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Ex Machina

Gabriel Tremblay-Gaudette
couverture
Article paru dans Bandes dessinées et romans graphiques, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée:

Vaughan, Brian K., Tony Harris. 2004-2010. Ex Machina. New York: DC Comics, 50 numéros.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Ex Machina est une série de bandes dessinées publiée dans la collection Wildstorm de l’éditeur DC Comics. La série suit les péripéties de Mitchell Hundred, ingénieur civil qui acquiert des capacités extraordinaires alors qu’il tente de déloger un objet mystérieux attaché au Brooklyn Bridge. La déflagration lors de l’explosion de cet objet manipulé par Hundred atteint le côté gauche de sa tête et lui greffe instantanément des implants cybernétiques lui conférant la possibilité de « communiquer » avec les machines. Ses capacités extraordinaires lui permettant de contrôler tout appareil muni de dispositifs mécaniques ou électroniques l’incitent à brièvement se convertir en super-héros. Oeuvrant sous le nom de cape de The Great Machine, Hundred se révèle plutôt malhabile comme justicier masqué, causant autant de torts que de bien par ses actions. Il prend sa retraite de son métier de superhéros en dévoilant son identité au grand public et décide de briguer la mairie de New York, et remporte l’élection de justesse à la surprise générale (on peut spéculer quant au fait qu’il ait manipulé les résultats grâce à ses capacités). Hundred reprend du service à titre de Great Machine lors des attentats du 11 septembre 2001 et parvient de justesse à détourner le deuxième avion qui voulait percuter la tour Sud du World Trade Center. Son action héroïque lors des attentats lui vaut pendant un certain moment un appui inconditionnel de la part de la population, ce qui lui permet de prendre des décisions controversées à titre de maire. L’épilogue de la série dévoile que Hundred entre à la Maison-Blanche en 2008 à titre de vice-président sous les ordres de John McCain.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Ex Machina est une bande dessinée américaine « traditionnelle » au plan formel, avec une mise en page et un découpage qui rappelle la production commerciale de bandes dessinées de super-héros. L’insistance sur les tractations politiques de Hundred et de son entourage politique plutôt que sur ses prouesses de super-héros rend cependant la série peu orthodoxe au plan du contenu.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Ex Machina fait un usage judicieux de chronologies intercalaires complexe, suivant le protagoniste in media res en 2004 lors du début de la série et employant allègrement les flashbacks afin de dévoiler des informations sur le passé de Hundred et de ses acolytes. Les attentats du 11 septembre jouant un rôle capital dans la vie politique de Hundred à titre de maire, le récit effectue des retours fréquents et parcellaires à cette journée fatidique tout au long de la série.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée, car, dans l’univers diégétique parallèle d’Ex Machina, l’une des deux tours a été préservée de la destruction terroriste; New York a été assiégée, mais les dégâts ont été moins importants que dans la réalité. Un peu comme dans notre univers, la population et les intervenants d’urgence se rangent massivement derrière le maire, qui a su faire preuve d’initiative et de courage devant les événements; toutefois, l’instrumentalisation des attentats afin de gagner des bénéfices politiques prend une forme différente, puisque Mitchel Hundred, le maire du New York d’Ex Machina, utilise son capital afin de prendre des décisions de politique municipale, contrairement au président Georges W. Bush qui a lui pris des décisions au plan national (par exemple le Patriot Act) et international (les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak).

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite, mais à petites doses. Quelques fragments de la journée sont disséminés au cours de la série à raison de quelques cases s’insérant dans le récit principal. La dispersion des fragments des événements du 11 septembre dans l’ensemble de la série fait en sorte que le lecteur ne peut former que graduellement et de manière incomplète un portrait du déroulement de la journée. Au final, l’important est plutôt l’acte de sauvetage effectué par The Great Machine que la manière exacte dont il a procédé pour détourner le vol du deuxième avion en direction du World Trade Center.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Tel qu’expliqué plus haut, Hundred est extrêmement lié aux événements du 11 septembre, à la fois à titre de super-héros (puisque c’est grâce à ses pouvoirs qu’il a pu empêcher la destruction complète du World Trade Center) et à titre de maire (puisqu’il jouit d’un grand appui de la population en vertu de son acte héroïque).

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Non.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

La question ne s’applique pas puisqu’il s’agit d’une bande dessinée. Toutefois, l’une des couvertures originales d’un des comic books de la série (illustration principale du compte-rendu) associe visuellement le visage de Hundred avec les décombres d’une des tours du WTC, très présente dans l’iconographie du 11 septembre 2001. Cette habile superposition du personnage principal et d’un motif graphique récurrent dans les rétrospectives photographies des attaques démontre toute l’importance des événements pour le personnage.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Ex Machina is an American creator-owned comic book series created by Brian K. Vaughan1[Consultée le 9 août 2023] and Tony Harris2[Consultée le 9 août 2023], and published by DC Comics under the Wildstorm3[Consultée le 9 août] imprint.

The series details the life of Mitchell Hundred (also known as The Great Machine), the world’s first and only superhero, who, in the wake of his actions on 9/114[Consultée le 9 août 2023], is elected Mayor of New York City. The story is set during Hundred’s term in office, and interwoven with flashbacks to his past as the Great Machine. Through this, the series explores both the political situations Hundred finds himself in, and the mysteries surrounding his superpowers.

Source : https://web.archive.org/web/20101014022305/http://dc.wikia.com/wiki/Ex_Machina_Vol_1 [Consultée le 9 août 2023]

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu Aucune. Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

La série a reçu un accueil favorable de la critique et du public.

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

La série Ex Machina est une oeuvre difficile à classer. Elle critique la portée effective du travail de super-héros à plusieurs reprises par la mise en scène de situations où les interventions de The Great Machine, mues par de bonnes intentions, occasionnent des dommages collatéraux importants, mais elle fait l’éloge des super-héros lorsque ce même justicier incompétent parvient à sauver la vie de milliers de personnes en enrayant partiellement les attaques terroristes du 11 septembre 2001. En exposant les jeux de couloirs et d’influence de la politique, la série affecte un certain cynisme face aux processus démocratiques et décisionnels du monde de la politique municipale et des liens qu’elle entretient avec le gouvernement national, mais le maire de New York, Mitchell Hundred, veut d’abord et avant tout le meilleur pour ses concitoyens, et tous les compromis et tractations qu’il effectue dans l’exercice de ses fonctions visent en fin de compte le bien commun. Les ambiguïtés sont légion dans l’univers imaginé par les artistes Brian K. Vaughan et Tony Harris.

Il en va de même pour ce qui est de la représentation, éminemment fictive, des attentats du 11 septembre. La destruction totale a été évitée de justesse, mais le geste de Hundred est converti en capital de sympathie qu’il n’hésite pas à employer à l’occasion lors de moments de tension politique. Il est assez facile de faire le lien entre la reprise des événements du 11 septembre par Hundred et l’exploitation de la tragédie par Georges W. Bush afin d’accentuer le contrôle sur sa population et les invasions de pays étrangers au nom d’une cause présentée comme juste et valable. Comme, dans l’univers d’Ex Machina, le lecteur, conscient des motivations du maire de New York, peut passer outre sa réaction de cynisme face à la reprise instrumentalisée d’une attaque terroriste en vertu des intentions internes du politicien, on peut penser que la série voudrait par analogie nous amener à croire en un bienfondé de la part du président Bush fils. Rien n’est moins certain, en raison de l’ambiguïté morale qui règne sur la série.

Au final, Ex Machina utilise un univers parallèle fantaisiste afin d’interroger les dimensions politiques de l’après-11 septembre de manière complexe et intelligente. Il n’y a rien de dogmatique ou d’un moraliste unidirectionnel dans le traitement des événements du 11 septembre et de leur reprise. Évidemment, la série ne se concentre pas que sur le 11 septembre et ses répercussions : les intrigues politiques et policières sont nombreuses dans cette longue série dont la publication s’est étalée sur six ans. L’une des forces de l’écriture de Vaughan tient dans sa capacité à enchaîner les retournements de situation, qui nous amènent à reconsidérer nos opinions initiales à propos d’une crise politique quelconque. En ceci, ExMachina met en place les cadres d’une réflexion personnelle des plus intéressantes face aux répercussions politiques réelles des attentats du 11 septembre, en essayant de nous éloigner de deux réactions instinctives un peu faciles, soit le cynisme absolu et l’absolution complète. La réalité complexe de l’univers de fiction d’Ex Machina reflète la réalité non moins complexe de notre propre monde.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

Lors d’un épisode de la série où les auteurs, le scénariste Brian K. Vaughan et le dessinateur Tony Harris, se mettent en scène dans leur univers diégétique à titre de personnages, Vaughan discute avec Hundred et lui raconte son expérience personnelle des attentats. Vaughan décrit comment il a assisté à la disparition de la tour du sommet de son immeuble par la métaphore suivante : « Like a cigarette ashing itself out ». Cette métaphore éloquente n’a jamais été utilisée auparavant (du moins à ma connaissance).

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Couverture du livre

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