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Les charmes discrets de la vie conjugale

Jean-François Legault
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Kennedy, Douglas (2005), Les charmes discrets de la vie conjugale, Paris, Belfond, 525p. [Traduction française de State of the Union]

Disponible sur demande — traduction française (Fonds Lower Manhattan Project)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Dans le monde du best-seller, Douglas Kennedy est reconnu pour son habileté à allier un style populaire et accessible à une critique mordante de la société américaine. La base de ses intrigues à saveur psychologique se trouve souvent dans le contexte socio-politique, comme c’est le cas dans Les charmes discrets de la vie conjugale. À travers deux époques de la vie du personnage principal, Hannah Latham/Buchan, il dresse un portrait peu flatteur du néo-conservatisme des États-Unis post-11 septembre. La première partie du roman se penche sur les années 1966 à 1974, en pleine période de contestation. Les parents de Hannah, des intellectuels engagés, n’éprouvent que de la déception envers leur fille qui n’a d’autres ambitions que de se marier à un modeste médecin généraliste, Dan Buchan, et à aller vivre dans un village perdu dans les montagnes du Maine. Dans ce milieu WASP étouffant, elle ne parvient plus à rejoindre l’idéal de bonheur tranquille en compagnie de son mari et de son fils qu’elle avait en tête. Par défi et sans trop avoir conscience des implications de son geste, elle donne a une aventure avec un étudiant de son père à qui elle avait donné asile. Tobias Judson, l’étudiant en question, s’avère être pourchassé par le FBI pour avoir aidé une cellule terroriste à assembler une bombe artisanale. Par chantage, il force Hannah à le conduire au Canada. Hannah parviendra à taire cet incident pendant plus de trente ans, jusqu’à ce que Judson refasse surface en annonçant la publication d’un livre autobiographique où il se repend de toutes ses actions.La deuxième partie du roman se passe en 2003. La vie rangée qu’a réussi à conserver Hannah éclate soudainement sous la pression d’une avalanche d’événements dont le catalyseur est la disparition de sa fille à la suite d’une affaire louche avec un médecin marié. La presse n’aura de cesse d’exposer au grand jour tous les détails de la vie d’Hannah, y compris sa collaboration avec Judson. Hannah y perdra presque tout, mais y gagnera une liberté qu’elle n’a jamais eue, celle de penser sa vie hors des préjugés et des manipulations de ses parents et de son entourage. Au moment où elle est le plus démunie, elle retrouve une prise sur les événements et parvient à reconstruire sa vie sur des bases qu’elle s’est choisies.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman best-sellers.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Récit linéaire, narrateur intradiégétique.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est très générique et se manifeste exclusivement dans la deuxième partie du roman. On la retrouve surtout dans la trame narrative à travers une représentation critique de la politique américaine servant de toile de fond à des événements n’ayant aucun lien avec le 11 septembre 2001. (cf. Pistes d’analyse)

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

(cf. Pistes d’analyse)

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

(cf. Pistes d’analyse).

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

N/a.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

N/a.

Autres aspects à intégrer

N/A.

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Le destin d’une femme à travers les mutations de son temps, les mystères de l’union conjugale, l’électrique confrontation entre aspirations progressistes et valeurs conservatrices… Et l’exceptionnel talent de Douglas Kennedy. Pour ses intellectuels de parents, Hannah Buchan est une vraie déception. À vingt ans, au lieu de grimper sur les barricades et de se fondre dans l’ébullition sociale des années soixante-dix, elle n’a d’autre ambition que d’épouser son petit ami médecin et de fonder une famille. Installée dans une petite ville du Maine, Hannah goûte aux charmes très, très discrets de la vie conjugale. C’est alors que le hasard lui offre l’occasion de sortir du morne train-train de son quotidien : malgré elle, Hannah va se rendre complice d’un grave délit. Trente ans plus tard survient le 11-Septembre, et avec lui le temps du doute, de la remise en question, de la suspicion. Le passé de Hannah va resurgir inopinément. Et du jour au lendemain son petit monde soigneusement protégé va s’écrouler…

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Comme d’habitude, pour Grace, Max et Amelia, mais aussi pour Joseph Strick.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

http://www.independent.co.uk/arts-entertainment/books/reviews/state-of-t… [La page n’est plus accessible.]

http://www.amazon.co.uk/product-reviews/0091800285/ref=cm_cr_dp_all_summ… [Page consultée le 8 septembre 2023]

http://www.randomhouse.co.uk/minisites/temptation/about.html [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Impact de l’œuvre

N/a.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Pour le lecteur dont c’est le premier contact avec un roman de Douglas Kennedy, les premières pages semblent coller aux canons du best-seller destiné à une clientèle cible féminine : une intrigue centrée sur la vie quotidienne et familiale; une héroïne dévouée, mais de modeste envergure; une relation mère-fille houleuse, une relation père-fille suivant l’évolution classique de l’Oedipe; une amie rebelle, mais fidèle qui permet d’évacuer le trop-plein de tension par l’humour cynique; le récit du périple de l’héroïne vers la prise en charge de son destin, cette prise en charge, pareille au mythe de Sysiphe, se manifestant moins dans la transformation que dans la décision volontaire de se conformer au mode de vie qu’elle s’est choisi au départ. Toutefois, quelques passages s’immiscent graduellement dans le propos et détonnent sur l’ensemble, ce qui fait douter le lecteur d’avoir affaire à un simple roman populaire. La critique sociale y est trop affutée pour ne pas souligner un procédé délibéré de l’auteur.La position idéologique est claire : les républicains sont fustigés, de même que tout comportement intransigeant dénotant une certaine bigoterie. Par exemple, la vaste campagne de sensibilisation anti-tabagisme est dépeinte comme une chasse aux sorcières :«De nos jours, si une femme enceinte est surprise à fumer en public, elle sera soumise à une lapidation verbale par quelque respectable citoyen, car nous sommes devenus une nation de fascistes de la santé, dès qu’il est question de la plante maudite. Mais tandis que la société juge acceptable de vilipender une personne que l’on ne connaît même pas sous prétexte qu’elle fume, vous risqueriez le procès en diffamation si vous osiez le moindre commentaire sur ces obèses éléphantesques que l’on voit de plus en plus souvent dans nos rues.» (page 261-262)Les médias sont attaqués également sur la base de leur curiosité morbide envers le pathétique et le spectaculaire, de même que pour leur appui indéfectible à la cause républicaine. Tels des bêtes sauvages, ils ne sont intéresser qu’à exposer, et du même coup détruire, la vie privée des gens. Laissant complètement de côté une quelconque mission d’objectivité, ils se font les instruments de la propagande de la droite religieuse, mettant en pièce toute forme de pensée minimalement libertaire. Douglas Kennedy fait donc la preuve qu’un roman populaire peut servir à présenter une critique sociale étoffée et que son auteur peut être engagé et exprimer son opinion. Les États-Unis post-11 septembre lui fournissent en ce sens un terreau fertile. Toutefois, outre l’apport à la figure de l’écrivain engagé, cette œuvre est importante en regard du processus de fictionnalisation du 11 septembre pour une autre raison.Une critique récurrente adressée par les théoriciens de la littérature populaire est que, quel que soit son contenu, elle soit presque inévitablement assujettie à l’idéologie en place. La forme du best-seller est intimement liée à l’industrie littéraire. Le choix de l’auteur d’adopter cette forme pour s’exprimer pointe intrinsèquement vers un intérêt mercantile. Or toute opinion motivée par des considérations d’ordre pécuniaire ne manque pas de paraître à tout le moins suspecte. Comme dans l’exemple des médias biaisés qu’il expose lui-même, comment savoir si les opinions qu’énonce Kennedy sont authentiques, ou qu’au contraire elles ne participent que de la fiction et de la psychologie des personnages? C’est néanmoins sur la quatrième de couverture qu’on trouve l’illustration la plus éloquente, et pour nous la plus pertinente, de la manipulation de la représentation : le 11 septembre y est utilisé ni plus ni moins que comme argument de vente, sans lien avec le contenu du roman. Le roman a peu à voir avec les événements du 11 septembre en dehors de se situer dans le climat tendu qui s’est ensuivi. Pourtant, le texte du résumé laisse présumer un lien beaucoup plus important entre l’intrigue et les attentats terroristes :«Installée dans une petite ville du Maine, Hannah goûte aux charmes très, très discrets de la vie conjugale. C’est alors que le hasard lui offre l’occasion de sortir du morne train-train de son quotidien : malgré elle, Hannah va se rendre complice d’un grave délit. Trente ans plus tard survient le 11-Septembre, et avec lui le temps du doute, de la remise en question, de la suspicion. Le passé de Hannah va resurgir inopinément. Et du jour au lendemain son petit monde soigneusement protégé va s’écrouler…»À la lecture de ce résumé, comment ne pas voir un lien immédiat entre le délit de Hannah et les attentats? Cette juxtaposition n’est que renforcée par l’utilisation du verbe « s’écrouler » appliqué au monde de l’héroïne. Il faut le répéter : avec sa mention unique, la présence du 11 septembre est insignifiante dans le roman en dehors de participer à l’atmosphère de tension. Comment expliquer alors cette emphase dans le résumé, si ce n’est par la volonté de tirer avantage de la charge symbolique de l’événement dans un but publicitaire? Il est vrai que l’édition originale anglaise nuance un peu, faisant référence au climat général post-11 septembre plutôt qu’à un lien de nature plus étroite : « But then, in the charged atmosphere of America after 9/11, her secret comes out and her life goes into freefall. » La mention de l’événement dans l’argumentaire n’est tout de même pas anodine, et confirme la nature mercantile du best-seller.D’autre part, la divergence dans les deux résumés (anglais et français) fait transparaître un acteur souvent oublié dans la fictionnalisation du 11 septembre : l’appareil éditorial et publicitaire. Il est fort à croire que Douglas Kennedy n’a pas composé le résumé de son livre en français. C’est à l’éditeur que revient donc la volonté d’associer si étroitement le 11 septembre et l’intrigue du roman. Il participe par le fait même au processus de fictionnalisation, et ce à deux niveaux : intrafictionnel en teintant le contenu du roman dans l’esprit du lecteur qui ne cesse de chercher une présence qui ne viendra jamais; extrafictionnel par l’utilisation du symbole des deux tours à des fins publicitaires et mercantiles.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Tu as entendu ce que ce malade de Bush a déclaré ce matin? − Je n’écoute pas la radio en recevant mes patients. Ce n’est pas correct, déontologiquement. − Alors attends… » Et je lui ai résumé la nouvelle et grotesque déclaration de foi à laquelle le président s’était livré la veille au cours d’une interview reprise le matin sur la station publique NPR. J’y ai ajouté ce commentaire : « Et dire que tu as voté pour ce tartuffe. − Je croyais qu’on aurait une version rajeunie de Bush père. J’aimais bien Georges senior, moi. − Oh, je ne le sais que trop bien! » ai-je lancé en allusion aux controverses qui nous avaient opposés tous les deux pendant la présidentielle de 1992, quand je soutenais que Clinton apporterait un changement positif au pays et que Dan vantait la prudence du premier George Bush en matière de fiscalité, oubliant de mentionner que les républicains avaient déjà creusé un trou de plusieurs centaines de milliards de dollars dans le budget national. Il était également séduit par le fait que le candidat conservateur habitait tout près de chez nous, à Kennebunkport. « D’accord, je me suis fait escroquer sur la marchandise, a admis Dan. Et moi non plus, je n’apprécie pas le côté “Jésus est notre Sauveur” de W. » (page 269)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Texte du résumé présent sur la quatrième de couverture de l’édition originale anglaise :

America in the Sixties was an era of radical upheaval – of civil rights protests and anti-war marches; of sexual liberation and hallucinogenic drugs. More tellingly, it was a time when you weren’t supposed to trust anyone over the age of thirty; when, if you were young, you rebelled against your parents and their conservative values. But not Hannah Buchan. Hannah is a great disappointment to her famous radical father and painter mother. Because instead of mounting the barricades and embracing this age of profound social change, she wants nothing more than to marry her doctor boyfriend and raise a family in a small town. Hannah gets her wish. But once installed as the doctor’s wife in a nowhere corner of Maine, boredom sets in …until an unforeseen moment of personal rebellion changes everything. Especially as Hannah is forced into breaking the law. For decades, this one transgression in an otherwise faultless life remains buried. But then, in the charged atmosphere of America after 9/11, her secret comes out and her life goes into freefall.

Couverture du livre

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