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Bok!: The 9.11 Crisis in Political Cartoons

Gabriel Tremblay-Gaudette
couverture
Article paru dans Bandes dessinées et romans graphiques, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Bok, Chip (2002), Bok! The 9.11 Crisis in Political Cartoons, Arkon (OH), University of Arkon Press, 109p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Bok! The 9.11 Crisis in Political Cartoons est un recueil des caricatures de Chip Bok, prolifique et éminent caricaturiste américain reconnu pour sa verve, son humour politique acerbe, son trait court et fouillé, ainsi que sa capacité à disséquer rapidement les événements d’actualité afin d’en dénoncer les invraisemblances. Les caricatures compilées dans ce recueil couvrent une période allant du 12 septembre 2001 jusqu’au 23 mai 2002, et sont accompagnées de paragraphes explicatifs de Bok, qui servent soit à rappeler le contexte des caricatures lorsque celles-ci ont trait à des événements d’actualité bien précis, soit à fournir des explications sur les intentions derrière la caricature. L’évolution de la position de Bok par rapport aux événements du 11 septembre et à ses conséquences politiques à mesure que le temps passe est manifeste dans la succession des caricatures.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Le recueil est composé de caricatures accompagnées de paragraphes explicatifs, ainsi que d’une courte introduction écrite par l’auteur en mars 2002. Il importe ici de préciser que le terme «caricature» est employé comme traduction du terme anglais «cartoon» qui désigne un gag humoristique tenant en une seule case, qu’il soit politique ou non. En français, la caricature (soit le grossissement des traits des personnes représentées) a une définition plus précise et qui ne s’applique pas nécessairement à un dessin (la caricature peut aussi être textuelle). Le terme sera donc ici employé comme un équivalent du «cartoon» anglais.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Le caricaturiste offre son point de vue personnel sur chacune des caricatures incluses dans le recueil.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Les deux caricatures qui présentent directement les événements abordent les attaques de manière très différente. La première, datant du 12 septembre, place côte à côté des représentations de Pearl Harbor sous les bombes et de Manhattan après l’effondrement des tours (p.9). Cette analogie entre les deux attaques en territoire américain a été relevée par de nombreux observateurs et ne constitue pas le plus grand élan d’originalité de Bok, mais il faut dire à sa décharge que bien peu de caricaturistes étaient réellement inspirés au lendemain des attaques. La deuxième représentation des attentats, datée du 20 septembre, est plus travaillée et originale. Un sol plat présenté en coupe latérale est creusé de cratères de plus en plus profonds, et pour chaque cratère, un panneau indique un attentat (le World Trade Center en 1993, l’ambassade américaine au Kenya en 1998, le U.S.S. Cole en 2000). Le trou qui représente les attentats du 11 septembre est si vaste et profond qu’on n’en voit pas le fond. Un personnage, considérant la profondeur de ce trou, déclare: «I never saw it coming» (p.15). Cette manière de présenter les attentats de manière métaphorique permet d’en rendre toute l’ampleur et la gravité en comparaison des attaques terroristes du passé sans avoir recours à l’image des avions percutant les tours. De plus, le fait que le personnage tourne le dos aux cratères représentant les attentats précédents laisse aussi entendre que l’attaque n’était pas aussi imprévisible que l’affirme le personnage. Aussi, un rappel des événements du vol United 93 est fait par la caricature du 14 octobre, où l’on voit un groupe de personnes à proximité de la porte du cockpit d’un avion assaillir un passager innocent sorti de la porte des toilettes, pendant qu’une hôtesse de l’air leur souligne leur méprise en leur disant «Wrong door, folks». Hormis ces caricatures, les événements ne sont pas évoqués ou représentés ailleurs dans le recueil.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Il est important de considérer la proximité temporelle entre les événements et les deux caricatures mentionnées dans la section précédente. En produisant des caricatures dans un délai aussi rapide, Bok ne pouvait pas avoir une attitude nostalgique ou critique. À preuve, le rappel d’un événement historique précédent semble être la seule manière pour Bok de considérer les attaques, comme si aborder les événements de front n’était pas encore possible, et la deuxième caricature citée traduit l’incrédulité du peuple américain, qui «n’a jamais vu venir» ce dur coup asséné contre l’un de leurs symboles capitalistes les plus éclatants.

Les moyens de transport ne sont pas directement présentés. Dans la caricature du 12 septembre, les avions ont depuis un moment déjà disparu dans les entrailles des tours, et la caricature du 20 septembre ne présente aucun moyen de transport.

Les médias ne sont pas mentionnés dans les caricatures en lien direct avec les attentats, mais la télévision, le téléphone, le courrier (dans l’épisode des lettres à l’anthrax) et le journal sont présents dans l’une ou l’autre des caricatures.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Comme le veut la tradition de la caricature politique, aucun personnage récurrent ne se retrouve dans la majorité des caricatures du recueil. Des Afghans et des Américains génériques sont présents afin d’incarner la voix du peuple, et George W. Bush aussi bien que Ben Laden font plusieurs apparitions. Des acteurs politiques américains importants (Ari Fleischer, porte-parole de la Maison-Blanche au moment des événements, Colin Powell, Donald Rumsfeld) ainsi que des journalistes connus (Larry King et Geraldo Rivera) font aussi des apparitions uniques, ainsi que Saddam Hussein, Ariel Sharon et Yasser Arafat. Ces personnalités connues incarnent toutes un discours particulier (politique, diplomatique, médiatique). Les événements ne sont pas considérés d’un point de vue individuel dans les caricatures: même les quelques cas où des personnes s’expriment en leur propre nom doivent être compris dans un contexte plus large afin de saisir le message que Bok véhicule à travers les acteurs politiques qu’il convoque par son dessin.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucune attention particulière n’est portée à la représentation des sons dans le recueil, à la seule exception d’une caricature où un terroriste bardé de couteaux se fait intercepter aux douanes après avoir activé un détecteur de métal, ce qui amène une douanière à demander au terroriste de vider ses poches (7 novembre 2001, p.46). La caricature est accompagnée du texte suivant: «A jumpy nation was hardly calmed by reports of passengers absent-mindedly boarding planes carrying guns and knives while airport security confiscated their fingernail clippers». Ici, les opomatopées servent à indiquer l’incompétence du personnel de sécurité des aéroports, apparemment indifférent au son du détecteur de métal ou pire, conscient de l’alarme mais incapable de réaliser la raison de son déclenchement.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Le lettrage de Chip Bok est assez constant pour qu’on n’y porte plus attention avant la fin de la lecture du recueil. Toutefois, le dernier dessin du recueil, réalisé spécialement pour celui-ci, affiche en gros caractère les deux mots THE END dans un alignement vertical, et dans une taille de caractère plus petite, à la suite du THE, est inscrit «re is no», ce qui, lu dans l’ordre, forme la phrase «there is no end». Ce jeu sur la taille des lettres produit un rappel cynique que la guerre au terrorisme ne peut pas davantage être gagnée que la guerre au passage du temps.

Autres aspects à intégrer

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Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Has the world changed since September 11, 2001? It has for at least one band of subversive operatives who scheme in the shadows to ambush politicians. I’m speaking, of course, of the small yet poorly organized cells of individuals who take advantage of the freedoms this nation provides in order to carry out their roles as political cartoonists. I’m one of them and this is my story. I’ve operated inside these borders for many years, confounding immigration officials by the simple yet elegant strategy of being born here.

The primary targets of my drawing have always been the leaders of my own government from city council to Congress to the president. That’s what cartoonists do and that’s what the public expects of us. But what happens when an enemy force attacks the government, not with sarcasm and satire, but with commercial aircraft loaded with jet fuel, and destroys national landmarks in New York City and Washington D.C., killing thousands of people? In the immediate aftermath of the September 11 attack a lot of things changed, and I felt like one of them was my job description. No more mucking around with Gary Condit. The social security lock box was now a dead issue. And while it was tempting to make something of the president’s disappearing act in Air Force One on that day, it’s tough to attack the commander-in-chief when the United States itself has just been attacked. This book contains a collection of my cartoons from that day forward.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

What do we owe to the victims of the attack? What do we owe to the families of the soldiers who die in combat because of the attack? Should there be a limit to the war on terrorism? What should be done with the terrorists? And what about our allies? They say we are arrogant and that we do what we want in the world without consideration for others. This is also what the terrorists say. Wy don’t our allies attack us? Should Israel be our ally? Did our friendship with Israel cause us to be attacked? What is it with radical Islam and what is it with the U.S. shadow government? How come all our other friends in the Mideast are undemocratic and why don’t they do something for the Palestinians? Will the terrorists «nuke» us if they get the chance? Couldn’t this all be settled through conflict resolution facilitated by your company’s human resource director?

These important questions are taken up by politicians every day, making prime subject matter for political cartoonists. We’ve moved way beyond the stunned first days of weeping Statues of Liberty and comparisons to Pearl Harbor. The best way to honor the common people and heroes lost that day, and since, is with the lively debate, complete with satire and sarcasm, that gives life to the democracy they died for.

This book contains a collection of my cartoons from that day forward. I hope you find them seriously funny (p.8)

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Aucune dédicace

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Aucune critique du recueil n’est disponible en ligne. On peut cependant trouver des courtes entrevues accordées par Bok à propos de son recueil (Entrevue de Sara Rymensnyder avec Chip Bok)

En 2006, BBC news a demandé à 6 personnes si le monde avait changé après le 11 septembre 2001. Chip Bok est l’une de ces 6 personnes, vous pouvez consulter sa réponse à l’adresse suivante

Impact de l’œuvre

Compte tenu de l’impossibilité de trouver une critique du recueil en ligne, il y a fort à parier que l’œuvre est passée sous silence lors de sa publication et que son impact n’aura été que très minimal.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Chip Bok est un cartoonist d’expérience dont la priorité est de faire rire son lectorat, non de refléter ses positions idéologiques et politiques dans une dénonciation abusive des instances du pouvoir. Même s’il n’hésite pas à malmener l’image des têtes dirigeantes des États-Unis lorsque celles-ci dérapent, il ne pratique pas un acharnement vigoureux contre les figures d’autorité qui feraient de lui un agitateur davantage qu’un commentateur éditorialiste utilisant la caricature afin de transmettre ses idées. Ces nombreuses qualités que l’on reconnaît à Bok font en sorte que son recueil de caricatures sur le 11 septembre et ses suites se démarque comme l’un des plus pertinents de ce genre journalistique. Les généreux commentaires offerts pour chaque caricature permettent de mieux comprendre les enjeux soulevés par l’auteur. Toutefois, ce qui se révèle le plus intéressant en regard du processus de fictionnalisation du 11 septembre est que l’on peut constater une évolution dans son opinion face aux événements grâce à la présentation chronologique des caricatures. L’émotion ressentie peu après les événements lui a d’abord coupé l’inspiration (sa caricature du 12 septembre est navrante de banalité), puis l’a amené à manifester un patriotisme jamais aussi apparent que dans la caricature du 17 septembre 2001, où deux talibans sont terrifiés lorsqu’ils réalisent qu’ils sont attaqués non pas par des militaires mais bien par des pompiers new-yorkais (p.13). Ce même patriotisme est cependant un peu ridiculisé dans la caricature du lendemain, qui présente un vendeur de drapeau des États-Unis affirmant que l’économie est en bon état, malgré la chute du Dow Jones et du NYSE (p.14). La caricature du 2 octobre, où Ari Fleischer indique que le taux d’approbation de 90 % du président Bush signifie qu’il reste 10% de la population à débusquer, indique que Bok a suffisamment repris le contrôle sur ses émotions pour recommencer à dénoncer le président et sa campagne du «vous êtes avec ou contre nous» (p.25). Comme il n’y a pas vraiment de mise en récit des événements dans le recueil, cette œuvre ne contribue pas au processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre dans la même mesure que des œuvres narratives plus longues, comme un roman, un film ou un roman graphique, peuvent le faire. Néanmoins, la recension de l’évolution chronologique de l’artiste face aux événements se révèle un excellent complément d’analyse, qui serait des plus pertinents pour un chercheur intéressé à la question de la transformation d’opinion des artistes avec le passage du temps.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«We oughta bomb these terrorists back to the dark ages»

«They’re already there»

Texte explicatif: «The enemy seemed to be some sort of primitive medieval force, which made it all the more stunning that they could use our technology against us so effectively.» (p.10)

«I was no different from the average American who felt a loss of security and wondered what was coming next. I also shared enough blissful ignorance with my fellow Americans to be surprised and irritated by the cheering crowds of Palestinians. I had been aware that a lot of people in the rest of the world resent American power. But when they said they hate America I assumed they meant it the way Americans outside New York meant it when they said they hate the Yankees. Not many Yankees haters would kill themselves just to hurt Georges Steinbrenner. In fact, the effects of the September 11 attacks were so great that many of those same people loved the Yankees that October» (p.6)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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