Article d'une publication

9/11

Jean-Philippe Gravel
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Naudet, Jules; Naudet, Gédéon; Hanlon, James. 2002. 9/11. États-Unis, 112 min.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Depuis mai 2001, les frères Jules et Gédéon Naudet, réalisateurs d’origine française, sont à New-York dans le but de tourner un documentaire sur la formation d’une recrue du corps des pompiers. Le «probie» élu pour la cause, Tony Benetado, fraîchement intégré à l’une des casernes du «downtown» new yorkais, devrait être le sujet de ce récit de formation anticipé, mais le mois d’aout 2001 ne voit pas d’incendie conséquent pour éprouver le courage du jeune homme.Tout change le matin du 11 septembre, quand Jules Naudet accompagne un camion dépêché dans le Lower Manhattan pour réparer une fuite de gaz. C’est durant l’exécution de cette manœuvre banale qu’il capte ce qui demeurera l’une des seules images connues de la frappe du premier avion, dans la tour nord du World Trade Center. Aspiré par les événements, Jules Naudet se retrouve coincé dans le lobby de la tour 1 avec l’escouade de «Chief Pfeifer», filmant les efforts des pompiers à concevoir une stratégie de sauvetage dans la confusion générale.Pendant ce temps, Gédéon Naudet se lance à la recherche de son frère, redoutant le pire, tandis que Tony Benetado quitte la caserne où il était de garde pour se fondre dans la mêlée. Les retrouvailles éventuelles des deux frères succèdent au retour au bercail des pompiers de la caserne, ayant tous «miraculeusement» survécu, avant de repartir pour un second tour sur le site de ce qui sera devenu «ground zero».

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Film documentaire.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La narration est à voix et à points de vue multiples. La présence de deux caméramans sur les lieux favorise, naturellement, l’exploitation soutenue du montage alterné, d’autant plus que, fait rarissime, l’un des deux caméramans est longtemps coincé à l’intérieur des tours et se trouve donc en état de mettre sur vidéo ce qui sera sans doute les dernières images du World Trade Center à être ainsi captées de l’intérieur.La narration off est polyphonique. James Hanlon, l’un des coréalisateurs du film, assure le point de vue rétrospectif d’un narrateur non-impliqué, auquel s’ajoutent les témoignages de Jules et Gédéon Naudet ainsi que d’une dizaine de pompiers diversement impliqués dans les événements. Malgré ce concert de voix, l’effet obtenu est celui d’une narration continue et homogène, visant la complémentarité et non la confrontation des points de vue. Des extraits sonores de reportages et d’actualités — du matinal bulletin-météo d’une journée qui s’annonce encore comme les autres à l’allocution belliqueuse du président Bush — assurent le suivi chronologique des événements et, par bribes, leur contextualisation historique.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée, centrée sur les tours jumelles du World Trade Center, ses environs du Lower Manhattan, et le site de Ground Zero. La caméra de Jules Naudet capte la frappe du premier avion : par la suite, Jules Naudet passe un temps considérable dans le lobby de la tour nord pendant l’évacuation et révèle éventuellement le paysage dévasté, apocalyptique, de «ground zero» à la suite de l’effondrement de la seconde tour. Ne pouvant trop s’approcher du site, Gédéon Naudet capte les réactions paniquées des témoins de l’attentat; la similarité de ses images avec celles des films-catastrophe compilées par Michal Kosakowski dans Just Like The Movies [Cette page n’est plus accessible] étant ici particulièrement digne de mention.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Oui. Jules Naudet serait l’un des seuls caméramans connus à avoir capté des images de l’impact du premier avion dans la tour nord. On touche ici la source et le contexte d’une image que les actualités et la plupart des documentaires commémoratifs reprendront abondamment par la suite. Mais ce n’est pas l’unique donnée inédite à nous être fournie par ce que Jules Naudet a filmé, puisqu’il s’est aussi retrouvé à l’intérieur de la tour nord avant qu’elle ne s’effondre. Pour un événement aussi abondamment filmé — d’autres documentaires compilant les archives d’une centaine de sources — , les images captées par Jules Naudet demeurent donc parmi les seules à documenter les événements de l’intérieur. Il s’agit sans aucun doute de la particularité majeure de la représentation qu’offre 9/11 des événements.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Les protagonistes majeurs sont bien sûr Jules et Gédéon Naudet, principaux narrateurs impliqués du film, et leur «sujet», Tony, la recrue ; tous sont, bien sûr, à la fois témoins et acteurs des événements. La transition de l’un à l’autre structure le film en trois volets complémentaires qui reposent sur des situations narratives relativement typées. Pour Tony, il s’agit d’un récit de formation ; son «baptême de feu» signe son passage initiatique à l’âge d’homme comme au statut (convoité par lui) de héros. Les déambulations de Gédéon Naudet dans la panique new-yorkaise et l’échappée in extremis de son frère Jules hors de la tour nord se présentent comme une double-quête : celle de Gédéon à retrouver son frère, celle de Jules pour s’en sortir vivant, etc. Le tout, bien sûr, vécu caméra en mains, ce qui leur donne à part égale le statut de témoins et de participants.L’équipe des pompiers du Fire Engine 1, Ladder 7 constitue un personnage en soi, d’où émergent quelques figures typées, «héroïques», tel le personnage de «Chief Byrnes», chef d’escouade à la retraite qui, appelé d’urgence pour prêter main forte, fait escale à la caserne, libère Tony de ses obligations de gardien pour l’emmener éprouver sa bravoure sur les lieux du carnage.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Le film est entièrement soutenu par un commentaire-off à voix multiples (voir 1-d). La bande-son se permet quelques touches de musique extra-diégétique à caractère dramatique, spécialement au début et à la fin. En guise de conclusion, l’édition DVD commémorative se flanque d’une interprétation solennelle de «Danny Boy» sur fond de photographies de pompiers disparus à Ground Zero. La description du quotidien des pompiers durant le premier acte — avant les attentats — est parfois ponctuée de chansons populaires extra- et intra-diégétiques (cf. : radio).Les éléments sonores les plus percutants relèvent évidemment de la prise de son directe : ce sont les bruits (sirènes, apostrophes paniquées et brouhaha général) d’une ville en état de siège. À l’intérieur de la tour, les cris humains, les explosions, le fracas de la chute des corps et même le bruit de l’effondrement de la première tour donnent une présence sans équivoque à des réalités que la caméra de Naudet préfère maintenir hors de son cadre. La bande-son, cependant, aurait été partiellement nettoyée de ces bruits pour en atténuer l’insoutenabilité dramatique.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Non.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«On the morning of september 11, 2001, brothers Jules and Gédéon Naudet were working on a documentary about a rookie New York city firegfighter. Hearing a roar in the sky, Jules turned his camera upward—just to see the only existing image of the first plane crashing into the World Trade Center. In a fateful instant, Jules and Gedeon became eyewitnesses to the most shocking and defining moment of our time.With cameras rolling, the Naudets followed NYC firefighters into the heart of what would be known as Ground Zero. What emerged is an unforgettably powerful visual document and a stirring tribute to real-life heroes who, in the city’s darkest hour, rose to extraordinary acts of courage and compassion.»

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Aucune intention connue à ce jour (4/8/08)

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«This film is dedicated to all those who lost their lives in the attacks on september 11, 2001. Let us never forget.»

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

https://web.archive.org/web/20070114135045/http://www.horschamp.qc.ca/article.php3?id_article=81 [Page consultée le 11 août] (sans doute l’analyse la plus pertinente et la plus substantielle des stratégies de mise en scène et de dramatisation déployées par le film.)http://muse.jhu.edu/login?uri=/journals/canadian_review_of_american_studies/v037/37.2craps.pdf [Cette page n’est plus accessible] (site payant. Court extrait présenté gratuitement) https://web.archive.org/web/20080306222844/http://mediacircus.net/911.html [Page consultée le 11 août 2023]

https://web.archive.org/web/20080306183521/http://www.celluloidheroreviews.com/2007/09/07/9-11/ [Page consultée 11 août 2023]

https://web.archive.org/web/20080513083044/http://www.dvdmg.com/911.shtml [Page consultée le 11 août 2023]

https://web.archive.org/web/20050116091213/http://www.epinions.com/content_102391647876 [Page consultée le 11 août 2023]

https://web.archive.org/web/20080108020509/http://911foreknowledge.com/staged.htm [Page consultée le 11 août 2023] (article aux accents de théorie de conspiration, doutant de l’authenticité du film)

https://web.archive.org/web/20080112045938/http://www.media-criticism.com/Naudet_Brothers_09_2004.html [Page consultée le 11 août 2023] (article dans la même veine que le précédent)

https://web.archive.org/web/20080406034020///fr.wikipedia.org/wiki/New_York_:_11_septembre [Page consultée le 11 août 2023]

Impact de l’œuvre

Diffusé une première fois sur CBS 7 mois après le 11 septembre, et rediffusé internationalement, devant une audience de plusieurs millions de téléspectateurs, 911 a gagné plusieurs prix :* 2002 : 2 Emmy Awards.* 2002 : German Television Awards, catégorie : meilleur programme international.* 2003 : Peabody Award* 2003 : Satellite Awards, spécial DVD humanitaire* 2003 : Writers Guild of America, WGA Award (source : Wikipédia.)

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

L’œuvre s’avère à cet égard hautement pertinente, saisissant sur le vif un événement qui allait amorcer, historiquement, un virage paradigmatique de première importance. Le lecteur se reportera au texte d’André Habib, «Terrains battus : reconquête fictionnelle ou dommages au réel » (https://web.archive.org/web/20070114135045/http://www.horschamp.qc.ca/article.php3?id_article=81 [Page consultée le 11 août 2023]) pour relever la tension qui œuvre ici entre, d’une part, la relation d’un événement tragique qui se veut assez vive pour soutenir une impression de réalisme et de captation directe, et, d’autre part, la «domestication» de ce «moment de vérité» par la rhétorique fictionnalisante qui l’enrobe et court-circuite en partie son impact traumatique : adoption d’une structure dramatique en trois actes, motif de la quête, typage héroïque des personnages, orientation didactique du commentaire off, épuration de la bande-son, etc. Comme pour la plupart des documentaires grand public (notamment ceux de Michael Moore), la captation d’un événement d’une telle portée met en question les rapports de l’image avec la vérité et accuse particulièrement la porosité, la fausse opposition, de ce qui se classe hâtivement sous l’appellation de fiction ou de documentaire.Remarquons, pour finir, comment le film permet d’observer la rapidité avec laquelle se cristalliseront quelques tendances majeures du discours portant sur les attentats et ses suites. Si, à ce titre, la première frappe est d’abord cause d’une grande confusion, la seconde précise l’enjeu : «this is war!» (répète Tony médusé devant le téléviseur de la caserne). Les extraits de bulletins radiophoniques suivent ce même mouvement, de l’incapacité à nommer l’événement à la reconnaissance d’un acte terroriste diaboliquement orchestré, l’annonce éventuelle de l’attentat contre le Pentagone confirmant cette idée. L’éveil patriotique de la ferveur guerrière, bien sûr, est également symbolisé par l’indignation outrée de Tony, qui se dira plus tard prêt à tuer si sa patrie le lui demande.La scène des retrouvailles à la caserne, où les pompiers échangent leurs impressions sur ce qu’ils ont vu, est fertile sur ce point. L’analogie avec les films catastrophe abonde, naturellement, mais la poignée de pompiers qui comparent la façon dont les tours se sont effondrées à un «travail de démolition» («it was just like demolition work!») ignorent sans doute le bel avenir que connaîtra cette analogie chez les «théoriciens de la conspiration» pour qui les tours n’auraient pu s’effondrer si rapidement, de haut en bas, sans le secours de quelques explosifs installés à même la structure des bâtiments.Ainsi commence le bruit de fond de l’interprétation sur fond d’indétermination du sens.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«I look back to last summer and, it doesn’t just seem like a different time. It seems like a different world».«Je voulais être un pompier pour sauver des vies, pas pour en enlever. Mais après ce que j’ai vu le 11 septembre, si mon pays me demandait de tuer, j’accepterais.»(Tony Benetado. Citation relevée et traduite par Habib, https://web.archive.org/web/20070114135045/http://www.horschamp.qc.ca/article.php3?id_article=81 [Page consultée le 11 août 2023]).

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Affiche / pochette du film

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