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Le projet de loi Hadopi fait réagir les acteurs du web français
Le projet de loi Hadopi, qui fait suite à la loi DADVSI (Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) voté le 30 juin 2006, fait réagir de nombreux acteurs du web, dont les membres de La Quadrature du net, un collectif de citoyens qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés individuelles, les droits fondamentaux et le développement économique et social à l’ère du numérique.
Le projet de loi Hadopi vise à instaurer une «réponse graduée» contre le «téléchargement illégal.» Beaucoup y voit un moyen de protéger les diffuseurs qui craignent de voir leurs profits diminuer. Les membres de la Quadrature du net sont catégoriques : «La loi «Création et Internet» instaurant la « riposte graduée » contre les internautes amateurs de culture est vouée à l’échec. Cette loi, au lieu de prévoir une nécessaire adaptation du Droit d’auteur aux nouveaux usages permis par le réseau, révèle la méconnaissance profonde des enjeux du numérique du gouvernement. HADOPI, par sa vision répressive et paternaliste d’Internet, associe la ministre Albanel et les députés qui la voteront aux erreurs stratégiques d’industries vieillissantes, et les emmène droit dans le même mur.»
De son côté, Philippe de Jonckheere fait la grève numérique afin de protester contre ce projet de loi qu’il juge aberrant. Ainsi, son site désordre.net est temporairement hors-ligne et remplacé par un texte bien senti :
«La loi HADOPI est une loi de plus de notre gouvernement d’extrême droite qui sert les intérêts de puissants lobbies pour les imposer aux administrés, qui n’en demandent pas tant, c’est une loi nécessairement liberticide, une loi libérale injuste de plus. Par ailleurs cette loi est carricaturale dans bien de ses aspects, initiée par la commission qui avait été confiée à Denis Olivennes, à l’époque patron de la FNAC, donc vendeur des produits culturels qui se sentent menacés par le téléchargement. On comprenait, dès ce choix de personnes, que ce seraient les intérêts privés des lobbies qui seraient servis par cette loi. On remarque donc une fois de plus que des entreprises qui, quand le contexte leur était favorable, criaient à l’interventionnisme de l’état dès que ce dernier tentait de légiférer dans un sens qui gênait leurs intérêts, prônant la loi du marché comme seule qui vaille, sont aujourd’hui passés de l’autre côté, celui des faibles, ou prétendus tels, et qui appellent, au contraire, désormais, à l’intervention salvatrice de l’état. Un esprit libéral est décidément un esprit perdu.»
Philippe de Jonckheere montre bien les enjeux idéologiques de ce projet de loi : il s’agit de deux visions de la place des arts sur le web qui s’affrontent : d’une part, l’intérêt purement économique des diffuseurs qui refusent d’admettre les avantages du partage de fichier par les communautés artistiques du web, préférant y voir une menace et, de l’autre, celle des artistes qui souhaitent utiliser le potentiel de diffusion du web pour rejoindre un grand nombre de gens et ainsi faire connaître leur travail :
«Parce que l’esprit libéral est fourbe et avance comme un crabe, il ne saurait être assez franc pour avancer en pleine lumière ses véritables motivations. Souffrant qu’une partie de leurs ventes ait, soit-disant, disparu dans la masse indifférenciée du téléchargement de pair à pair, les sociétes de ventes de disques et de DVDs veulent faire interdire de telles pratiques de réseau pour récupérer leurs gros sous qui manquent à l’appel, mais conscients que leurs bilans comptables ne sont pas très émouvants ces dernières décident de plaider la cause de pauvres artistes que l’on vole quand on télécharge leurs oeuvres. Un artiste c’est sympa, voler un artiste c’est mal. Un ami musicien ironisait, il y a déjà quelques années, au moment de la loi DADVSI, l’ancêtre de la loi HADOPI, que parmi la liste des signataires en faveur d’une telle loi, on ne trouvait pas de musiciens — je suis comme lui, j’ai bien du mal à reconnaître le moindre talent à des gens comme Johnny Halliday, Patrick Bruel et autres pauvres millionnaires spoliés leur absence de talent leur permettant si difficilement de se remettre d’un tel coup. Je constate dans le même souffle que du temps de la loi DADVSI, l’association des musiciens de jazz s’était manifestée comme étant favorable aux réseaux de téléchargement de pair à pair parce qu’ils voyaient sûrement dans de telles pratiques la chance insigne de faire connaître leur véritable travail de musiciens et d’artistes. Comme quoi n’étaient pas artistes tous ceux qui se disaient artistes. L’esprit libéral est donc fourbe.»
Un débat à suivre…