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La Dernière nuit d’un damné

Julie Bramond
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Benaïssa, Slimane (2003), La dernière nuit d’un damné, Plon, Paris, 277p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

L’œuvre de Slimane Benaïssa évoque Raouf, un jeune américain, chercheur en informatique, de mère libanaise et de père égyptien, dont le quotidien va être bouleversé par une rencontre, celle d’Athmane. Raouf mène une vie d’occidental ordinaire : il travaille dans une entreprise d’informatique, vit avec sa fiancée Jenny et leur chien, et rend visite chaque semaine à sa mère récemment veuve. Sa vie bascule le jour où Athmane l’emmène écouter un prêche musulman. Raouf ressent le besoin de retrouver sa foi en l’Islam et voit en Athmane un guide spirituel auquel il voue une admiration sans limite, même s’il réfute quelques fois les idées de son ami. Petit à petit, Raouf s’éloigne de son entourage, quitte Jenny, ne donne plus de nouvelles à sa mère afin de se rapprocher d’Athmane et de Djamel qui l’aident sur le chemin de son repentir, officialisé par un imam lors d’une prière collective. Son repentir effectué et approuvé par sa nouvelle communauté, Raouf, choisi pour être martyr, s’isole avec cinq individus dans un lieu gardé secret. C’est ici qu’il prépare « l’action », comme ils la nomment : le détournement de trois avions. On assiste alors à l’embrigadement spirituel, physique et psychologique de Raouf qui règle les aspects techniques de « l’action » en utilisant son expérience professionnelle chez Boeing. Il suit cet entraînement pendant trois mois et au moment de monter dans l’avion, frappé d’une prise de conscience, il quitte l’aéroport. Il assiste aux événements devant la télévision, et décide de rentrer chez lui où la police l’attend. Jenny lui rend visite, au parloir, pour lui annoncer la mort de sa mère terrassée par ce qu’elle vient d’apprendre sur son fils par les médias.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Raouf est l’unique narrateur.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Les événements sont présentés à la fois de manière générale à la fin du roman lorsqu’ils sont retransmis à la télévision, mais aussi, et surtout, de manière particularisée lorsqu’il est question de l’organisation du détournement des avions par Raouf, Athmane et leurs camarades.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de manière particulièrement explicite quant au processus d’embrigadement des martyrs, de l’organisation des attentats mais aussi de leur retransmission à la télévision. Le point de vue sur la temporalité des événements est à la fois antérieur puisque Raouf fait partie de ceux qui organisent et mettent en place les attentats durant de longs mois, mais aussi immédiat, puisqu’ayant refusé au dernier moment de monter dans l’avion, il assiste aux événements qui sont retransmis en direct à la télévision.Sa réaction face à l’attentat contre les tours demeure intrigante. Il ressent tout d’abord une certaine fierté, non pas idéologique, mais purement scientifique, en constatant que ses calculs sont parfaits tant la rapidité et la précision de l’action sont grandes. Ensuite, de retour chez lui, Raouf s’effondre et ne peut s’empêcher de pleurer. On comprend rapidement que ce n’est pas de la tristesse, mais un soulagement, il semble se sentir libéré des contraintes qu’il avait à subir lors de son embrigadement, mais libéré aussi de ses responsabilité quant au déroulement des attentats.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le point de vue sur les événements est tout à fait intéressant puisqu’il change en fonction du cheminement spirituel du narrateur. Tout d’abord occidental et assez éloigné de la religion, le point de vue du narrateur change alors que Raouf commence à voir en l’Amérique un ennemi de l’Islam, ce qui le pousse à s’impliquer davantage dans l’organisation des attentats. Le point de vue change une seconde fois à la fin du roman où le narrateur refuse de commettre ce qui est prévu et quitte subitement l’aéroport. C’est avec une grande tristesse, et coupable, qu’il assiste aux événements devant la télévision.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son présent.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Les textes religieux apparaissent clairement dans le texte ainsi que les prêches des imams (recours notamment aux caractères gras, italiques ainsi qu’aux retraits).

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Un attentat, c’est l’explosion finale d’un processus préparé et mené longtemps à l’avance. Un attentat, c’est un crime, avec des auteurs et un mobile.Les auteurs ? Ils ne se connaissaient pas forcément au départ.Le mobile ? Voilà le point commun qui les réunit et justifie leur acte.C’est ainsi que Raouf, un jeune Américain d’origine libano-égyptienne, chercheur en informatique, Athmane, un Palestinien concepteur de logiciels, et Djamel, un prince koweïtien, tous trois rattachés à la même grosse entreprise américaine, se rencontrent, se lient d’amitié et entrent dans une aventure sinistre au bout de laquelle la mort attend.Trois ans de préparation sont pour les conjurés une sorte de voyage initiatique, religieux et spirituel, technique et scientifique, à la recherche de leur vérité, en vue de l'” action ” finale. Enfin tout est au point. Mais au jour dit, l’un d’eux ne montera pas dans l’avion : Raouf, dont ce roman constitue le douloureux témoignage.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

A mon regretté Frère Mohamed. A ma mère… qui disait :

– J’espère partir avant vous, si vous partiez avant moi ma douleur serait impossible…

– Même si je mourais en héros ?

– Tu serais un héros pour ceux qui t’auraient poussé à la mort, pas pour celle qui t’a donné la vie.

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=16688http://m.marianne2.fr/index.php?action=article&numero=43273 [La page n’est plus accessible.]

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Benaïssa parvient particulièrement bien à présenter le thème de l’embrigadement spirituel et tente d’y trouver des raisons. Le fait que Raouf soit informaticien demeure essentiel à l’intrigue puisqu’il permet de rationaliser ce qui a souvent été qualifié d’acte irrationnel. En effet, ce type d’embrigadement pose un certain nombre d’interrogations dans le sens où Raouf mène une vie occidentale, est américain, a fait de hautes études et est parfaitement intégré dans sa société. L’auteur semble donc insister sur les causes de son embrigadement et surtout sur son échec. Un échec qui suscite aussi des questions, car Raouf décide de ne pas monter dans l’avion pour des raisons davantages personnelles qu’idéologiques. En effet à aucun moment Raouf ne remet en cause les idées qu’on lui a inculquées pendant plusieurs mois, en revanche, il réprouve la manière dont son embrigadement s’est effectué (interdiction de parler avec ses camarades, port de la cagoule). C’est enfin sur le plan religieux, qu’il s’oppose au groupe terroriste dont il a fait partie, en évoquant notamment la question du suicide qu’il pense être une décision trop grande pour un humain, une décision qui devrait être laissée, selon lui, à Dieu.Cette œuvre s’éloigne sensiblement des processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre en l’ancrant dans une société contemporaine proche du lecteur et en tentant de rationaliser un maximum les actes et pensées de Raouf. Enfin les passages religieux demeurent très intéressants, puisqu’au contact de l’idéologie de certains personnages, la religion parvient à trouver des arguments forts et justifie la nécessité de ces actes. On peut d’ailleurs y voir une certaine volonté critique de l’auteur qui tente de démystifier l’islam afin de davantage mettre en exergue l’usage dangereux qui peut être fait de la religion quelle qu’elle soit.Enfin, la description du cheminement spirituel du narrateur est particulièrement riche et permet de comprendre un tel cheminement vers une telle idéologie.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

“Ma mémoire est encore silence. Je ne sais plus. Je crois que l’islam, sur la planète, est aussi dans cet état. Après au nom de Dieu, la mémoire se tait…et chacun parle à sa manière. Chacun remplit ce silence de son angoisse, de ses peurs, de ses vengeances. Le jour où cette mémoire parlera, l’islam reprendra sa route vers des chemins meilleurs.” (p. 257)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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