Article d'une publication

Nine Eleven

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Greif, Jean-Jacques (2004), Nine Eleven, L’École des Loisirs, Paris, 172p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Livre destiné aux adolescents, Nine eleven alterne les scènes « vécues » romancées d’un quotidien banal soudainement bouleversé par la réalité des attentats avec des pages descriptives, techniques et quasi cliniques destinées à souligner la domination froide des attentats qui frappe tyranniquement un mode de vie insouciant composé de valeurs positives : celui des adolescents. Les pages techniques expliquent par exemple la résistance des matériaux et, dessins à l’appui, les trajectoires des avions dans les structures des tours et leurs effets. De façon à renforcer l’aspect traumatique de la catastrophe, l’auteur alterne les chapitres écrits sur un mode romancé et les pages écritures dans un style journalistique technique qui « colle » ainsi à la progression des avions vers les tours puis aux scènes suivant leur effondrement. Il impose ainsi au récit des coupes nettes à la manière d’une symptomatologie mécanique qui frappe et submerge aveuglement un monde innocent, qui pousse la vie vers l’abîme. Il oppose de cette manière les mécanismes de l’imagination et de la survie à la réalité implacable de l’événement, la vie à la mort, l’innocence à la barbarie, la sensibilité meurtrie à l’aveuglement. L’auteur parvient parfois à imposer par la juxtaposition de deux styles et de deux langages une émotion réelle qui développe son propre discours. Changement brutal de style et narration substitutive au roman car fonctionnelle coïncident avec la plongée descriptive et psychologique des élèves qui tentent de comprendre le bouleversement qui survient et qui a fort peu de rapports avec leur quotidien.
L’arrivée de plusieurs élèves de la Stuveysant High School, non loin du World Trade Center, est un prétexte à décrire l’architecture de l’école et du quartier, mais aussi le caractère multiethnique des adolescents qui fréquentent l’école (Biélorusses, Américains, etc.). Lorsque les avions percutent les deux tours, l’auteur accumule les observations sur les réactions (impréparation, désarroi) de la hiérarchie scolaire et sur celles des élèves. Les comportements des parents suivent dans un deuxième temps, certains personnages sont pris dans les immeubles, survivent. D’autres tentent de situer leurs enfants et parcourent New York vers Manhattan.
Quelques jours plus tard, les élèves reprennent les cours mais à Brooklin Tech et non dans leur école. Chacun cherche un refuge plus ou moins précaire dans ses propres ressources, les traumatismes des parents comme des enfants sont décrits selon des intensités variables mais la blessure existe et demeure.
Le livre décrit l’hégémonie de l’événement où s’engluent les personnages, ses dimensions élargies aux sensibilités fragiles des adolescents, ce qui court et se dissimule sous le masque de l’horreur qui s’abat sur le quartier de l’école.
À noter l’aspect très bien documenté des pages « techniques » qui, par leur sobriété, gagnent peu à peu en intensité aux dépens de la fiction.” Précision sur la forme adoptée ou sur le genre Roman. Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre Roman, deux types de narration: fiction et journalisme.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée, le récit suit les attentats contre les tours jumelles du World Trace Center à New York et leurs implications sur le quotidien et l’état psychique des élèves et de leurs parents. Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite. Le point de vue est contemporain de l’événement. Le narrateur enregistre les événements à travers deux points de vue principaux: le point de vue subjectif des personnages de la partie romancée (élèves du collège, parents des élèves) et le point de vue objectif de la partie « journalistique ». Aucun point de vue politique en tant que tel, aucune critique globale ou historique de l’événement mais un ensemble de faits mis à plat, une mise à jour de l’émotion et de l’expérience d’un vécu confronté à la barbarie, et une description volontairement neutralisée des faits survenus dans les tours.

Attitude face aux événements :
Incrédulité, teintée d’une sorte d’un curieux fatalisme à la fin du roman.

Des moyens de transport sont-ils représentés? Les moyens de transport urbains ne sont pas représentés.

Les médias ou les moyens de communication sont-ils représentés? Aucun véritable discours médiatique.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)? La Stuveysant High School est au centre du récit. Les élèves, le personnel enseignant puis les parents en sont les principaux protagonistes, le 11 septembre est vu à travers leurs regards et la sensibilité qui leur est attribuée par l’auteur. La proximité de l’école avec le World Trade Center place les élèves au premier plan.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents? Aucun son. Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Travail iconique sur le texte: deux typographies différentes (genre Helvetica et Times) permettent d’identifier immédiatement les deux types de récit.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

« Un élève arrive en retard. Je connais ce mec, se dit Andrew. Ken Kekchose. Dans mon cours d’espagnol l’an dernier. Il est à peu près réveillé l’après-midi, et encore.
La prof le connaît aussi.
– Eh bien, Ken, je vois que vous avez gardé vos bonnes habitudes. Ce n’est pas le meilleur moyen de réussir votre contrôle.
– Mais miss Avid, y’a un avion qui s’est écrasé sur le World Trade Center.
– Si seulement vous consacriez autant d’efforts aux mathématiques qu’à l’élaboration de vos excuses! »

Pour les lycéens de Stuyvesant High School, pour les élèves de Primary School 234, pour Chris Young qui doit livrer un projecteur au 99e étage, pour les humbles boulons qui tiennent les consoles qui tiennent les poutres-treillis qui tiennent les façades des tours jumelles, le 11 septembre 2001 commence comme une journée ordinaire.” Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

«Les Américains inversent le mois et le jour. Pour désigner le 11 septembre (et les attentats qui se sont produits à New York ce jour-là en 2001), ils disent 9/11, c’est-à-dire Nine Eleven. Ce livre raconte le 11 septembre d’un groupe de copains, élèves de terminale au lycée Peter Stuyvesant, à côté des tours. Au début, on croit à un petit accident. Il n’est pas question d’interrompre le contrôle de maths. Et puis c’est l’évacuation du lycée et la fuite à pied dans le brouillard. Parallèlement, le livre décrit l’embrasement et l’effondrement des tours. Des explications détaillées et illustrées permettent de comprendre ce qui s’est passé. J’ai écrit pour le catalogue de L’École des Loisirs un petit texte consacré à la genèse du livre. J’ai d’abord effectué un reportage pour Marie Claire. Deux des personnes que j’ai rencontrées pour le reportage sont devenues des personnages dans le livre.»

(à consulter sur le site de l’auteur : https://web.archive.org/web/20070705225458/http://mapage.noos.fr/jjgreif/biblio.html [Consultée le 9 août 2023])

Texte de l’auteur consacré à la genèse du livre :

Nine Eleven, le making of*. *Neuf onze, le faisage de:

«Mes lecteurs fidèles se souviennent certainement que la mère de Kama a rencontré un «nouvel homme» après la mort de son mari (Kama, p. 284). Ce nouvel homme avait une sœur à Londres, dont le mari avait une nièce à New York. Un été, cette nièce de New York (Georgette), son mari (Max) et ses deux enfants (Noah et Alexa) sont venus passer leurs vacances en Europe. Ils en ont profité pour dire un petit bonjour au beau-frère de l’oncle de Georgette (c’est le «nouvel homme», suivez un peu) et à la mère de Kama, qui séjournaient en Suisse. Alors moi, je passais mes vacances dans le même village de montagne que la mère de Kama, qui me racontait ses aventures pendant la guerre et c’est à partir de son récit que j’ai écrit Kama. C’est ainsi que j’ai rencontré Georgette, Max, Noah et Alexa. Je tenais la petite main d’Alexa et je lui racontais des histoires pour l’aider à marcher dans la montagne, j’aime beaucoup raconter des histoires aux petites filles. Ce que j’aime beaucoup, aussi, c’est aller à New York. Mes lecteurs fidèles le savent, puisqu’ils ont lu Le roi de l’autostop. Marcher en montagne avec quelqu’un, ça crée des liens. Maintenant, quand je vais à New York, je passe volontiers une soirée avec la famille de Georgette. En 2002, j’avais des vacances à prendre – en tant que journaliste à Marie Claire – avant le 31 mai, sinon je les perdais. Je suis parti à New York.

Je n’ai pas oublié d’aller voir la dernière nouveauté touristique : le chantier de démolition du World Trade Center (et aussi le nouveau musée spécialisé dans Klimt, Schiele, etc., Die neue Galerie). Un truc stupéfiant : dans le métro, dans la rue, on entendait constamment les mots «nine eleven», qui désignent la date du 11 septembre dite à l’américaine. Huit mois après les attentats, les gens ne parlaient encore que de ça. J’ai dîné chez Georgette and co. De quoi avons-nous parlé ? De ça. Noah m’a raconté sa journée à Stuyvesant High School, un lycée qui se trouve à 700 mètres de tours. Pendant le cours de biologie, un élève dans la fond de la classe dit : «Eh, les mecs, vous devriez regarder, il y a de la fumée qui sort d’une des tours.” Andrew, le meilleur copain de Noah, a contrôle de maths. Un élève arrive en retard : “Mdame, un avion s’est écrasé sur le World Trade Center !» Un contrôle de maths, c’est sacré. La prof lui dit de s’asseoir et de résoudre les problèmes comme tout le monde. Georgette est journaliste au Wall Street Journal, dont l’immeuble se trouve au pied des tours. Quand elle sort du métro, elle croit voir un tournage de film-catastrophe : des policiers et des pompiers partout, des gens qui s’enfuient en courant, des débris, de la fumée. Elle rentre chez elle à pied, en maudissant ses chaussures neuves. De retour en France, j’ai proposé à Marie Claire de recueillir quelques récits de New Yorkais sur le 11 septembre. J’ai réalisé une interview de Noah par téléphone, pour voir. Ayant réussi à convaincre ma cheffe et aussi la grande cheffe, je suis reparti à New York en juillet. J’avais demandé à tous mes amis s’ils connaissaient des gens ayant quelque chose à raconter. Par exemple, Susie Morgenstern (I love you, Susie !) m’a donné l’adresse de Dana, institutrice dans l’école primaire 234, à 600 mètres des tours.

L’article paru dans Marie Claire en septembre 2002 juxtaposait quatre témoignages : ceux de Noah et d’Alfreda (mère de son copain Andrew), et deux autres. On peut trouver cet article sur mon site, https://web.archive.org/web/20070612210135/http://www.jjgreif.com/ [Consultée le 9 août 2023] (de même, l’article qui a servi de point de départ à mon roman Mes enfants, c’est la guerre). Ainsi, les personnes qui voudront étudier mon livre en classe pourront comparer le travail journalistique et le travail romanesque. Au cours de mon deuxième séjour à New York, j’ai rencontré divers camarades de classe de Noah, Dana l’institutrice, un collègue de Georgette au Wall Street Journal, une élève de l’école primaire 234. Nine Eleven raconte leur journée du 11 septembre. Par ailleurs, j’ai acheté à New York 25 kg de livres consacrés aux attentats (au moins). J’ai photocopié des articles conservés par le service de documentation de Marie Claire, j’ai trouvé des centaines de pages sur Internet, afin de raconter aussi dans mon livre ce qui s’est passé à l’intérieur des tours et comment elles se sont écroulées. Afin de vérifier que je n’ai pas introduit des trucs impossibles dans les dialogues et les scènes que j’ai pu inventer, je suis allé une dernière fois à New York en janvier 2003. Les lycéens sont devenus des étudiants éparpillés aux quatre coins des États-Unis, mais ils reviennent chez leurs parents pour Noël et le nouvel an. Ils ont corrigé mes erreurs. J’ai gardé quand même quelques trucs impossibles, parce que j’en avais envie. Privilège d’auteur !»

À consulter également le reportage pour le magazine Marie-Claire sur la même page du site.

Citer la dédicace, s’il y a lieu « Thanks, you guys! »

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Présentation de l’éditeur sur son site :

Pour les lycéens de Stuyvesant High School, pour les élèves de la Primary School 234, pour Chris Young qui doit livrer un projecteur au 99 ème étage, pour les humbles boulons qui tiennent les consoles qui tiennent les poutres-treillis qui tiennent les façades des tours jumelles, le 11 septembre 2001 commence comme une journée ordinaire. [http://www.ecoledesloisirs.fr/FMPro?-db=catalogue016.fp5&-format=catalogues%2ffiche-livre.html&-lay=catalogue%20saisie&-sortfield=titre&-sortfield=auteur&-sortfield=ni [Cette page n’est plus accessible]]

Présentation de « Amazon » [ http://www.amazon.fr/Nine-Eleven-Jean-Jacques-Greif/dp/2211072925/sr=8-3/qid=1168436880/ref=sr_1_3/403-7741161-5484437?ie=UTF8&s=books [Cette page n’est plus accessible]] :

Sujet : 11 septembre 2001. Le matin d’un jour comme les autres dans le sud de Manhattan. Une belle journée de fin d’été. Les élèves vont au lycée ou à l’école, les parents sont au travail. Architectes, courtiers, informaticiens, enfants, enseignants, tous croient à un accident lorsqu’un Boeing vient s’encastrer dans la Tour Nord du World Trade Center.
Ce n’est que le début d’une longue journée au scénario de film catastrophe. Mais celui-ci possède la redoutable qualité d’être rigoureusement authentique.
Commentaire : « Une lecture passionnante, parfois dure, qui n’exclut pas l’horreur de l’événement sans pour autant verser dans un voyeurisme déplacé. Un roman très réussi, bien écrit et composé avec talent.
Le déroulement de cette journée historique est suivi à travers plusieurs personnages de fiction, inspirés de vrais témoins du drame. L’auteur jongle et superpose les actions, sans toutefois désorienter le lecteur. Par l’usage de deux typographies distinctes, il fait alterner le récit avec des explications techniques et des témoignages qui ajoutent à l’authenticité du roman et permettent de mieux comprendre cette catastrophe sans précédent. »

Impact de l’œuvre

Inconnu pour le moment.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Un certain nivellement de sentiments « prodémocratie » étrangement américains préexiste aux intentions et aux messages de l’auteur : derrière un apparent souci d’objectivité mêlant plus ou moins subtilement la fiction et l’authenticité (deux des personnages sont directement inspirés d’élèves rencontrés par l’auteur, cette accroche confère un caractère véridique et sincère au récit à la manière d’un article de journaliste faisant appel à des témoignages), des valeurs humanistes idéalisées et uniformes éloignent progressivement un réel esprit critique. Cette dimension critique aurait pu être le but d’un livre destiné à une clientèle adolescente avec la volonté de clarifier un sujet complexe et présent dans toutes les mémoires. Mais même si l’objectivité des pages « techniques » contribue à la dimension critique, cela ne suffit pas. La lucidité présumée par le rappel de l’expérience vécue ou même par la confrontation du récit en deux niveaux discursifs complémentaires, le discours revendiqué par la typologie particulière du récit, sa technique et sa force, décrivent un ensemble de valeurs conventionnelles avec ce qu’on pourrait dénommer une distance zéro par rapport au 11 septembre. Le récit plonge dans la psyché des personnages mais ne divulgue rien de nouveau. Il décompose en éléments simples, parfois simplifiés, un agrégat de réalités dénué de véritable point de vue critique, un peu comme si l’auteur demeurait ébloui par l’évènement et se soumettait à cet éblouissement.
L’illusion d’un discernement savamment articulé par les ruptures de tons reste événementielle et journalistique. Le fait divers existe et l’on est obligé de le fixer malgré le vertige, fait divers tronqué, ramené à une technique de langage qui en dissimule l’ampleur surtout dans son rapport à la totalité.
Le livre cherche refuge dans les accommodements idéologiques faciles et perd peu à peu de vue sa relation à l’authenticité. Celle-ci est réduite à une incompréhension sans véritable remède. La tolérance bien connue des Américains est mentionnée à la manière d’une évidence ou d’une excuse mais on atteint le vide quand à la compréhension des bouleversements induits par le 11 septembre.
Le livre semble se défendre de trouver un terrain de conciliation avec la réalité politique, sociale, culturelle américaine en suivant le contour de désarrois individuels, mais c’est pourtant ce qu’il fait. Les causes possibles de l’acharnement des kamikazes, l’engrenage de la politique américaine au Proche et au Moyen Orient sont mis à l’écart. Demeurent l’innocence bafouée, la surprise et un choc sans acuité. Il n’est pas certain que les adolescents par nature curieux admettent le manque de vigueur critique de ce livre mais paradoxalement sa qualité se tient sans doute plus dans les pages « techniques », qui déploient leur implacable logique descriptive.
Ce livre participe du mouvement de fictionnalisation en cours en littérature. Il n’est pas certain qu’il installe une dimension symbolique particulière, mais il véhicule un état de conscience américain devant l’événement.” Donner une citation marquante, s’il y a lieu “« Les jours de brume ou de mauvais temps, on ne les voyait plus. Charlene et Eleanore plaisantaient :
-Les tours ont disparu!
Elles finissaient toujours par revenir, bien sûr. » (p.154)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Consulter le site de l’auteur: https://web.archive.org/web/20070704210424/http://mapage.noos.fr/jjgreif/biblio.html [Consultée le 9 août 2023]

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