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Fabrique de l’invention: les archives de «La chèvre» (1953-1957) de Francis Ponge
Comment Ponge a-t-il écrit «La chèvre»? L’étude du dossier génétique permet-elle d’approfondir et d’enrichir la lecture du texte définitif? Comment la génétique peut-elle rendre compte des mouvements de l’invention scripturale à partir de l’analyse des «croquis, ébauches[s], lambeau[x] d’études» conservés dans les archives de «La chèvre»? Voici quelques-unes des questions qui sous-tendent notre réflexion. Procéder à l’analyse génétique de «La chèvre», c’est avant-tout observer la «régénération» constante de l’écriture de Ponge qui reprend et renouvelle sans cesse les formulations poétiques.
Si «La chèvre» constitue un objet d’analyse privilégié pour la génétique, cela tient d’ abord à la richesse du dossier manuscrit conservé dans les Archives Francis Ponge, mais également à la place que le texte occupe au sein de l’oeuvre. À ce propos, mentionnons qu’il clôt le recueil Pièces, troisième et dernier tome du Grand recueil publié en 1961; qu’il s’ouvre par un exergue tiré du poème amoureux «Pour Alexandre» de Malherbe et une dédicace à Odette, la femme de Ponge, qui fait basculer le texte dans un registre plus personnel, voire intime. Par ailleurs, «La chèvre» constitue en quelque sorte un texte charnière ou encore, selon Bernard Beugnot, un «testament» et un «art poétique».