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La théorie des cordes

Emmanuelle Leduc
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Somoza, José Carlos (2008), La théorie des cordes, Actes Sud, Arles, 514p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Comme le titre l’annonce, La théorie des cordes de Carlos Somoza élabore son intrigue autour de la célèbre et complexe voie envisagée par la physique théorique. Intégrant habilement  différents genres (science-fiction, horreur et thriller), le roman se centre sur le personnage d’Elisa Robledo, jeune physicienne aussi belle que douée, qui participe en 2005 à une expérience ultra-secrète sur l’île de New Nelson : le projet Zigzag. À l’aide de la théorie des cordes, les scientifiques confinés sur l’île, surveillés 24h sur 24h par des militaires armés jusqu’aux dents, parviennent à ouvrir les cordes temporelles afin de voir en temps réels des images du passé. Ils peuvent alors visionner, en 2005, des images remontant à l’ère paléolithique. Si le projet présente des avancées immenses pour la compréhension de l’histoire et de l’anthropologie, il n’est pas sans risque. Les recherches sont subitement arrêtées par la mort atroce d’une scientifique longuement torturée et la disparition tout aussi mystérieuse d’un autre. Devant l’horreur incompréhensible, le projet avorte et les participants, traumatisés, retournent à des travaux plus conventionnels, engagés au plus grand secret sur les événements. Dix ans plus tard, tous les participants de l’expérience sont massacrés un par un par une créature créée par l’ouverture d’une corde spécifique en 2005 : Zigzag. Pour découvrir la vérité et éviter une mort certaine, le groupe de scientifique survivant est contraint de retourner sur l’île de New-Nelson afin de comprendre ce qui a bien pu s’y passer, dix ans auparavant.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman de science-fiction

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Les événements sont présentés dans une temporalité alinéaire : plusieurs analepses entrecoupent le récit. La majorité de la narration est omnisciente. Certains passages, en italique, sont délégués à un narrateur homodiégitique, Elisa.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique. Les événements sont évoqués deux fois.

« Depuis un certain 11 septembre, le monde a cessé de se diviser en vérités et mensonges. Aujourd’hui, nous ne disposons que de mensonges : le reste nous ne le connaîtrons jamais. » (p. 293)

« Le 11 septembre et le 11 mars nous ont tous laissés comme Adam et Ève au Paradis : à poil et sous surveillances » (p.  129)

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements du 11 septembre ne sont pas représentés dans le roman (cf. Pistes d’analyse).

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Aucun.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Quelques images représentant des courbes mathématiques et des figures géométriques se retrouvent dans le roman.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Isolée sur un atoll de l’océan Indien, la fine fleur de la physique mondiale est en quête du Graal. Elle œuvre à un ambitieux projet fondé sur la théorie des cordes, qui permettrait d’ouvrir le temps. S’ils parviennent avec ravissement à contempler le passé de l’humanité, les scientifiques perçoivent rapidement que ce programme, financé par de mystérieux fonds privés, pourrait connaître des applications moins angéliques. Un drame conduit à la suspension immédiate des recherches, dispersant aux quatre vents les apprentis sorciers.

        Dix ans plus tard, Elisa Robledo  brillante physicienne d’une université de Madrid, se sent en danger de mort. Avec ses anciens acolytes, elle retourne  aux origines de la tragédie, sur cet îlot où ils avaient profané le temps. 

     Intensité, profondeur, puissance narrative : José Carlos Somoza porte les énigmes de la physique au cœur d’un roman dont l’efficacité fait frémir. 

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

à mes enfants, José et Làzaro

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

N/A

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

La théorie des cordes n’est pas a priori un roman sur le 11 septembre. Pourtant, malgré sa mince présence directe, le roman contribue au processus de mythification des événements en le désignant comme le moment où tout bascule : début d’une ère de mensonge et de suspicion généralisés. La société post-11 septembre décrite dans le roman est marquée par la peur et la paranoïa. La création du mal absolu, Zigzag, est entièrement justifiée par la menace d’un attentat terroriste qui plane sur le monde occidental depuis le 11 septembre 2001. Comme le soulignera le professeur Blanes : « Tu crois que tout le fric que coûte Zigzag vient de la passion qu’éveillent Troie, l’ancienne Égypte ou la vie de Jésus ? (p. 290). » Au-delà des avancées historiques et anthropologiques colossales, pouvoir visionner le passé en temps réel, c’est posséder « l’œil de Dieu qui voit tout », sorte de Big Brother scientifique. Pour la société paramilitaire qui finance l’expérience, les usages d’une telle arme sont infinis. Peu importe si la bombe a déjà explosé, il est maintenant possible d’identifier les coupables, de connaître leur méthode, l’exacte localisation de leurs camps d’entrainement, etc. La violence extrême qui découle de  ces expériences d’apprenti-sorcier se trouve entièrement justifiée par l’idéologie défensive post-attentat.

L’omniprésence de la surveille informatique et téléphonique dans le roman tend également à décupler la paranoïa et la terreur des personnages qui ne savent plus à qui accorder leur confiance. Zigzag est bel et bien l’ennemi, mais agit-il sous les ordres du groupe Eagles ? Peuvent-ils faire confiance à cette énigmatique société paramilitaire qui sert des intérêts obscurs et qui surveille les scientifiques nuit et jour ? Si les attentats terroristes perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001 ont donné une légitimité nouvelle aux différents types de surveillances, ils ont aussi donné un essor considérable au développement des technologies de surveillance de pointes en informatique. Un système de surveillance planétaire de l’information transigé sur la toile a de plus été légalisé de façon permanente aux États-Unis par le Patriot Act en 2004. Plusieurs autres pays possèdent des systèmes semblables, qui surveillent tout un chacun, en tout temps. Parmi l’abondance des références au traitement et au contrôle de l’information, le livre mentionne également à deux reprises le réseau échelon. Ce système de surveillance mondiale d’interception des communications privées et publiques existe bel et bien et a été instauré après la Deuxième Guerre mondiale par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La mention d’échelon, qui est suivie d’une remarque qui postule la présence d’un système semblable en Europe, est immédiatement juxtaposée à l’évocation des attentats de terroristes de New York et de Madrid : « Le 11 septembre et le 11 mars nous ont tous laissés comme Adam et Ève au Paradis : à poil et sous surveillances » (p. 129). Dans la théorie des cordes, la surveillance des individus est totale : les courriels d’Elisa sont lus et modifiés, son téléphone constamment sur écoute. Sur l’île, l’intimité des personnages est réduite à sa plus simple expression. Aucune serrure n’est tolérée dans les chambres, chacune possédant un judas permettant une surveillance visuelle constante des scientifiques. Dans la société post attentat du récit la sécurité prime sur les libertés humaines. Les gouvernements, à l’instar du prophétique Big Brother de George Orwell, surveillent tous les citoyens comme d’éventuels suspects.

Dans ce roman, le 11 septembre devient ce moment charnière où tout bascule. La frontière entre vérité et mensonge devient de plus en plus poreuse, la multiplication des réseaux de surveillance compose un paysage paranoïaque où des armes et des outils de plus en plus sophistiqués sont développés pour contrer l’ennemi. Le monde occidental est représenté comme une société marquée par la terreur, la violence et les théories du complot.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Depuis un certain 11 septembre, le monde a cessé de se diviser en vérités et mensonges. Aujourd’hui, nous ne disposons que de mensonges : le reste nous ne le connaîtrons jamais. » (p. 293)

« Le 11 septembre et le 11 mars nous ont tous laissés comme Adam et Ève au Paradis : à poil et sous surveillances » (p.  129)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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