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La portée de l’épithète «gai»: sujets interpelés, sujets touchés

Janik Bastien-Charlebois
couverture
Article paru dans Féminismes et luttes contre l’homophobie: de l’apprentissage à la subversion des codes, sous la responsabilité de Line Chamberland, Caroline Désy et Lori Saint-Martin (2016)

Ce que «gai» veut théoriquement dire1Nous tenons à remercier la personne qui a corrigé ce texte pour ses commentaires judicieux.

L’étude de la construction identitaire masculine comme celle des rapports sociaux entre hommes hétérosexuels et non hétérosexuels mène souvent à celle de l’emploi de l’épithète «gai» ou de la gamme de termes qui lui sont apparentés2Les termes apparentés, au Québec, sont «tapette», «fif» et «moumoune», pour ne nommer qu’eux. Ils varient ensuite selon les espaces géographiques et les sphères linguistiques. La France connait «pédé», «pédale», «homo» et «tantouze»; les États-Unis et le Canada anglais, «fag», «faggot», et «gay»; la Grande-Bretagne et l’Australie: «poof» et «poofter». Pour alléger le texte, nous n’allons employer que l’acception «épithète gai» ou «gai» pour référer à ce conglomérat de termes, tout en étant consciente que certaines nuances peuvent exister entre eux. Nous retenons «gai» car il représente le terme le plus usité au Québec. Puis nous privilégions l’appellation «épithète», puisqu’elle inclut à la fois l’offense (insulte) et le «jeu».. Cet aboutissement n’est pas étranger au constat de leur utilisation fréquente entre garçons adolescents ou entre hommes. Employés principalement par des garçons et des hommes et quelquefois par des filles et des femmes, ces termes s’adressent exclusivement à des garçons ou hommes –à quelques exceptions près (Burn, 2000; Martino, 1999; Martino et Pallotta-Chiarolli, 2003; Nayak et Kehily, 1996; Pascoe, 2005; Plummer, 1999, 2001)3Nous comprenons les distinctions corporelles « hommes » et «femmes» comme étant produites par la médecine. Celle-ci effectue également l’assignation initiale «garçon» et «fille», reprise ensuite par les multiples appareils sociaux régulateurs de la distinction. Nous nous joignons à la critique de cette vision dichotomique formulée par de nombreuses personnes féministes, transidentifiées ou intersex(ué)es, préférant une lecture approximative des corps qui soit réceptive à l’identification que privilégient les personnes elles-mêmes. Les études sur les pratiques de l’épithète —y compris la nôtre— ont toutefois présumé jusqu’ici l’absence de sujets transidentifiés et intersexués dans les interactions envisagées. Il a depuis été porté à notre connaissance lors d’échanges informels que des personnes ne s’identifiant pas comme hommes, mais étant perçues comme tels, peuvent être également ciblées.. Cette pratique s’étend de plus à une diversité de pays, tel qu’en témoignent les terrains des chercheurs-es y ayant consacré leur intérêt. 

Même lorsqu’ils ne sont pas les destinataires explicites de ces épithètes (Burn, 2000; Nayak et Kehily, 1996; Pascoe, 2005), des jeunes hommes gais témoignent du fait qu’ils sont ou se sentent particulièrement ciblés par elles (Burn, Kadlec et Rexer, 2005). De leur côté, les garçons et les hommes qui les emploient se défendent généralement de les utiliser dans un sens faisant référence aux hommes gais ou dans l’optique de les diminuer (Bastien-Charlebois, 2009; Burn, 2000; Pascoe, 2005), ce que corroborent certains adultes étant en contact étroit avec des jeunes (Grenier, 2005; Richard, 2013). De leurs propres dires, «gai» et ses termes apparentés désigneraient davantage la «stupidité», la «faiblesse» ou les affinités et comportements «féminins».  

Cette tension interprétative se transpose chez les chercheurs-es qui, bien que s’entendant sur sa fonction régulatrice, sont en désaccord à propos des sujets impliqués dans l’utilisation de «gai»4Nous centrons notre analyse sur les sujets plutôt que sur les pratiques. Même si ce sont ces dernières qui sont soulignées lors de l’emploi des épithètes, c’est un statut de sujet qu’elles forment et ce sont des sujets qui en sont d’abord affectés.. Ce désaccord s’exprime d’abord sur le profil des personnes sujettes à être ciblées par cette épithète, puis sur la possibilité ou non qu’elle ait une incidence sur des personnes qui n’en sont pas les destinataires. Dans une vision plus minimaliste, défendue par Plummer (1999, 2001), les hommes gais ne sont pas particulièrement ciblés, les épithètes s’adressant davantage aux garçons dont les comportements sont en dehors de la masculinité, mais non forcément féminins. Leur emploi ne participerait que de la construction identitaire masculine et serait indépendant des rapports sociaux entre hommes hétérosexuels et non hétérosexuels, de même qu’entre hommes et femmes. Pascoe (2005, 2007) reprend l’idée que l’ensemble des garçons est susceptible d’être interpelé par ce qu’elle désigne comme le discours «fag» [fag discourse], principalement sur la base de comportements de genre considérés comme non masculins. À la différence de Plummer cependant, elle ne le dissocie pas entièrement de l’orientation sexuelle ni n’exclut nommément la possibilité qu’il ait une portée sexiste. De plus, elle souligne l’importance de relever les modulations de son emploi selon le statut racisé des émetteurs et des destinataires en mettant en relief les différentes déclinaisons de la masculinité selon l’appartenance aux populations blanches ou afro-américaines. Si elle consacre une partie de son observation terrain à examiner les pratiques sexistes et hétéronormatives des jeunes garçons, elle les analyse en parallèle aux pratiques discursives «fag».

Martino (1999, 2000), Martino et Pallotta-Chiarolli (2003), ainsi que Nayak et Kehily (1996), ne centrent pas leurs analyses sur les sens et les usages de l’épithète «gai», mais en font une composante des rapports sociaux entre hommes dont ils étudient les divers codes. Relevant les associations persistantes entre l’ «efféminement» et l’homosexualité masculine, ils estiment que «gai» a une portée disciplinaire qui contribue non seulement à former les sujets hommes et hétérosexuels, mais également à reproduire la hiérarchie entre hommes au sein de laquelle les hommes gais et les hommes dits efféminés occupent des positions subalternes: «Nous pouvons voir que les hommes “faibles” sont définis comme “gais” pour consolider le pouvoir et le statut des autres hommes» (Nayak et Kehily, 1996: 220). 

Rares sont les auteurs-es qui vont au-delà des rapports sociaux entre hommes et affirment que les femmes font également partie des sujets indirectement impliqués par les emplois de «gai». Martino (1999, 2000) ainsi que Nayak et Kehily (1996) évoquent rapidement l’idée que les femmes constituent des sujets indirects de l’emploi de l’épithète en raison de sa dévalorisation du féminin, mais ils n’en font pas leur principal objet d’investigation. Dans des écrits antérieurs, nous avons fortement souligné les ressorts (hétéro)sexistes de «gai». Selon nous, bien qu’il cible particulièrement les hommes (soupçonnés d’être) gais et efféminés, il découle d’un découpage et d’une attribution des traits genrés en fonction d’une vision des sexes comme étant complémentaires, vision qui oriente les rapports hommes-femmes et cautionne la domination masculine (Bastien-Charlebois, 2009, 2011a). 

Notre conclusion diffère de celles de Plummer et Pascoe. Comment en arrivons-nous à des résultats différents, ou comment peut-on mieux cerner les sujets interpelés et touchés par l’emploi de l’épithète «gai»? Le commun appui que chaque auteur-e prend sur l’empirie pour comprendre cet emploi nous incite à porter notre attention sur les procédés méthodologiques et analytiques de chacun-e. Si nous adoptons tous une approche qualitative composée d’entrevues individuelles et de groupes semi-directives menées auprès de garçons adolescents, mais n’arrivons pas aux mêmes conclusions, c’est qu’il doit y avoir des différences dans les thématiques abordées de même que dans l’interprétation du matériau. Mobilisées dans cette analyse, les assises théoriques et conceptuelles sont alors également d’importance. Que nous nous concentrions sur les analyses de Plummer et Pascoe est motivé par le fait que ce sont les seuls auteurs à avoir tenté de saisir la portée sémantique et sociale des épithètes dans le milieu de la recherche anglophone, et parce qu’ils sont tous deux abondamment cités5Autant cela puisse-t-il surprendre, les écrits savants se référant à la gamme d’épithètes se concentrent surtout sur les effets qu’elles entraînent sur la construction identitaire et l’estime de soi, de même que sur les pratiques pédagogiques. Rares sont celles qui s’attardent sur les dimensions sémantiques et la portée sociale des sens déployés.. Nous entamons notre examen avec un bref exposé de notre propre démarche afin de situer l’origine des critiques que nous formulons aux démarches respectives de Plummer et Pascoe.

 

Un déploiement de l’(hétéro)sexisme

Notre propre recherche avait pour but de comprendre la diversité des attitudes des garçons adolescents à l’endroit des hommes gais, de même que les pratiques de l’épithète. Les emplois de «gai» y étaient un des thèmes abordés dans les entrevues semi-directives individuelles que nous avons menées auprès de garçons adolescents –toutes orientations sexuelles confondues (Bastien-Charlebois, 2009, 2010, 2011a). 

Notre cadre théorique et conceptuel s’appuie principalement sur celui développé par Rubin (1998) dans «L’économie politique du sexe», où elle établit un lien obligé entre l’oppression des femmes et celle de l’homosexualité. Les conditions de cette oppression sont: la production et la naturalisation des genres «hommes» et «femmes» pourvus de traits et compétences distincts respectivement masculins et féminins, puis complémentaires; la prescription du mariage hétérosexuel; l’hétérosexualité obligatoire; ainsi que la répression des homosexuels hommes et femmes. Prolongeant les réflexions anthropologiques de Lévi-Strauss sur l’échange des femmes entre groupes d’hommes et développant un cadre d’analyse qu’elle nommera «système sexe-genre», elle affirme: 

Les systèmes de parenté reposent sur le mariage [hétérosexuel]. Ils transforment donc des mâles et des femelles en «hommes» et «femmes», chaque catégorie étant une moitié incomplète qui ne peut trouver la plénitude que dans l’union avec l’autre […] Et ceci exige la répression: chez les hommes, de ce qui est la version locale (quelle qu’elle soit) des traits «féminins», chez les femmes, de ce qui est la définition locale (quelle qu’elle soit) des traits «masculins». (Rubin, 1998: 32)

Après avoir mis en relief l’exigence d’une distinction des traits propres aux femmes et aux hommes pour justifier la division du travail sexué et l’impératif de complémentarité des sexes, Rubin présente les implications que ceci comporte pour l’(homo)sexualité: 

Le genre n’est pas seulement l’identification à un sexe; il entraîne aussi que le désir sexuel soit orienté vers l’autre sexe. La division sexuelle du travail entre en jeu dans les deux aspects du genre –elle les crée homme et femme, et elle les crée hétérosexuels. Le refoulement de la composante homosexuelle de la sexualité humaine, avec son corollaire, l’oppression des homosexuels, est par conséquent un produit du même système qui, par ses règles et ses relations, opprime les femmes. (Rubin, 1998: 33)

Bien que les réseaux d’alliances entre hommes ne s’élaborent plus, dans notre société, à partir d’échanges de femmes entre groupes d’affinités, nous estimons que l’analyse de Rubin expose adéquatement les conditions et les ressorts de l’hétérosexisme6Pour une présentation détaillée de notre compréhension de l’hétérosexisme, voir Bastien-Charlebois (2011b).. Au-delà des groupes familiaux, les hommes bénéficient toujours globalement de la division sexuelle du travail, et donc des principes de complémentarité et de naturalisation des sexes sur laquelle elle repose7Problématiser la complémentarité des sexes ne signifie pas qu’on exclut d’office l’existence de hiérarchies intragenres. Tel que l’élaborent des auteurs comme Connell (1995) et Connell et Messerschmidt (2005), la hiérarchie intramasculine est un prolongement logique de la hiérarchie homme-femme. Loin de s’opposer, ces analyses peuvent s’arrimer..

Sur le plan méthodologique, nous avons découpé les entrevues que nous avons menées en thèmes permettant de faire ressortir les contrastes par le biais de la comparaison: les représentations des hommes «gais», les expériences interactives avec des hommes gais, les représentations des hommes et des femmes «normatifs», les sens et les usages de «gai». Nous avons de plus effectué les entrevues en étant sensible au possible biais de désirabilité. Sachant que la réprobation sociétale croissante des discriminations flagrantes pousse par moments l’expression de préjugés dans les retranchements de l’équivoque, du démenti et du compte rendu (account), à des déclinaisons de «je n’ai rien contre, mais …», (Brickell, 2001; Burridge, 2004; Hewitt et Stokes, 1975; Peel, 2001; van Dijk, 1992), nous estimions important d’effectuer des comparaisons intratextuelles au sein d’une même entrevue afin de relever les cohérences ou les contradictions internes. Et comme les participants s’exprimaient pendant environ une heure au sujet des hommes gais, il était possible de saisir avec nuance et précision les positions des jeunes participants au-delà de leurs premières affirmations de principe. 

Les jeunes que nous avons rencontrés ont certes accordé divers sens à «gai», mais l’associaient principalement à la faiblesse, aux comportements féminins, aux hommes gais, de même qu’à la stupidité. Étaient particulièrement décriés la faiblesse ainsi que les comportements «efféminés», considérés par moments comme artificiels et forcés. Or, au-delà des nuances initiales que plusieurs garçons avançaient en soulignant l’existence d’hommes homosexuels aux traits masculins, des affirmations subséquentes venaient les invalider. Ceux-là mêmes dissociaient force physique et hommes gais, qu’ils ne peuvent imaginer faire du sport de contact. L’efféminement devenait un signe pour reconnaître l’homosexualité, ou encore on le postulait comme nature profonde présente en chaque homme gai. Par ailleurs, les jeunes rencontrés pouvaient difficilement –sauf exception– s’imaginer cette force chez des femmes qui, même masculines, «se la jouent» ou deviennent sexuellement indésirables (Bastien-Charlebois, 2009, 2011a). 

Comme l’affirmation et la démonstration d’une puissance exclusivement masculine/mâle soutiennent le rapport de domination des hommes sur les femmes, tout travail disciplinaire du genre chez les hommes le sert. Malgré le fait que ces pratiques disciplinaires de l’épithète indiquent l’instabilité d’une distinction nette des sexes et des genres (Butler, 2006), la force avec laquelle on l’emploie rend la puissance plus visible que la faiblesse «féminine» qu’on s’applique à chasser des hommes. Les hommes non hétérosexuels, comme les femmes, ne sont peut-être pas (toujours) des sujets directement interpelés par l’épithète, mais ils et elles sont certainement touchés de façon marquée.

 

Un procédé non homophobe de consolidation identitaire masculine

Muni d’une lunette foucaldienne et adoptant l’approche de la théorie ancrée, Plummer (1999, 2001) a mené une série d’entrevues individuelles semi-directives auprès de jeunes hommes sur le thème de leurs expériences d’enfance, d’adolescence et de jeune adulte, de même que sur celui des comportements de leurs pairs. Cet auteur estime que l’utilisation des épithètes «gay», «fag» et «poofter» participe d’un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte chez les hommes, assuré par la construction et l’affirmation d’une masculinité normative. Il s’oppose aux analyses reliant l’homophobie à la misogynie et au sexisme, arguant que les significations de l’épithète ne se réfèrent pas systématiquement à ce qui est désigné comme «féminin» ou propre aux femmes. Empruntant une perspective développementale, il suit le parcours des sens de l’épithète selon l’âge des garçons qui l’utilisent. Il relève que pour qu’un garçon soit ciblé, il doit être associé aux critères suivants: agir comme un bébé, être doux, faible et timide, connaître une maturation lente, agir comme une fille, être studieux et intellectuel, être spécial, être artistique, avoir une apparence différente, ne pas être intégré dans la culture des pairs, être exclu ou solitaire, ne pas se conformer aux attentes des pairs, ne pas faire partie d’équipes sportives importantes, trop se conformer aux attentes des adultes aux dépens de la loyauté envers le groupe de pairs. Puis vient «l’orientation sexuelle?», qu’il ponctue lui-même d’un point d’interrogation pour souligner son doute quant à cette association. 

Comme il estime que plusieurs de ces traits ne correspondent pas à ceux attribués aux filles et qu’ils sont plutôt neutres et non masculins, il conclut que c’est d’abord la répudiation de «l’en-dehors» du masculin qui est à la source de l’«homophobie»: «homophobia has its early roots in boyhood otherness –specifically in being different from the collectively authorized expectations of male peers, in lacking stereotypically maculinity and/or in betraying peer group solidarity /  L’homophobie plonge ses racines précoces dans ce qui est «autre» aux garçons– ou, précisément dans le fait de différer des attentes collectives autorisées par les pairs (garçons) ainsi que dans celui de manquer de traits masculins stéréotypés ou de trahir la solidarité de ce groups de pairs» (Plummer, 2001: 21).  

Plummer ajoute que l’homophobie n’est pas qu’un «simple» préjugé envers les hommes gais, puisqu’elle tend à s’estomper une fois l’âge adulte atteint. S’il était strictement question d’une crainte viscérale de l’homosexualité, celle-ci croitrait lors de l’entrée dans l’âge adulte alors que les sorties du placard se font plus nombreuses: «if homophobia were predominantly an individual prejudice against homosexuals, then it would make sense for the intensity of homophobia to continue increasing as more young men declared their sexual orientation. / Si l’homophobie était principalement un préjugé individuel envers les homosexuels, il tomberait alors sous le sens que son intensité continue à s’accroître tandis que davantage de jeunes hommes déclarent leur orientation sexuelle» (22). Or, affirme-t-il, l’utilisation d’épithètes homophobes atteint des sommets lorsque la contestation de l’autorité scolaire par les groupes de pairs se fait la plus forte, c’est-à-dire à l’adolescence. L’homophobie appartiendrait donc d’abord à l’histoire développementale des garçons: 

However, rather than being constructed on an intergender boundary between masculine and feminine, homophobia marks an intragender boundary between masculine stereotypes and the male other […] Thus homophobia targets anything that signifies a lack of allegiance to the collective expectations of male peers –it is much more than heterosexism or a variant of misogyny or a simple prejudice against homosexuals. 

Cependant, plutôt que d’être construite sur une frontière entre le masculin et le féminin, l’homophobie marque une limite intragenre entre les stéréotypes masculins et les hommes «autres» […] Ainsi l’homophobie cible-t-elle tout ce qui sous-tend un manque d’allégeance aux attentes collectives des hommes –c’est beaucoup plus que de l’hétérosexisme ou une variante de la misogynie ou un simple préjugé contre les homosexuels. (Plummer, 2001: 21)

En formulant un lien accessoire entre l’homophobie et les préjugés individuels envers les personnes (hommes?) homosexuelles, tout en conservant le concept pour l’ancrer sur la régulation de frontières intragenres entre les hommes normatifs et les hommes «autres», Plummer effectue un détournement de sens. Or, malgré les limites de ce concept, il a été produit dans le but exprès d’ouvrir une problématisation des attitudes négatives envers les personnes (hommes) homosexuelles (Bastien- Charlebois, 2011b; Borillo, 2000)8Parmi les limites moins souvent nommées se trouve l’androcentrisme, tel qu’exposé par Chamberland et Lebreton (2012).. Tout recadrage exige donc minimalement de les conserver comme sujets sociaux premiers et le traitement négatif qu’ils subissent comme objet d’investigation.   

En fait, Plummer n’introduit que faiblement les différents concepts dont il désavoue plus tard la pertinence analytique. Constatant les désaccords autour de l’adéquation d’une étymologie d’«homophobie» fondée sur un élan psychologique passionnel, il refuse autant de s’en départir que d’en proposer une définition opératoire. En ce qui concerne l’hétérosexisme, il l’invalide avant même d’en exposer la portée, sous le motif que les dynamiques intergenres (hommes-femmes) qu’il met en relief ne rendraient compte ni des dynamiques intragenres, ni de la passion du rejet de certains hommes efféminés et gais, et qu’il centrerait indûment l’analyse sur la sexualité (1999: 9). La misogynie et le sexisme sont de leur côté absents de son cadre théorique et conceptuel initial. 

Lorsqu’on fait l’économie d’une exposition des concepts d’homophobie et d’hétérosexisme, le risque est grand de réduire «l’intensité de l’homophobie» aux comportements régulateurs des garçons ainsi qu’à leur utilisation régulière des épithètes «fag» et «poofter». On se dispense alors d’outils permettant de saisir l’étendue des comportements (hétéro)sexistes à l’adolescence et à l’âge adulte, puis d’y situer adéquatement les comportements spécifiques qu’on examine. Plummer fait d’ailleurs l’impasse sur le procédé par lequel il juge moins intenses certains comportements se manifestant à l’âge adulte alors que des hommes devenus citoyens de leur société peuvent soutenir tacitement ou proactivement des inégalités juridiques et sociales, rejeter des collègues de travail ou des proches, congédier des employés, inférioriser ponctuellement des personnes non hétérosexuelles devant leurs enfants, réguler le comportement de leurs enfants garçons afin qu’ils ne soient pas des «tapettes» ou rejeter ces enfants s’ils s’avèrent être non hétérosexuels-les.   

Sur le plan empirique, l’affirmation d’un lien accessoire entre les comportements régulateurs ayant cours chez les hommes et l’orientation non hétérosexuelle de certains d’entre eux s’opère sans examen préalable de ces deux dimensions. Plummer n’explore pas les représentations des hommes gais, et encore moins celles des femmes ou des comportements dits féminins. Pourtant, seule une démarche comparative aurait permis de statuer sur la présence ou l’absence de liens entre eux, sans compter la nécessité de réfléchir aux modes selon lesquels ils opèrent. De plus, on ne peut mettre à l’écart une portée (hétéro)sexiste à ces comportements régulateurs si on ne présente ni n’examine comment le sexisme agit sur les sujets femmes, si on ne présente pas les travaux et les réflexions de chercheures telles que Rubin (1998) établissant des liens entre les comportements régulateurs du genre et de la sexualité.  

S’il est juste que des comportements d’emblée non marqués comme féminins ou masculins sont désavoués à travers la régulation du genre chez les hommes, on ne peut s’abstenir d’en faire l’examen minutieux si l’on veut bien comprendre ce qu’ils signifient, ainsi que saisir leur portée. Certains des traits énumérés par Plummer sont évasifs: «agir comme un bébé», «avoir une apparence différente» et «ne pas se conformer aux attentes des pairs» ne signifient pas grand-chose. Qui plus est, ce qui déplaît en chacun d’eux demeure sans réponse. En quoi «être studieux et intellectuel» ou «connaître une maturation lente» ou «trop se conformer aux attentes des adultes aux dépens de la loyauté envers le groupe de pairs», pour ne nommer qu’eux, posent-ils problème? Martino (1999) et Nayak et Kehily (1996) offrent une réponse à certains de ces traits non approfondis à partir de leurs propres recherches empiriques auprès de garçons adolescents, nommément la conformité aux attentes des adultes, qui trahissent aux yeux des répondants une faiblesse et une soumission qui ne siéraient qu’aux femmes, les hommes devant plutôt affirmer force et contrôle. Avant de conclure à une absence de lien entre la tension intergenre où le féminin associé aux femmes est répudié et intragenre où l’orientation non hétérosexuelle est désavouée, il faut donc s’appliquer à comprendre ce que ces traits et comportements signifient pour les garçons les ayant nommés. Aller au bout de ces sens donne un portrait plus riche de la situation et offre de meilleures prises pour la théorisation. 

 

Une régulation du genre chez les garçons 

De son côté, Pascoe (2005, 2007) s’inspire de la pensée de Butler et de la théorie queer pour effectuer son analyse. Elle mobilise les concepts  de matrice hétérosexuelle de même que celui de position abjecte développés par Butler (2006, 2009), puis priorise l’hétéronormativité sur l’hétérosexisme et l’homophobie. Guidée également par l’approche de la théorie ancrée, elle a mené des observations en milieu scolaire, de même qu’une série d’entrevues individuelles semi-directives. Elle introduisait l’étude aux participants en affirmant «écrire un livre à propos des garçons», puis les questionnait sur «qu’est-ce qu’une tapette?» [«what is a fag?»]. Le thème examiné n’était pas l’identité gaie, mais le «fag-discourse» comme inscripteur de position abjecte.

Elle souligne le fait que des jeunes garçons insistent sur la dissociation entre «fag» et homosexuel et s’y rallie elle-même: «“tapette [fag]”’peut certes avoir plusieurs significations qui ne correspondent pas forcément à ses connotations d’insulte homophobe, mais existent plutôt à ses côtés. Certains garçons se sont appliqués à souligner que “tapette” n’avait pas de lien avec la sexualité / «“fag” does have multiple meanings which do not necessarily replace its connotations as a homophobic slur, but rather exist alongside. Some boys took pains to say that ‘fag’ is not about sexuality» (2005: 336)9L’objet de son étude est l’emploi du terme «fag», mais elle se réfère brièvement à celui de «gay». Le point commun principal entre les deux serait la référence aux pratiques de genre non masculines, mais l’auteure relève néanmoins des nuances: «gay» peut signifier stupide alors que ce ne serait pas le cas de «fag». De même, «gay» peut s’appliquer à des objets tandis que «fag» ne le peut pas.. Selon elle, «fag» est une insulte générique châtiant l’incompétence, la faiblesse et tout autre trait considéré comme impropre aux hommes. Elle se fie à la distinction effectuée entre ces significations et l’orientation homosexuelle, car certains jeunes garçons qu’elle a rencontrés n’associeraient pas nécessairement les hommes gais avec l’efféminement et sauraient «that they are not supposed to call homosexual boys “fag” because that is mean» / «qu’ils ne sont pas censés appeler les garçons homosexuels “tapette”, parce que c’est méchant» (2005: 342).

Son analyse des usages de «fag» l’amène à la conclusion qu’il n’est pas possible de confondre l’homophobie avec eux, bien qu’elle en soit une composante. Elle redoute les analyses superficielles qui, selon elle, seraient souvent faites de l’épithète, que l’on décrirait comme homophobe sans en étudier les éléments genrés: «homophobia is too facile a term with which to describe the deployment of «fag» as an epithet» / l’homophobie est un terme trop simpliste pour décrire de déploiement de l’épithète «tapette» (2005: 330)10Pascoe (2005) redoute qu’en se contentant de désigner l’utilisation de l’épithète «gai» comme insulte  «homophobe», on évacue sa dimension genrée et naturalise par le fait même son emploi par les garçons.. Cela pour les raisons suivantes: le terme peut être appliqué aux hommes gais, mais pas aux lesbiennes; il est presque exclusivement employé par des garçons et non par des filles; il dépasse les hommes gais et circule «telle une patate chaude» dans les interactions quotidiennes des garçons adolescents indépendamment de leur orientation sexuelle; et parce que ses significations varient selon les cultures11Chez les Blancs états-uniens, le soin apporté à la présentation de soi ainsi qu’un intérêt porté à la danse est susceptible de recueillir l’épithète «fag», mais ce n’est pas le cas chez les Noirs états-uniens pour qui le style, la propreté des vêtements et l’art de la danse sont finement cultivés.. L’épithète, affirme Pascoe, a une fonction disciplinaire s’appliquant aux comportements genrés des garçons: «“fag” may be used as a weapon with which to temporarily assert one’s masculinity by denying it to others» / «“tapette” peut être utilise comme une arme par laquelle on peut temporairement affirmer sa masculinité en niant celle des autres» (2005: 342). Rejoignant la perspective de Butler sur la production de positions inintelligibles et abjectes servant à asseoir un référent normatif, Pascoe (2005) présente le «fag» comme un «spectre menaçant» qui se situe hors de la masculinité, mais qui est instrumental dans la construction de celle-ci. Tout garçon peut devenir «fag» et doit constamment performer une masculinité référentielle pour y échapper: «The fag is an “abject” position, a position outside of masculinity that actually constitutes masculinity. Thus, masculinity, in part becomes the daily interactional work of repudiating the “threatening specter” of the fag» / «La tapette est une position “abjecte”, une position extérieure à la masculinité qui sert à la constituer. Par conséquent, la masculinité est en partie le travail interactif quotidien de répudiation du “spectre menaçant” de la tapette» (2005: 342). 

Le mérite de la démarche de Pascoe est de s’appuyer sur des analyses relevant déjà avec force les articulations du sexe, du genre et du désir. Au contraire de Plummer, elle ne porte pas avec elle un concept central laissé flou qu’elle déracinerait ensuite de sa visée heuristique. Cependant, elle ne précise pas ce qu’elle entend par homophobie, dont elle affirme à plusieurs reprises la déliaison d’avec le discours «fag». Tout au plus peut-on déduire de ses propos qu’elle l’associe aux attitudes négatives à l’endroit des personnes homosexuelles, autant femmes que hommes. En cette matière, la dimension principalement genrée de cette épithète occasionnellement destinée aux garçons non hétérosexuels est bien démontrée à travers le matériau que soumet Pascoe, soutenant ainsi la thèse de Butler selon laquelle le sexe, le genre et le désir ne peuvent être envisagés isolément, étant reliés à des réseaux d’intelligibilité ou d’inintelligibilité. Aussi ne peut-on effectivement pas réduire l’utilisation de cette épithète à la seule «homophobie» ou à des comportements négatifs à l’endroit d’une personne sur la base de son orientation sexuelle.

Nous remettons cependant en question la dissociation complète de l’orientation sexuelle de l’épithète lorsque les jeunes n’y font pas expressément allusion, car elle repose sur un raccourci méthodologique et interprétatif. Tout d’abord méthodologique, puisqu’on ne peut conclure que les comportements dits féminins ou efféminés chez les hommes sont dissociés de l’orientation sexuelle sans également examiner avec soin les représentations que se font les participants des hommes gais. L’absence de comparaison chez Plummer se répète chez Pascoe, qui n’a pas invité ses participants à développer leurs pensées sur ceux-ci. Par conséquent, elle n’a pour matériau sur les représentations que se font les garçons des hommes gais que ces quelques instances où ils les évoquent. Qui plus est, elle ne les examine pas avec la même rigueur critique qu’elle applique à d’autres dimensions de la recherche. C’est au pied de la lettre qu’elle prend les démentis de jeunes quant à la portée sémantique de l’épithète, leur assurance de savoir distinguer les hommes gais de l’efféminement, de même que leur défense de ne pas vouloir s’en prendre aux hommes gais car ils sauraient que «c’est méchant»12Le fait est d’autant plus étrange que Pascoe (2005) dépeint l’école qu’ils fréquentent comme étant particulièrement fermée à l’homosexualité, des élèves jusqu’aux administrateurs.. De la même manière, elle accepte sans réserve la profession d’une appréciation des lesbiennes chez ces garçons, écartant l’infériorisation que représente l’objectification qu’ils pratiquent à leur égard.

Nous n’affirmons pas en retour que les jeunes désirent forcément et délibérément cacher certaines choses, mais les pratiques de démentis ont été suffisamment analysées pour soulever un doute critique. Notre propre démarche de cueillette de données a mis à jour de fréquentes contradictions chez des participants qui professaient initialement une ouverture à l’endroit des hommes gais ou soutenaient reconnaître que l’orientation sexuelle et le genre sont des dimensions distinctes, mais qui émettaient plus tard quelques caractérisations négatives ou associaient hommes gais et efféminement (Bastien- Charlebois, 2009, 2011a, 2011b). Que ceci soit le résultat d’un biais de désirabilité ou l’expression d’un biais inconscient importe peu, ce qui compte est la permanence et la force du lien. Supposer que les hommes authentiques ne sont pas efféminés, mais que les hommes gais le sont tous au moins un peu, signifie que l’association entre le genre et l’orientation sexuelle est toujours là, même si elle n’est pas présente à l’esprit de la personne qui engage l’épithète.

 

Ces sujets que «gai» interpelle

Une sensibilité aux discours de justification répandus chez les membres de groupes dominants devrait éveiller nos réflexes critiques et nous inciter à creuser les réponses offertes. Au minimum, nous devrions par pur pragmatisme examiner tous les référents impliqués –ici par exemple, les épithètes «fag», «tapette», «poofter», «gai», d’une part, et les hommes gais de l’autre– avant de pouvoir établir des associations ou des dissociations entre eux. De la même manière, pouvoir conclure qu’une pratique (encore une fois, l’utilisation de l’épithète) entraine un effet quelconque (le développement identitaire des garçons, l’infériorisation des hommes gais, l’infériorisation des femmes), exige de définir clairement ces deux parties. Nous ne pouvons statuer si la gamme des épithètes que nous étudions concourt à l’homophobie, l’hétérosexisme ou le sexisme si nous ne déterminons ni ne justifions notre définition opérationnelle de ces formes d’oppression. 

Relever des liens «inavoués» entre une pratique et des effets infériorisants ne revient pas à présumer une malhonnêteté chez les sujets participants. Certains de ces liens ne sont simplement pas toujours présents à la conscience. De plus, qu’un sujet social ne soit pas nommé ni présent à la conscience ne signifie pas qu’il ne soit pas visé par certains propos que l’on tient. Nous pouvons le remarquer dans nombre d’autres situations, telles que ces occasions où des parents projettent sur de jeunes enfants de sexe différent un «petit couple» hétérosexuel, ou ces nombreuses fois où parents, proches et enseignants présumeront chez leurs élèves et étudiants une orientation hétérosexuelle. L’homosexualité pourrait ne jamais être interpelée directement dans chacune de ces instances, mais cela ne signifie pas qu’elle n’est pas impliquée. Attribuer des trajectoires exclusivement hétérosexuelles aux jeunes sous-tend une dévalorisation de la non-hétérosexualité, qu’on ne saurait envisager dans l’horizon des amours valides. 

Outre l’absence à la conscience, il y a aussi les tensions cognitives. S’il est vrai que les hommes gais sont davantage reconnus dans leur diversité et que plusieurs jeunes affirmeront qu’ils peuvent envisager des hommes gais masculins, cette représentation entre en conflit avec l’idée largement répandue selon laquelle hommes et femmes sont différents et, par destinée, complémentaires. 

Un élément manque cependant à l’ensemble de ces recherches, y compris la nôtre. On n’examine nulle part la portée du sens de «stupidité» souvent associé avec l’épithète «gai». Il conviendrait de solliciter quelques cas de figure où un jugement de stupidité est considéré comme valide. Dans un second temps, nous pourrions examiner en quoi l’épithète «gai» est plus intéressante que «stupide», qui décrit plus clairement la situation. Nous suggérons un dernier filon d’investigation, qui prendrait la pratique a contrario. Cela se traduirait par des interrogations sur l’attachement à l’épithète, notamment en explorant les raisons pour lesquelles le mot leur apparaît plus adéquat que les divers sens qu’il colporte.

Nous disposons néanmoins de suffisamment de matériau et d’analyses antérieures exposant les liens entre sexisme et hétérosexisme –ou entre le corps sexué, les identités et pratiques de genre, puis les sexualités– pour confirmer l’effet qu’entraînent ces épithètes sur les hommes non hétérosexuels et non conformes dans le genre, de même que sur les femmes hétérosexuelles et non hétérosexuelles, ainsi que non conformes dans le genre. Tous-tes bénéficieraient donc d’actions visant à contrer cette pratique régulatoire. Si l’on peut se questionner sur la valeur explicative d’une conclusion où tous les sujets humains, au final, sont touchés par une pratique, il faut cependant se garder de présumer qu’on projette une situation de symétrie du pouvoir. L’impact de cette pratique varie selon les appartenances sociales, appuyant le privilège de certains et vulnérabilisant la position d’autres. Tous-tes subissent certes une contrainte plus ou moins marquée, mais tous-tes n’y remportent pas les mêmes gains matériels et symboliques. Reste maintenant à cerner les effets différentiels. Pour ce projet, nous invitons à un élargissement de la réflexion sur la portée et des effets de cette épithète sur les personnes transidentifiées et intersex(ué)es. Les personnes assignées femmes et conservant cette assignation ne sont pas les seuls sujets touchés par l’hétérosexisme.

 

Références

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  • 1
    Nous tenons à remercier la personne qui a corrigé ce texte pour ses commentaires judicieux.
  • 2
    Les termes apparentés, au Québec, sont «tapette», «fif» et «moumoune», pour ne nommer qu’eux. Ils varient ensuite selon les espaces géographiques et les sphères linguistiques. La France connait «pédé», «pédale», «homo» et «tantouze»; les États-Unis et le Canada anglais, «fag», «faggot», et «gay»; la Grande-Bretagne et l’Australie: «poof» et «poofter». Pour alléger le texte, nous n’allons employer que l’acception «épithète gai» ou «gai» pour référer à ce conglomérat de termes, tout en étant consciente que certaines nuances peuvent exister entre eux. Nous retenons «gai» car il représente le terme le plus usité au Québec. Puis nous privilégions l’appellation «épithète», puisqu’elle inclut à la fois l’offense (insulte) et le «jeu».
  • 3
    Nous comprenons les distinctions corporelles « hommes » et «femmes» comme étant produites par la médecine. Celle-ci effectue également l’assignation initiale «garçon» et «fille», reprise ensuite par les multiples appareils sociaux régulateurs de la distinction. Nous nous joignons à la critique de cette vision dichotomique formulée par de nombreuses personnes féministes, transidentifiées ou intersex(ué)es, préférant une lecture approximative des corps qui soit réceptive à l’identification que privilégient les personnes elles-mêmes. Les études sur les pratiques de l’épithète —y compris la nôtre— ont toutefois présumé jusqu’ici l’absence de sujets transidentifiés et intersexués dans les interactions envisagées. Il a depuis été porté à notre connaissance lors d’échanges informels que des personnes ne s’identifiant pas comme hommes, mais étant perçues comme tels, peuvent être également ciblées.
  • 4
    Nous centrons notre analyse sur les sujets plutôt que sur les pratiques. Même si ce sont ces dernières qui sont soulignées lors de l’emploi des épithètes, c’est un statut de sujet qu’elles forment et ce sont des sujets qui en sont d’abord affectés.
  • 5
    Autant cela puisse-t-il surprendre, les écrits savants se référant à la gamme d’épithètes se concentrent surtout sur les effets qu’elles entraînent sur la construction identitaire et l’estime de soi, de même que sur les pratiques pédagogiques. Rares sont celles qui s’attardent sur les dimensions sémantiques et la portée sociale des sens déployés.
  • 6
    Pour une présentation détaillée de notre compréhension de l’hétérosexisme, voir Bastien-Charlebois (2011b).
  • 7
    Problématiser la complémentarité des sexes ne signifie pas qu’on exclut d’office l’existence de hiérarchies intragenres. Tel que l’élaborent des auteurs comme Connell (1995) et Connell et Messerschmidt (2005), la hiérarchie intramasculine est un prolongement logique de la hiérarchie homme-femme. Loin de s’opposer, ces analyses peuvent s’arrimer.
  • 8
    Parmi les limites moins souvent nommées se trouve l’androcentrisme, tel qu’exposé par Chamberland et Lebreton (2012).
  • 9
    L’objet de son étude est l’emploi du terme «fag», mais elle se réfère brièvement à celui de «gay». Le point commun principal entre les deux serait la référence aux pratiques de genre non masculines, mais l’auteure relève néanmoins des nuances: «gay» peut signifier stupide alors que ce ne serait pas le cas de «fag». De même, «gay» peut s’appliquer à des objets tandis que «fag» ne le peut pas.
  • 10
    Pascoe (2005) redoute qu’en se contentant de désigner l’utilisation de l’épithète «gai» comme insulte  «homophobe», on évacue sa dimension genrée et naturalise par le fait même son emploi par les garçons.
  • 11
    Chez les Blancs états-uniens, le soin apporté à la présentation de soi ainsi qu’un intérêt porté à la danse est susceptible de recueillir l’épithète «fag», mais ce n’est pas le cas chez les Noirs états-uniens pour qui le style, la propreté des vêtements et l’art de la danse sont finement cultivés.
  • 12
    Le fait est d’autant plus étrange que Pascoe (2005) dépeint l’école qu’ils fréquentent comme étant particulièrement fermée à l’homosexualité, des élèves jusqu’aux administrateurs.
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