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Let the Great World Spin

Simon Brousseau
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: McCann, Colum (2009), Let the Great World Spin, Harper Perennial, Toronto, 512p.

* L’entrée de Simon Brousseau était originalement intitulée «Let the Great World Spin — La signification a posteriori de l’homme qui n’est pas tombé». L’équipe de l’OIC a décidé de remplacer cet intitulé par le titre de l’œuvre pour plus de cohérence lors de la migration des archives LMP.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Si Let the Great World Spin est un roman qui porte la marque du onze septembre 2001, le rapport aux évènements qui y est développé est bien particulier. Plutôt que de narrer la tragédie, Colum McCann propose une relecture du passé teintée par l’effondrement des tours. On peut dire que le roman trouve sa cohérence grâce à un constat qui est posé quant à la nature de notre expérience du temps: il est possible, remarque McCann, de relire un évènement du passé, de lui donné une signification a posteriori. Plus encore, il arrive qu’un évènement soit si chargé, sémantiquement et émotivement, qu’il devient pratiquement impossible d’échapper à son emprise, celui-ci contaminant notre expérience du monde et notre compréhension de l’Histoire. Ainsi, si le cœur du roman se déroule le 7 août 1974, à New York, alors que le funambule Philippe Petit commet le «crime artistique du centenaire», cette journée est rapidement assombrie par l’ombre des tours qui, vingt-sept ans plus tard, se sont effondrées. La leçon de McCann n’est pas tant métaphysique que littéraire ou narrative: les faits marquants de l’histoire (ou d’un récit) ne sont intelligibles qu’une fois inscrits dans une suite évènementielle. Dans le cas du onze septembre, nous avons affaire à une tragédie d’une telle ampleur qu’elle teinte nécessairement notre compréhension de certains moments passés ou futur. Si, avant l’effondrement des tours, l’exploit de Petit représentait un acte d’une beauté et d’une témérité sans précédant, il est devenu aujourd’hui pratiquement impossible d’y penser sans l’associer à la figure de l’homme qui tombe, justement parce que Philippe Petit représente essentiellement l’homme qui n’est pas tombé. Let the Great World Spin est donc un roman choral où le point nodal est la performance de Petit, marchant sur un fil de fer tendu entre les deux tours du World Trade Center. Tous les personnages assistent, ou entendent parler de la performance de Petit. Ultimement, le dernier chapitre nous plonge dans une Amérique post onze septembre, et la jeune Jazzlyn, en 2006, se rappelle de sa mère, décédée le jour de la performance de Petit.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman choral.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La narration est omnisciente. Chacun des chapitres focalise sur un groupe de personnages différents, qui se recoupent ultimement grâce à la performance de Philippe Petit.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique. Les événements sont évoqués à la toute fin du roman, bien que l’ombre des tours se fait sentir dans l’ensemble du texte, grâce à l’association entre Philippe Petit et la figure de l’homme qui tombe.

Ce qui demeure implicite durant tout le roman est explicité à la fin:

«She often wonders what is it that holds the man so high in the air. What sort of ontological glue? Up there in his haunted silhouette, a dark thing against the sky, a small stick figure in the vast expanse. The plane on the horizon. The tiny thread of rope between the edges of the buildings. The bar in his hands. The great spread of space.» (p. 475)

«A man high in the air while a plane disappears, it seems, into the edge of the building. One small scrap of history meeting a larger one. As if the walking man were somehow anticipating what would come later. The intrusion of time and history. The collision point of stories. We wait for the explosion but it never occurs. The plane passes, the tightrope walker gets to the end of the wire. Things don’t fall apart.» (p. 475)

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements du 11 septembre ne sont pas représentés dans le roman.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Tous les personnages sont en quelque sorte liés par le fait qu’ils assistent à la performance de Philippe Petit, ou encore en entendent parler. Cependant, c’est le personnage de Jazzlyn qui établit de façon explicite le lien entre la grande Histoire et l’histoire personnelle de ces personnages, à la toute fin du récit, lorsqu’elle se remémore le jour de la mort de sa mère. Le lien entre le présent de la narration (2006) et le coeur du roman (1974) est donc assuré par une association entre ce jour où Philippe Petit n’est pas tombé, mais où une tragédie personnelle a eu lieu, et le onze septembre 2001, où l’histoire collective a dévié de sa trajectoire.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Non.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Non.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

One August morning in 1974, a tightrope walker makes his way, through the dawn light, between the World Trade Center towers. In the streets below, a slew of ordinary lives become extraordinary in this stunningly intricate portrait of a city and its people. Corrigan, a radical, young Irish monk, struggles with his demons in the burning Bronx. A group of mothers gathers in a Park Avenue apartment to mourn their sons who have died in Vietnam. Farther uptowm, Tillie, a 38-year-old grandmother, turns tricks alongside her teenaged daughter, determined to take care of her babies, and to prove her own worth.

Hailed as an American masterpiece, McCann’s powerful allegory of 9/11 comes alive in the unforgettable voices of these, and other, seemingly disparate characters, drawn together by hope, beauty and the tightrope walker’s “”artistic crime of the century.””

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

L’auteur n’émet pas clairement d’intentions. Par contre, il mentionne brièvement son expérience du 11 septembre dans un entretien radiophonique avec Diane Rehm. (Disponible en ligne: http://thedianerehmshow.org/shows/2009-06-29/colum-mccann-let-great-worl… [Cette page n’est plus disponible])

Citer la dédicace, s’il y a lieu

For John, Frank, and Jim. And, of course, Allison.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Le roman ayant remporté de prestigieux prix, il a beaucoup fait parler de lui sur le Web.

Impact de l’œuvre

Ce roman a remporté le National Book Award ainsi que The International Impac Dublin Literary Award. Il a été d’emblée considéré comme un grand texte américain. Dave Eggers a par exemple souligné à quel point il était remarquable que ce soit un irlandais qui ait écrit l’un des livres les plus passionnants à propos de New York.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Let the Great World Spin permet de saisir à quel point le 11 septembre 2001 est profondément ancré dans notre imaginaire. Après tout, la chute des tours est évoquée dans un seul paragraphe, à la toute fin du roman. Et pourtant, a posteriori, le lecteur sent la tragédie teinter la performance de Philippe Petit 27 ans plus tôt. La performance du funambule renvoie directement à la chute des tours, certes, mais c’est également l’existence des américains de cette époque qui est filtrée par la mémoire qu’a le lecteur de la catastrophe à venir. On peut donc lire Let the Great Wold Spin comme étant un roman du 11 septembre, d’une façon très diffuse mais néanmoins fondamentale. Le roman nous apprend qu’au fond, c’est notre capacité même à relier le présent au passé qui a été affectée par le 11 septembre. Il devient difficile, par exemple, de ne pas relier la mort d’un jeune soldat au Vietnam avec les guerres en Irak et en Afghanistan. La simple évocation des tours suffit à orienter l’interprétation que nous pouvons faire de la vie des différents personnages. L’Histoire, insiste McCann, est sans doute toujours aussi une histoire de sédimentation des significations. Dans les cas des tours du World Trade Center, et Let the Great World Spin le montre bien, les récits où elles se tiennent encore debout sont nécessairement hantés par ce moment où elles se sont écroulées.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Within seconds he was pureness moving, and he could do anything he liked. He was inside and outside his body at the same time, indulging in what it meant to belong to the air, no future, no past, and this gave him the offhand vaunt to his walk. He was carrying his life from one side to the other. On the lookout for the moment when he wasn’t even aware of his breath.
The core reason for it all was beauty. Walking was a divine delight. Everything was rewritten when he was up in the air. New things were possible with the human form. It went beyond equilibrium.
He felt for a moment uncreated. Another kind of awake.» (p. 239)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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