Entrée de carnet

Gazouillis urbains

Benoit Bordeleau
couverture
Article paru dans Délinéaires (2009), sous la responsabilité de Laboratoire NT2 (2009)

Le dimanche 5 juillet, un article de Marie Lechner sur le site Écrans.fr titrait T’es foutu, Twitter est dans la rue. Si Twitter est présentement célébré par les uns et boudé par les autres, le collectif d’artistes en ligne We love the Net (Albertine Meunier, Jérôme Alexandre et Cornelius Reed) a ouvert une porte intéressante à la création en proposant un « mashup » de Google Street View et Twitter : Stweet.

Le principe est simple : l’internaute est invité à choisir la ville de son choix (photographiée de fond en comble par l’équipe de Google Street View). Sont ensuite affichés dans le coin supérieur droit de la fenêtre de navigation des tweets qui sont géolocalisés de façon approximative grâce aux adresses IP des utilisateurs. À chaque nouveau tweet, la page est rafraîchie. Évidemment, la chose n’est pas encore tout à fait au point et le rechargement de la page tarde souvent à se faire. D’autre part, les villes qui ne sont pas encore référencées par Google Street View ne bénéficient pas du point de vue à 360° et doivent se contenter pour l’instant de la maintenant traditionnelle vue à vol d’oiseau de Google Maps.

Malgré ces broutilles, Stweet a comme force de proposer une nouvelle lecture de l’espace urbain actuel en combinant archives photographiques et échanges textuels en temps réel en plus d’une réflexion sur la surveillance des utilisateurs du Web qui se flattent de leur liberté d’expression : les tweets pouvant être localisés, cette liberté prend une nouvelle tournure. Prenons exemple sur ce tweet, saisi au vol ce matin vers 9 h 39 :

« Tinaster
less than a minute ago
“ Good morning good thing my neighbors at work ( my boss and some annoying white guy are on vaca so it will peaceful bad thing- I hate premier ”
W 36th St 368
New York, NY, United States »

D’autres tweets prennent toutefois un air plus poétique :

« redw0rm
less than a minute ago
“ Full moon hanging like a Chinese lantern over South SF hills to my right. Pale pre-dawn photonic hype over the bay to my left. ”
Parnassus Ave 266
San Francisco »

La ville à l’ère du numérique appelle de nouveaux types de cartographies qui ne peuvent plus éclipser la présence humaine. Si on peut se promener dans l’œuvre du collectif We love the net un peu à la manière du flâneur, attrapant ici et là des bribes de la ville qu’il parcourt, Stweet pose l’internaute devant le fait que la ville est, au-delà d’un texte – pour reprendre la métaphore tant de fois rebattue – un entrelacement de réseaux, à la fois vécu sur le mode de l’appréhension physique et virtuelle. Peut-être y a-t-il lieu de se questionner davantage sur la conjonction de la matière de la ville et de ces courants invisibles, qui la sillonnent et changent son visage en douce.

Visiter Stweet à l’adresse: http://www.we-love-the.net/Stweet/.

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