Article d'une publication

9-11: Artists Respond Volume 1

Gabriel Tremblay-Gaudette
couverture
Article paru dans Bandes dessinées et romans graphiques, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Eisner, Wil; Russel, Craig P. 2002. 9-11: Artists Respond Volume 1, Milwaukie: Dark Horse, 196p.

    

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

À peine quelques mois après les événements du 11 septembre, l’éditeur américain de bandes dessinées Dark Horse a fait paraître 9-11: Artists Respond Volume 1, une anthologie regroupant des courts récits et des illustrations de plus d’une centaines d’artistes travaillant dans ce médium. Les récits d’auteurs reconnus comme Frank Miller et Alan Moore cohabitent avec ceux de dessinateurs débutants et de noms connus de la bande dessinée alternative américaine. Les événements sont représentés de plusieurs points de vue, aussi bien dans une perspective historique plus large que dans l’intimité d’un salon de Harlem. Les hommages aux victimes côtoient les commentaires à teneur politique et les illustrations figuratives représentant les tours disparues.

   

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

À l’exception d’un court texte de trois paragraphes de Will Eisner et d’un récit en prose illustré de Dean Motter, tous les récits sont présentés sous forme de bande dessinée. Quelques artistes ont également collaboré au recueil en offrant une illustration de la taille d’une page complète.

   

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

De nombreuses modalités énonciatives sont employées dans les récits: narration à la première personne, narration omnisciente, monologue, récit muet, images abstraites, témoignages et hommages aux disparus se côtoient dans les pages du recueil.

   

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Le 11 septembre est présenté à la fois de manière générique et particularisée. Bien que ce soient principalement les attaques sur les tours jumelles qui aient retenu l’attention des artistes, un des strips de R. Sikoryak met en scène un personnage qui affirme qu’il aurait agi de la même manière que les passagers du vol United 93 et le récit de John Snyder, intitulé A View from D.C., considère les événements du point de vue de la capitale américaine. Les explosions lors de l’impact des avions contre les tours, la fuite chaotique des travailleurs du World Trade Center, le travail de rescousse dans les décombres, les colonnes de fumée et le vide laissé par la disparition des tours sont représentés tour à tour dans les récits.

   

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont presque toujours présentés directement, quelquefois par le biais de personnages se trouvant à Manhattan lors des attaques, mais plus généralement grâce à des personnages qui regardent les chaînes d’information télévisuelle peu après les attaques et pendant les jours suivants. Quelques récits rétrospectifs et anticipatifs ont été composés par certains artistes. Puisque les récits ont été produits quelques mois seulement après les événements, la plupart des artistes sont encore sous le choc des images spectaculaires qu’ils ont vues et l’attitude qui est mentionnée est en grande majorité une incrédulité face aux événements. La crainte que le gouvernement américain ne se lance dans des représailles est exprimée dans certains récits. Par contre, pour d’autres, un souhait d’unité et de rapprochement entre les cultures est émis afin d’empêcher qu’un tel drame ne se reproduise.

   

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Les personnages n’ont pas un même rapport avec les événements. Certains récits mettent en scène le travail des pompiers, ambulanciers, policiers et soldats ayant participé au travail de sauvetage des survivants alors que d’autres présentent des victimes ensevelies sous les décombres ou encore des membres de la famille d’une des victimes des attentats. Cependant, une partie des artistes ont opté pour un récit autobiographique des événements et racontent donc “leur” 11 septembre de manière intimiste. Certains confessent avoir eu du mal à composer avec la situation, d’autres considèrent que leur rôle à jouer dans cette tragédie est de permettre une certaine catharsis aux lecteurs de la meilleure manière qu’ils connaissent, soit en créant.

   

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Les onomatopées, qui sont pourtant si typiques en bande dessinée, sont ici employées avec parcimonie par les artistes. Aucune onomatopée d’explosion n’est employée lors de la représentation des attaques, dans une sorte de pudeur qui permet aux événements de ne pas être considérés plus pour leur aspect spectaculaire que pour leurs conséquences dramatiques. Les sons les plus représentés sont les “klik” associés à l’emploi de la télécommande et les “ring” tant attendus d’un téléphone qui sonne pour que des personnages puissent s’assurer que des êtres chers vont bien.

   

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Le lettrage manuel et le lettrage informatisé sont employés dans une proportion à peu près égale. Les lettrages informatisés sont réalisés à partir de polices très différentes en apparence et qui tentent de reproduire un lettrage manuel.

   

Autres aspects à intégrer

Une exception particulièrement marquante aux tendances d’incrédulité et d’espoir qui traversent le recueil est la contribution de Frank Miller. Son récit de 2 pages ne contient que trois cases réalisées dans un style graphique simple et un peu brouillon qui confère une grande charge émotive à l’ensemble. La première case présente une étoile sur laquelle se trouve un espace récitatif dans lequel est écrit “I’m sick of flags”. La deuxième case ressemble beaucoup à la première sauf que cette fois le texte “I’m sick of God” est inscrit sur une croix. La troisième case fait une page pleine; des parcelles de décombres se détachent d’un fond noir et le seul texte de la page est la phrase “I’ve seen the power of faith”. Cette réaction de colère vive détonne au milieu d’un recueil qui s’attarde plutôt au travail des “héros” afin de retrouver les survivants, à la difficulté d’accepter les événements ou de les expliquer à un enfant, et à l’espoir de pouvoir rebâtir un monde meilleur dans un futur rapproché.

   

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

“From an unprecedented coalition of publishers and creative talentscomes a collection of stories showcasting artist’s responses to the terro that befell the world on September 11, 2001. Both a stark exploration of grief and a vivid celebration of life, 9-11 is unlike any sequential art you’ve ever experienced.”

   

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Il est à noter que les artistes et les éditeurs ayant collaboré à ce volume avaient comme intention première de mettre l’ouvrage en vente afin de pouvoir amasser des fonds pour les organisations caritatives apportant du soutien aux familles des victimes du 11 septembre.

La quatrième de couverture présente cette information ainsi: “Publishers will donate all proceeds from 9-11 volumes 1 and 2 to aid the victims and communities affected”.

La dernière page du recueil contient la dédicace aux victimes des attentats et offre des précisions sur la démarche caritative derrière le volume:

“All of the creative talents in this volume have donated their effort, as have the suppliers, printer, and distributors of the book. All of the proceeds from the sale of this book will be donated to organizations for the benefit and relief of the victims of the September 11, 2001 attacks on America, their families, and affected communities, including:

New York State World Trade Center Relief Fund

Survivors Fund of the National Campaign Region

The September 11th Fund of the New York Community Trust and the United Way of the New York City

Twin Towers Fund”

    

Citer la dédicace, s’il y a lieu

“This volume is dedicated with sympathy and respect to the victims of the September 11th attacks.”

   

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Le premier volume de 9-11 Artists Respond avait été classé en 4e place du top 10 comix du Time Magazine en 2002. La critique complète est disponible ici.

      

Impact de l’œuvre

9-11 Artists Respond: Vol 1 n’a pas remporté de prix ou de distinctions particulières et n’a pas été réédité.

    

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Compte tenu du grand nombre de collaborateurs ayant participé au recueil, 9-11 Artists Respond Vol. 1 est l’un des ouvrages en bande dessinée les plus intéressants du point de vue de la fictionnalisation et de la mythification des événements du 11 septembre. La grande variété d’approches narratives, textuelles et graphiques employées dans le volume permet de présenter la catastrophe d’après de nombreux points de vue et multiplie les stratégies de représentation pour arriver à écrire sur l’indescriptible et à dessiner l’inconcevable. La proximité temporelle des événements a certes empêché les artistes de se donner une perspective large de la situation et ceci explique en partie la prédominance du témoignage dans les récits, mais cela permet au lecteur d’identifier les similitudes dans les réactions des personnages face aux événements. Aussi, puisque les bédéistes inclus dans le volume 1 ont une pratique artistique plus sérieuse que leurs collègues qui dessinent des super-héros, le traitement des événements est fait avec une plus grande rigueur et tend moins vers la fantaisie que les récits contenus dans le deuxième volume.

   

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

“As I grew older and accumulated memories, I came to feel more keenly about the disapearances of people and landmarks. Especially troubling to me was the callous removal of buildings. I felt that, somehow, they had a kind of soul.

I know now that these structures, barnacled with laughter and stained by tears, are more than lifeless edifices. It cannot be that having been part of life, they did not somehow absorb the radiation from human interaction.

And I wonder what is left behind when a building is torn down.”

— Will Eisner (page 102)

“Like everyone else, I spent most of the next two days staring at the TV in disbelief.

The world had suddently changed.

For the worse.

Nothing would ever be the same again.”

— Bryan Talbot (page 97)

   

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

N/A

   

Couverture du livre

Ce site fait partie de l'outil Encodage.