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Les étoiles à l’envers: New York, Photoroman

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Photographie, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Fleutiaux, Pierrette; Cartier, JS. 2006. Les étoiles à l’envers: New York, Photoroman. Arles, Actes Sud, 85p.

   

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

À partir de photos de New York du photographe JS Cartier et de l’émotion suscitée chez Pierrette Fleutiaux par les attentats de New York, l’écrivaine commente «son» New York. Elle cherche à restituer ou à identifier dans ces photos, dans ses souvenirs, quelque chose qui appartienne aussi bien à la ville qu’à son imaginaire, des traces de quelque chose qui lui apparaît perdu et surtout profané. Le détail qui fait lien: une histoire suspendue par les attentats du 11 septembre 2001. L’avant et l’après de New York ne semblent plus pouvoir se mélanger. La recherche de ce qui est, de ce qui a été la vie dans cette ville blessée incite Fleutiaux à montrer la culture urbaine diffusée de mur en mur, de rues en rues comme autant d’images sacralisées d’un New York qu’il lui faut célébrer. Les photos de J.S. Cartier saisissent presque toujours un geste, la grâce d’un mouvement qui s’étire ; elles tentent d’arracher aux différentes facettes de la ville les lambeaux de vie qui habitent jusqu’aux marges, jusqu’à ce qui ressemble à des ruines au cœur de la ville. Le pire y est possible partout, porté par l’excès d’une nature urbaine désordonnée et magnétique exposée dans ce petit livre comme une succession de tableaux commentés. 

  

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Livre hybride de photos commentées de façon très littéraire.

  

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Ce livre est à l’intersection d’une œuvre picturale et d’un essai.

  

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 9/11 est générique. Une photo à la p. 15 (la même en couverture) représente les tours du World Trade Center avant les attentats.

  

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Le livre est un hommage à New York, une célébration dont le point déterminant est l’émotion du 11 septembre 2001.

Des moyens de transport sont-ils représentés? Non.

Critique des médias? Non.

  

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le point de vue est celui de Pierrette Fleutiaux, écrivaine française qui a vécu à New York et tente de retrouver ses marques dans une ville traumatisée par les attentats du 11 septembre 2001.

Le point de vue est individuel.

  

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents? aucun son. Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique.

  

Autres aspects à intégrer

N/A

   

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Présentation de l’éditeur:

“J’ai pris l’avion pour New York, je suis allée à Ground Zero. […] J’ai accompli des gestes rituels, qui semblaient venir de quelque fond archaïque de coutumes que j’ignorais moi-même. Essentiellement je déambulais, revenant matin et soir, déchiffrant les messages sur les grands panneaux accrochés aux grilles, posant des bougies, puis stationnant sans raison auprès de quelqu’un qui semblait stationner aussi, achetant tout ce qui se vendait à même le trottoir ou dans les magasins, livres au bénéfice des familles des pompiers morts, photos prises et vendues par des témoins directs, épinglettes faites de petites perles de couleur représentant le drapeau. En accrochant l’un de ces pin’s à mon manteau, j’avais sans m’en rendre compte placé les étoiles à l’envers, un passant m’a demandé sans animosité si c’était fait exprès, je n’ai pu deviner s’il trouvait ce renversement approprié, sa question ne semblait pas demander de réponse, semblait plutôt faire partie d’une stupeur générale, on ne savait plus le sens normal des choses.” (extrait)

  
Biographie de l’auteur

Pierrette Fleutiaux est l’auteur d’une œuvre romanesque de toute première importance. Elle a reçu, en 1991, le prix Femina pour son roman Nous sommes éternels (situé en partie à New York). Chez Actes Sud, elle a publié Des phrases courtes, ma chérie (2001) et Les Amants imparfaits (2005).

JS Cartier, peintre et photographe franco-américain, a vécu à New York pendant quarante ans. Son ouvrage Traces de la Grande Guerre, couronné par l’Académie française en 1995, fait suite à d’autres projets photographiques ayant souvent trait à la nature, y compris dans les limites de la ville de New York. En 2005, JS Cartier a recherché les vestiges et les survivants de la Grande Guerre patriotique dans la région de Moscou. Son travail est représenté dans de nombreuses collections publiques et privées. 

  

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Inconnues.

  

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Pour Johanna et Pierre.

JS Cartier

  

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

   

Impact de l’œuvre

Inconnu.

  

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Commentaire mélancolique plutôt qu’indigné, la juxtaposition du texte et des photos choisies ne correspond pas toujours au projet initial qui était de travailler un imaginaire de la ville, imaginaire «dérouté» par la violence. L’impact du 11 septembre 2001 disparaît trop vite au profit d’un commentaire qu’on sent parfois trop littéraire. Cette littérarité assèche le sentiment et alourdit le style. Les photos antérieures à l’événement ne facilitent pas une actualisation réelle bien qu’elles soient des aperçus révélateurs du fourmillement et de la détresse new-yorkaise. Le sentiment demeure d’une juxtaposition pas tout à fait réussie, trop volontariste, entre le texte l’image. Peut-être est-ce dû au commentaire lui-même qui semble parfois se réduire à une note de lecture élaborée de la photo ou à quelque évocation biographique, mais sans poursuivre le mouvement fugitif aperçu dans l’image. L’absence de véritable sensation extrême, passionnelle, à la hauteur de l’événement qui l’inspire ou bien de l’imaginaire qu’on est en droit d’attendre de cette ville, ternit ce voyage dans un imaginaire qui veille à ne pas se laisser écraser par le choc subi (p.21). 

  

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

L’extrême violence détruit les constructions et les corps rongent l’âme des survivants mais une autre force de destruction très sournoise est à l’œuvre dans son sillage. L’extrême violence opère sur l’imaginaire un travail de sape et de censure, elle veut humilier sa fantaisie, mettre en déroute ses ressorts secrets, elle veut castrer sa liberté. (p.21)

La ville a ses héros, mais quelque chose là aussi a dévié. (p. 81)

Ce n’est pas la New York de Manhattan, des gratte-ciel de downtown et midtown que JS Cartier a désiré photographier, c’est le New York de la périphérie. De ces quartiers-là, on ne peut que deviner au loin la ligne fastueuse des gratte-ciel, vers lesquels chaque jour partent les cargaisons humaines. (…) Et eux, les gens, il s’en est tenu à l’écart en général. Pour ne pas être troublé, détourné, pris dans des filets de sentiments interpersonnels?

En écrivant ces lignes, j’éprouve l’effleurement d’un sentiment ténu, pas très sincère (mais néanmoins agissant), le mot «honte». Serait disproportionné pour le décrire, disons une interrogation, à laquelle je ne chercherai pas de réponse (en anglais, ce serait «it gives me pause»). 

  

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

   

Couverture du livre

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