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Fahrenheit 9/11

Marc-André Noël
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Moore, Michael (2004), Fahrenheit 9/11, États-Unis, 117 min.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Michael Moore présente, sur un ton humoristique, sa vision des événements ayant conduit aux attentats du 11 septembre 2001, et dresse un portrait des retombées socio-économiques et politiques de ceux-ci sur la nation américaine. Blâmant directement l’administration Bush, le documentariste élabore la thèse voulant que les attentats du 11 septembre 2001 doivent être imputés à l’incompétence et la négligence du 43e président américain. À travers une série d’entrevues avec des spécialistes en matière de contre-terrorisme, de politique et d’économie, Michael Moore soutient que les attentats du 11 septembre 2001 ont servi les intérêts de la famille Bush, en leur permettant d’exercer une emprise sur les pays pétroliers du Moyen-Orient – guerre contre l’Afghanistan et l’Irak –, tout en s’assurant de l’appui de la population américaine à travers une campagne de terreur.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Film documentaire.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Le film est riche en ce qu’il exploite chacune des matières d’expression cinématographique, soit l’image : film, vidéo, photos (les terroristes et les victimes), images traitées numériquement (The Magnificent Seven pour le segment sur la guerre en Afghanistan); les bruits (dans la « reconstitution » de l’attentat contre les tours jumelles), les dialogues (entrevues « sérieuses » avec les spécialistes (ex-agent du FBI, membre du congrès américain, journaliste), entretiens « empathiques » avec des victimes de l’attentat contre le World Trade Center (épouses de personnes disparues, mère d’un soldat mort en Irak), entretiens avec des gens sans implication directe et immédiate avec les attentats (des jeunes sur le point de s’enrôler dans l’armée); mentions écrites (documents officiels falsifiés, articles de journaux, sous-titres venant contredire les propos d’une personne interviewée); musique originale empathique et musique populaire.

Il y a d’abord une narration en voix-off (parole texte) qui commente les images de manière humoristique, et qui correspond au point de vue de Michael Moore. Malgré la polyphonie de l’œuvre — extraits de bulletins de nouvelles, de reportages télévisés (discours du président Bush, du sénat, «vox populi», etc.), de vidéos d’archives montées en séquence The Coallition of the Willing, etc. —, c’est la vision du documentariste ressort du lot.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique mais avec une représentation auditive des attentats contre les tours jumelles du World Trade Center.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

La représentation filmique se limite aux attentats perpétrés contre le World Trade Center. Ils ne sont toutefois pas présentés visuellement mais par le biais d’un montage et d’une reconstitution sonore : il y a représentation à travers le bruitage des avions qui percutent les tours jumelles, sur fond d’écran noir. La représentation suit la logique des événements (d’abord un avion, la réaction, puis le second avion). Aux explosions se mélangent les cris des témoins de la scène, les commentaires, le bruit des sirènes des voitures de police, des ambulances, des camions de pompiers. Il s’agit d’une image en creux, qui place le spectateur en position acousmatique, pour reprendre les concepts développés par Michel Chion. Le visuel intervient par la suite, sous la forme d’un montage de plans montrant la réaction des témoins (reaction shot) dans la rue, puis des images poétiques, avec ralentis et musique empathique, des papiers et débris dans les airs.

Moyens de transport représentés: Ne s’applique pas.

Moyens de communication représentés: Michael Moore remet en question la pertinence et le traitement de l’information, à la fois par l’administration Bush et par les chaînes de télévision. Le réseau FOX semble le plus visé par la critique.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Les événements du 11 septembre sont présentés du point de vue d’un cinéaste américain.

Le documentariste a un collègue de travail décédé des suites de l’effondrement des tours jumelles.

Les événements sont abordés d’un point de vue politique, et donc collectif.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Musique originale empathique et musique populaire comme contrepoint sonore ironique. Bruitage pour reproduire les attentats.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte? Ne s’applique pas. Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

« Dans ce film le plus provocant de l’année, le récipiendaire d’un OscarMD, Michael Moore (2002, Meilleur documentaire, Bowling à Columbine) porte un regard sévère sur le rôle de l’argent et du pétrole à la veille des événements tragiques du 11 septembre. Michael Moore rassemble des documents fascinants et troublants, des entrevues accablantes, en dosant le tout de son humour particulier et satirique. »

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«This film is dedicated to : Michael Pedersen, Brett Petriken and all the soldiers from the Flint area who have died in the Iraq War Bill Weems, and the 2,973 who died on 9/11901 and the countless thousands who have died in Afghanistan and Iraq as a result of our actions »

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Impact de l’œuvre

Aux États-Unis, le lancement du film a ranimé le débat sur le caractère arbitraire des «cotes» distribuées par la MPAA concernant l’âge minimal d’admission du public. L’association avait attribué la cote «R» (pour «Restricted»), selon laquelle tout spectateur âgé de 17 ans et moins devait obligatoirement être accompagnée d’un adulte pour voir le film.

Le film a remporté la Palme d’or au festival international du film de Cannes ; le jury était présidé cette fois par Quentin Tarantino, lequel a affirmé défendre ce choix sur des critères de «qualité cinématographique» et non des critères politiques.

«La société mère de Miramax (la société de production du film), Disney, a utilisé une clause du contrat liant les deux sociétés pour empêcher la distribution du film. La clause utilisée permet à Disney de refuser de distribuer un film si ce dernier dépasse le budget ou s’il a un contenu pouvant être censuré (trop violent, ou sexuellement explicite). Les responsables de Miramax ont déclaré que cette clause ne s’appliquait pas pour Fahrenheit 9/11.
Selon une source non officielle de Disney, il semblerait que cela soit plus un problème d’image de marque. Disney a peur de s’aliéner un groupe de personnes en distribuant un film très politique juste avant le début de la campagne électorale pour la Maison Blanche.
De son côté, Michael Moore pense que le refus de Disney est plus d’ordre financier. Disney a en effet pu avoir des aides financières de la Floride pour son parc d’attraction. Et le fait que Disney autorise la distribution risquerait de compromettre l’accord. Il est également à noter que le gouverneur de Floride est Jeb Bush, le frère de George W. Bush.

Le film a finalement été distribué aux USA par une joint-venture entre Lion’s Gate, IFC Films et le Fellowship Adventure Group, une société créée pour l’occasion par les dirigeants de Miramax.

Le film a connu un succès très important dès sa sortie aux États-Unis. Il a recueilli plus de 60 millions de dollars en deux semaines. Michael Moore a dit lui-même qu’il était très surpris par le succès du film.»

(Source: Wikipédia, https://web.archive.org/web/20070109053529/http://fr.wikipedia.org/wiki/Fahrenheit_9/11 [Page consultée le 11 août 2023]

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Le film se concentre essentiellement sur les dessous des événements ayant menés aux attentats du 11 septembre 2001. Il participerait davantage à la mythification politique des événements qu’à leur fictionnalisation, dans la ligne des oeuvres portant sur les complots politiques et les théories de la conspiration.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

I felt like a, like I was in a Hollywood movie where I was from some futuristic society going back in time, killing poor people in a third world country. That’s how I feel.» (témoignage d’Abdul Henderson dans le film)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Ajout de Jean-Philippe Gravel: Bien qu’il s’agisse d’un film documentaire, la mise en scène de Fahrenheit 9/11 n’est pas étrangère à un processus de fictionnalisation des attentats du 11 septembre et de la guerre en Irak. L’un des procédés favoris de l’humour de Moore (qui fait surtout rire jaune), consiste par exemple à utiliser des musiques populaires comme contrepoint sonore ironique aux scènes qu’elles accompagnent. La scène la plus mémorable et la plus représentative du lot est probablement celle où un convoi de marines fait une descente brutale dans la maison d’une famille irakienne le jour de noël, semant la panique et la confusion : les images sont montées sur la musique de Frank Sinatra, chantant gaiement «Santa Claus is Coming To Town».

Le film fait aussi grand cas du personnage de Lila Lipscomb, une travailleuse sociale de Flint (ville natale de Moore) s’identifiant comme une «américaine pure souche». Le film nous présente pas à pas son petit univers professionnel et familial jusqu’à ce qu’elle reçoive la nouvelle de la mort de son fils en Irak. Bien que le film présente cet événement comme s’il s’était déroulé de manière imprévue pendant le tournage, au moins un reporter (Étienne Truchot, de «Sans Frontières» ; Robert Lévesque le rapporte au Ici dans son article «La pleureuse de Flint», téléchargeable à l’adresse http://vdedaj.club.fr/cuba/bulletin/CSP034.pdf [Cette page n’est plus accessible]) a mis en doute cette version des faits et supposé que l’histoire très soigneusement construite de Lila Lipscomb, ex-défenderesse de l’effort de «libération» américain métamorphosée par la suite en anti-militariste allant pleurer la mort de son fils en face de la maison blanche, avait été entièrement «rejouée» par Lipscomb pour le bénéfice du film, lequel fait reposer une bonne partie de sa tension dramatique sur cette histoire. Dans pareil cas, on peut effectivement penser que la facture documentaire du film résulte en fait d’un amalgame de procédés dont certains se rapprochent davantage de la fiction et de la reconstitution dramatisée.

Par ailleurs, le magazine en ligne IndieWire avance que «Michael Moore’s new film is a hybrid, mixing documentary techniques with the entertainment value of a reality TV show, or more precisely a satirical comedy cable news broadcast.»
(https://web.archive.org/web/20080830042507/http://www.indiewire.com:80/people/people_040624moore.html [Page consultée le 11 août 2023])

Une définition qui paraît assez juste.

Affiche / pochette du film

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