign that began after 9/11. Here we are, more than a year later, and the pipeline project is well underway. If you look at the bestiary of personalities involved, it’s the Unocal deal all over again: Hamid Karzai, the current president of Afghanistan installed by the U.S., was a consultant for Unocal; Zalmay Khalilzad, who has recently surfaced as a special U.S. envoy to the Iraqi National Congress, his last job was consulting for Unocal on the pipeline project. Essentially, the pipeline was a top priority for the U.S. before 9/11, and it became a top priority again after 9/11. It’s the only thing that we’ve actually spent any time working on. We haven’t rebuilt Afghanistan, we haven’t tried to make life better for the people there. In all likelihood it was the main reason why we invaded Afghanistan. It’s all stuff that we don’t know because there’s just not enough reporting coming out of there, and what reporting there is isn’t being widely disseminated in the U.S. For instance, there was a great article in the NY Times three months ago about how not a single house had been rebuilt in Kabul thanks to international aid, 15 months after the invasion. Or how not a single line of electricity had been strung, not an inch of roadway had been paved. In essence, nothing’s been done. Karzai can’t even afford to pay his government, his employees. Afghanistan has been more than abandoned—we trashed it and we’re abandoning it again.Source: https://web.archive.org/web/20080117202844/http://www.satyamag.com/may03/rall.html [Page consultée le 11 août 2023]

Citer la dédicace, s’il y a lieu

A ceux qui sont morts

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Voici les extraits de critiques présentées en revue de presse sur la page de l’éditeur la boîte à bulles présentant Passage afghan:Canal BD, par Olivier Maltret: Conçu, écrit et dessiné en 6 semaines, Passage afghan est un témoignage passionnant, qui n’est pas sans rappeler les travaux de Joe Sacco (Palestine, Gorazde). Rall est implacable dans la description de la situation générale (et de ses “collègues” de la presse internationale), mais aussi dans l’analyse de la politique de son pays… D’une densité et d’une richesse rares, ce livre se lit malgré tout aisément, grâce à sa qualité d’écriture et à l’ironie mordante qui enveloppe le récit.BDparadisio.com

1[Page consultée le 11 août 2023]

, par Thierry Belhache: Passage afghan se lit d’un coup, comme on prend une bonne claque. De celles qui vous font du bien, qui vous font revenir à la réalité après de longs mois d’un sommeil entretenu par une propagande bien réglée. Un indispensable, à ranger tout près du Photographe de Guibert et Lefebvre. Et jamais très loin de l’intégrale de Spiegelman.I-télé, par Benjamin Riot: C’est peut-être l’un des meilleurs reportages sur la guerre en Afghanistan.L’Express, par Gilles Médioni: Cette bédé de 48 pages au dessin bon enfant, sorte de journal des correspondants de guerre sous les bombardements, raconte les diktats de l’info, les soldats de l’Alliance du Nord et les chasseurs de dollars afghans. [Un] tableau saisissant, lucide et désenchanté du métier de grand reporter (…).Agence France Presse, par Marie-Pierre Larrivée: « La plus grande réussite des États-Unis en Afghanistan a consisté à remplacer le pire régime du monde par l’anarchie et le chaos, et d’augmenter sensiblement le mépris des musulmans envers des Américains qu’ils considéraient déjà comme de la racaille », affirme Ted Rall. « Sachez-le, pour le reste du monde, nous autres Américains, sommes des terroristes. » Il dénonce aussi « corruption » et « sauvagerie » du côté afghan et bat en brèche « les idées reçues sur la liberté retrouvée après la chute des talibans. » « Les femmes portent toujours la burqa, la charia la plus radicale est toujours en vigueur, la nuit appartient aux bandes armées », dit-il. Dans ses chroniques, mais surtout dans son reportage personnel en BD, l’auteur s’attaque également à la presse américaine et même européenne qui « a troqué la vérité au profit de l’accessibilité, propagé des mensonges, rapporté des conneries », dit-il.Livres Hebdo, par Fabrice Piault: Réalisé en six semaines, son récit en quarante-huit planches de BD constitue la part la plus intime d’un ouvrage dans lequel Ted Rall a regroupé dessins d’humour, photos et chroniques. Il y décrit sa vie quotidienne accidentée dans un pays où règnent désorganisation et corruption. Il y fait part sans fioritures de ses découvertes et de ses stupeurs, y compris devant l’attitude de ses compatriotes. Efficace.France Info, par Jean-Christophe Augier: Comment dessiner l’Afghanistan en guerre ? Journaliste et cartooniste indépendant, l’Américain Ted Rall a choisi de se rendre dans le pays au moment où, en 2001, les États-Unis ont lancé une campagne de bombardements massifs en Afghanistan. Son Passage afghan regroupe les dessins d’humour, les photos, les chroniques initialement parues dans le Village Voice ainsi qu’une BD autobiographique de 48 pages. Jean-Pierre Perrin, grand reporter à Libération qui signe la préface de l’édition française, note que Ted Rall est sans doute le seul journaliste à ne jamais s’attarder dans ses textes et croquis sur l’extrême grandeur des paysages et leur sévère beauté. « Ici la guerre n’est jamais exotique, elle est brutale et impitoyable et personne n’a le beau rôle. Pas de bons, que des méchants. »BDZoom.com 2[Page consultée le 11 août 2023]par Gilles Ratier: C’est sous forme d’un pamphlet anti-Bush de 48 pages (composées de quatre ou six images), agrémenté de dessins d’humour, de photos et de chroniques, que le journaliste américain Ted Rall a finalement rendu sa copie : compte-rendu de son voyage en Afghanistan en novembre 2001 pour le compte du magazine new-yorkais Village Voice. N’épargnant ni les troupes américaines ni les Talibans et les Afghans en général tout en axant son discours sur la désorganisation et la corruption régnant dans ce pays, l’auteur y décrit ses conditions de travail et sa peur devant ce qui va l’amener à fuir cette région : l’insécurité générale… Intéressant !Le Point, par Christophe Ono-dit-Diot: Rall ne nous épargne rien. « Presque tous les reportages étaient entachés du péché mortel de mensonge par omission », assène-t-il dans une postface amère à ses 48 planches mordantes sous leur air enfantin. Un reportage dessiné que ses confrères ont pris comme une gifle. Mais une gifle, ça réveille, et ça aussi, ça manquait chez Tintin.France Inter, le journal, par Corinne Audouin: Le témoignage est passionnant, car Ted Rall dit tout: les conditions de travail épouvantables, la peur des bombes et des voyous prêts à vous égorger; mais aussi le racket permanent, les méthodes douteuses de certains confrères, et l’ennui. Oui, car comme l’écrit Ted Rall avec l’ironie mordante qui fait le sel de son témoignage: “j’étais dans le pays le plus dangereux du monde, pendant la guerre, sur le front: et je m’emmerdais”. Ted Rall raconte comment, pour tromper l’attente et l’absence d’images, les équipes de télévision américaines offrent à l’Alliance du nord 250 dollars pour tirer un obus. Pour enlever sa burqa 5 minutes devant les caméras, c’est 200 dollars. “Le public américain voulait voir la libération de l’Afghanistan, on la lui a montrée”, écrit Ted Rall. Tant pis si la réalité est bien plus cynique, et si parmi les libérateurs de l’Alliance du nord se trouvent beaucoup d’anciens Talibans rasés de frais. Le tableau est cauchemardesque, l’espoir difficile à lire dans cette chronique enragée. Pourtant la force du livre tient au sentiment de vérité qui s’en dégage. Sur les traces de ce reporter qui démystifie la figure du journaliste de guerre, vous en apprendrez beaucoup sur ce pays impossible et passionnant, sans didactisme, mais avec l’impression d’ouvrir enfin les yeux.www.benzinemag.net 3[Page consultée le 11 août 2023]par Benoît Richard: un récit en tout point touchant et qui constitue aujourd’hui une document d’histoire passionnant. Globe-trotters par Claire Marca: on se régale du sarcasme de l’auteur américain(url de la page:http://www.la-boite-a-bulles.com/ 4[Page consultée le 11 août 2023])

Impact de l’œuvre

L’album, paru en 2004, ne semble pas avoir été réédité et n’a pas gagné de prix.La version originale de l’ouvrage, To Afghanistan and Back, a été sélectionnée dans les principales recommandations de “meilleur livre pour jeunes adultes” en 2003 par le School Library Journal.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

L’impact de Passage Afghan sur le processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre porte davantage sur les conséquences géopolitiques des attentats en sol américain que sur la représentation des attaques aériennes. Plutôt que de représenter la stupeur du peuple américain au lendemain de la tragédie, Rall s’intéresse davantage à une autre réaction de la population, soit la colère vengeresse qui appelle à l’action militaire. Bien des citoyens américains avaient été amenés à croire que bombarder l’Afghanistan allait permettre de débusquer Ben Laden et ses troupes de «suppôts du Diable ». Rall révèle qu’au contraire, la plupart des camps d’entraînement terroristes de Al-Qaeda sont situés au Pakistan, qui a été épargné en fonction des liens politiques étroits entre ce pays et les États-Unis, et que l’intervention en Afghanistan est un désastre sur tous les points de vue, qui devrait se solder par un échec comparable au Viet-Nâm. Rall insiste pour faire comprendre que ce que les Américains ont découvert après les attentats, soit les conséquences sur la psyché collective d’une population assaillie et dont la guerre s’est transportée à l’intérieur de ses propres frontières, est le lot quotidien de la populace dans certains pays. Rall veut donc ouvrir ses lecteurs américains à une perspective différente de la leur afin de leur apprendre que la crise qu’ils traversent n’est pas sans précédent. Ainsi, sans vouloir atténuer le drame pour les Américains, il cherche plutôt à révéler l’universalité des désastres de la guerre à une population peu habituée de ressentir de si près les conséquences d’une action guerrière.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« (…)Les destructions tellement complètes que – comme lorsqu’on se trouve devant le Grand Canyon pour la première fois – l’esprit ne parvient pas à appréhender leur échelle ou leur perfection dans l’horreur » (page 25).Étonnamment, cette citation qui s’appliquerait très bien à Ground Zero décrit plutôt le paysage afghan!« Pourtant, j’avais démarré doucement : j’ai été l’un des rares caricaturistes politiques à ne rien dessiner le 11 septembre 2001. J’avais pris cette décision en raison du trouble qui m’habitait. J’étais terrorisé, mon futon accueillait un couple de réfugiés de Ground Zero et personne ne savais exactement ce qui se passait : qui était responsable des attaques? Y aurait-il d’autres attaques-suicides? Verrait-on des survivants émerger des décombres situés à 10km au sud de mon appartement de Manhattan? Quelle était la teneur de l’air en amiante? Que pouvais-je dire? J’étais à la fois vidé, triste, choqué, surpris et en pleine confusion. Oui, et alors? L’état d’esprit de Ted Rall au matin du 11 septembre n’intéressait personne, surtout quand l’état d’esprit de Ted Rall était le même que celui de millions d’autres personnes. Comme le dit ma mère : « Quand on ne sait pas, il ne faut pas hésiter à la fermer. » Rétrospectivement, attendre quelques jours avant de prendre la plume m’a plutôt servi. Mes collègues de la grande presse, poussés par des rédacteurs en chef désireux de publier une réaction instantanée aux événements de ce mardi, ont tous sortis le même dessin, la même vue idiote de la statue de la liberté pleurant sur un nuage de poussière. J’aurais pu moi aussi commettre ce crime contre le bon goût et l’originalité si je m’étais exprimé avant d’avoir quelque chose d’intelligent à dire. » (p.60)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Le grand reporter au journal Libération Jean-Pierre Perrin a écrit une préface pour l’ouvrage.

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