Article d'une publication

Partouz

Neli Dobreva
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Moix, Yann (2006), Partouz, Le Livre de Poche, Paris, 434p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Dans Partouz, les attentats du 11 septembre 2001, à New York, sont mis en relation avec la frénésie que l’on rencontre, à la même époque, dans les clubs échangistes parisiens. Tout au long du roman, les pulsions qui ont mené les martyrs suicidés à s’investir dans les attentats sont juxtaposées aux pulsions sexuelles, au désir de jouissance débordant des échangistes et à leurs pratiques frénétiques les conduisant jusqu’à la syncope. Comparant son propre parcours à celui de génies marquants de la civilisation occidentale comme René Descartes, Georges Bataille, Marcel Proust, André Breton, James Joyce, etc., Yann Moix croit découvrir la correspondance entre ce qui a causé la mort de ces illustres écrivains et la logique de l’attentat suicide commis par Mohhamed Atta, un des terroristes présumés des attentats du 11 septembre 2001: leurs grandes amours déçues. L’auteur imagine que la plaie béante laissée par une passion amoureuse non partagée a poussé Mohammed Atta, alors jeune étudiant en architecture à l’université du Caire, dans sa détermination à rejoindre le paradis céleste en martyr.

Les partouzes sont mises en scène dans le roman comme un pendant du paradis céleste : la boîte échangiste, c’est le paradis terrestre. La clausule consiste en un dialogue entre Mohamed Atta et Charles Péguy et évoque le hiatus entre le paradis du martyr, qui a enduré sa masculinité, et le paradis du suicidé de guerre, qui a subi la castration. Pour l’auteur, Charles Péguy n’est pas mort en soldat durant la Grande Guerre (1914 – 1918). Il se serait suicidé, choisissant de se sacrifier plutôt que d’endurer son mal d’amour. Le martyr-suicidé, le héros Mohammed Atta, lui, sera accueilli par 72 sœurs qui, chacune, lui fera profiter exclusivement de sa spécialité: pisseuse, suceuse, chieuse, etc.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

narrateur unique, jeux sur la temporalité; chassé-croisé de dialogues, récits, fragments et extraits de poésie

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée. Le site représenté est le World Trade Center à New York.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Le récit remonte le cours de la vie du terroriste présumé Mohammed Atta et centre l’histoire du personnage sur l’amour déçu de Atta pour une amie et collègue d’université. Le narrateur rencontre la jeune femme après les attentats, et elle l’accompagne dans un club échangiste. Pour le narrateur, cette femme est en partie responsable de l’acte fatal commis par Atta. Véritable choix de vie, les attentats sont ainsi pensés comme répondant à un questionnement simple: être ou ne pas être la victime inconsolable d’une femme dont on est épris. Et la conclusion d’Atta/Moix est sans appel : les moyens de transport (amoureux) sont assimilables aux avions qui s’encastrent dans les tours jumelles…Les médias sont réduits dans leur expression au néologisme archilexème : « téléfoutre » . Ainsi, l’auteur démontre son mépris organique pour le débordement d’information qui passe, bien entendu, par la représentation de personnages féminins.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le personnage principal est le narrateur. Il a 40 ans aujourd’hui, en avait 33 ans lors des attentats. Occidental, bourgeois bohème et parisien, il est né la même année que le présumé terroriste Mohammed Atta, qu’il considère comme un frère. Le narrateur se place en investigateur qui, par pur hasard, rencontre une proche de la femme fatale de Mohammed Atta. Se faisant passer pour un écrivain, il obtient un rendez-vous avec l’égérie du terroriste-martyr, qu’il entraîne dans un club échangiste. Il vit ainsi, comme pour le venger, l’expérience que Mohammed lui-même n’est pas parvenu à vivre sur terre et, qu’à défaut, il vivra certainement au paradis, si l’on en croit l’islamisme radical.Les attentats sont abordés sur le mode de l’intime avec l’amie de Mohammed Atta, mise sur la sellette par le narrateur comme preuve vivante du malheur causé par les femmes aux hommes « purs » et romantiques, avec les conséquences catastrophiques que l’on connaît.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Des sons de jouissance dans le club échangiste et des bruits ambiants sont évoqués.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

De temps à autre il y a des rayures dans le texte. Chaque chapitre se termine avec quelques strophes de poésie minimaliste. On apprend à la fin du livre, dans les remerciements, qu’il s’agit de citations extraites de La Ballade du Cœur qui a tant battu, de Charles Peguy, beauceron comme l’auteur, et à qui Moix voue un véritable culte.

Autres aspects à intégrer

Néologismes pullulants et manie des acronymes.

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«Ce livre dangereux, je l’ai écrit comme une aubade et j’ai reçu en retour ce que je méritais: une bonne raclée. Depuis le temps que j’en rêvais! Lettres d’insultes, critiques violentes, haines extraordinaires ont accueilli ce joli roman d’amour qui parle de Dieu, du 11 Septembre, de François Mitterand, de Wagner et de Charles Péguy. Bref, je l’ai écrit comme doivent s’écrire tous les livres dangereux et haïs: dans le plaisir et l’insouciance, dans le bonheur et la vitesse. Et avec enfance. Bref, tout ce que l’adulte ne peut supporter.» (Y. M.)Ça brûle et ça sent le cramé dans ce roman. Ce Moix-là nous lance à la figure qu’il ne veut pas réduire la littérature à d’exquises gaufrettes d’un salon d’automne. (Jacques-Pierre Amette, Le Point) Un narrateur (encore fleur bleue, disons proustien…) s’éprend d’une jeune fille croisée au métro Glaciaire. Or, celle-ci, découvre-t-il, fréquente les clubs échangistes. Pour la séduire, cet homme ennnamouré doit donc la suivre dans ses turpitudes. C’est le début de cette « Partouz » qui mêle l’autobiographie, le délire, la poésie, la violence, le comique. Questions : les femmes seraient-elles, en ce début de siècle, des créatures avide de leur seul plaisir ? Les hommes seraient-ils les derniers romantiques ? Les terroristes intégristes ont-ils la réponse ? Par-delà cette intrigue, deux « lumières noires » éclairent ce roman fascinant, drôle, obscène, jubilant… 1 – En Occident, la liberté sexuelle atteint son point d’intensité maximale. En gros, tout le monde (à peu près) y fait l’amour avec tout le monde. Le lieu-symbole de cette « apocalypse » sexuelle, c’est, bien sûr, le club échangiste. Il y en a donc plusieurs dans ce roman. Et on s’y active avec frénésie… 2 – Ailleurs, hors de l’Occident, il y a des gens – des « intégristes », des « terroristes »… – qui précisément, trouvent que l’Occident pousse trop loin sa liberté sexuelle, et, plus particulièrement, la liberté sexuellle des femmes. Ca ne leur plaît pas du tout. Ils sont en colère. Ils veulent faire exploser cette décadence. Les clubs échangistes acceptent-ils les kamikazes ? Entre l’échangiste et le djihadiste, il y a donc quelques affrontements en perspective. Et tel est, entre autres péripéties et digressions le sujet de ce roman…(https://web.archive.org/web/20080524030455/http://www.amazon.fr/Partouz-Yann-Moix/dp/2253115185 [Consultée le 9 août 2023])

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Ce livre dangereux, je l’ai écrit comme une aubade et j’ai reçu en retour ce que je méritais : une bonne raclée. Depuis le temps que j’en rêvais ! Lettres d’insultes, critiques violentes, haines extraordinaires ont accueilli ce joli roman d’amour qui parle de Dieu, du 11 Septembre, de François Mitterrand, de Wagner et de Charles Péguy. Bref, je l’ai écrit comme doivent s’écrire tous les livres dangereux et haïs : dans le plaisir et l’insouciance, dans le bonheur et la vitesse. Et avec enfance. Bref, tout ce que l’adulte ne peut pas supporter. Y. M.

Citer la dédicace, s’il y a lieu

A Maria

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

https://web.archive.org/web/20071107093927/http://www.guidelecture.com/critiquet.asp?titre=Partouz [Consultée le 9 août 2023]

Une critique qui présente le roman de Moix comme une critique de Houellebecq: https://web.archive.org/web/20050824053001/http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=47258/idTC=15/idR=200/idG=3 [Consultée le 9 août 2023]

Impact de l’œuvre

Deux éditions : Yann Moix, Partouze, 409 pages, Editeur : Grasset & Fasquelle (1 septembre 2004) Yann Moix, Partouze, 434 pages, Editeur : LGF (4 janvier 2006), Collection : Le Livre de Poche

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Dans Partouz, Yann Moix décortique la figure du héros de l’Islam pour arriver au postulat suivant : celui qui meurt en martyr obtiendra le salut céleste. Pour nous le démontrer, l’auteur invente la biographie intime d’un personnage réel, le présumé terroriste Mohammed Atta. Moix joue à suggérer qu’il y aurait eu plusieurs issues possibles si l’amour d’Atta n’avait pas été déçu. Cette mise en fiction de l’histoire des attentats du 11 septembre 2001 nous invite à imaginer qu’il y a certaines conditions dans lesquelles la catastrophe aurait pu être évitée. Mais peut-on vraiment comparer ce qui s’est passé le 11 septembre 2001, sur le territoire des États-Unis, à une histoire d’amour qui s’est mal terminée, pire, qui n’a jamais commencé ? Ou bien, l’auteur veut-il simplement évoquer, par métonymie, le cynisme voyeuriste qu’il prête à la société occidentale, toute submergée par sa propre suffisance ? Pouvons-nous établir, comme argument fondateur, le hiatus entre le mode opératoire de jouissance occidentale et la norme orientale, soit une jouissance perverse qui va à l’encontre des lois fondamentales des pays musulmans ? Il est vrai, Freud l’affirmait, que la société est responsable des complexes attachés au mode de fonctionnement de la sexualité. Cependant, la façon dont cette mauvaise rencontre est présentée dans Partouz nous laisse encore désirer. La narration de Partouz s’étaie sur une riche documentation. Les exemples donnés sont ceux de la collaboration des créateurs d’Hollywood au service du gouvernement américain employé à imaginer des scénarios catastrophe préventifs, en vue d’une attaque future. Le va-et-vient permanent, de la réalité factuelle des attentats terroristes à leur fictionnalisation, est chaque fois employé, en crescendo, pour représenter une machine à fantasmes sexuels, dans sa toute puissance organiciste, mêlant représentation de la haute technologie, de la guerre, de la publicité et du marketing, dans un amalgame des corps à la fois enlacés, déchirés, déchiquetés, entre ruines et paradis céleste : comme dans une partouze.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Dès le lendemain du 11 septembre, le gouvernement américain avait comme par hasard confié à des scénaristes d’Hollywood la mission de lister, dans une sorte de brainstorming géant, national, sans précédent, quels nouveaux attentats les terroristes seraient capables d’imaginer… L’imagination retournait, en boomerang, à l’imagination. L’entertainment retournait à l’entertainment – mais d’une manière inattendue, abrupte, inimaginable.Tu passes toute la nuit à te faire lécher les glandes, les orifices, les cheveux, les doigts de pied et l’intérieur des oreilles, tu as éjaculé sur des couches horizontales d’êtres humains gémissant, et voici qu’au réveil, des avions s’offrent à des tours dans un tourbillon de flammes oranges. Il t’a d’abord semblé qu’il y avait un abîme entre tes orgasmes de groupe et ces morts verticales, ces êtres humains verticaux qui tombaient des tours verticales, dans l’air vertical putréfié. Quelques heures auparavant, tu as éprouvé l’interchangeabilité des corps humains, le nivellement des corps par le nombre et la volupté, et voici à présent que toutes celles que tu as baisées la veille, toutes ces entités humaines génériques, pleuvaient les unes sur les autres, cramaient ensemble, en groupe, rassemblées dans une piété chrétienne improvisée.

Cœur qui a tant aimé,

D’amour, de haine,

Ô cœur accoutuméÀ tant de peine. »  (p. 230-231)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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